Depuis quelques années, certains observateurs digressent sur l’éventuelle nature « néo-ottomane » de la diplomatie turque. Depuis le « non » d’Ankara, au Conseil de sécurité, à de nouvelles sanctions contre l’Iran, et depuis le sévère refroidissement des relations turco-israéliennes après l’attaque contre la flottille visant à briser le blocus de Gaza, la Turquie est carrément suspectée d’avoir tourné le dos à l’Occident et opté pour le giron moyen-oriental.
« La politique étrangère turque avance dans plusieurs directions. Nous n’envisageons pas notre implication dans la région en termes d’opposition avec nos relations avec l’Europe ou les États-Unis », souligne Ibrahim Kalin, qui rappelle que sur les dossiers irakien et afghan, par exemple, la Turquie, l’Europe et les États-Unis ont des vues très proches. Expliquant que la politique étrangère de la Turquie est souvent mal comprise, Suat Kiniklioglu, porte-parole du comité pour les Affaires étrangères, ajoute que l’implication de la Turquie « vise à stabiliser la région ». « De la même manière que la France et l’Allemagne ont mis en place, après la Seconde Guerre mondiale, des interdépendances économiques puis politiques afin de stabiliser l’Europe, la Turquie cherche à créer des interdépendances avec ses voisins », ajoute-t-il. Et le député du Parti de la justice et du développement de répondre à ceux qui se demandent si un revers électoral de l’AKP signerait l’arrêt de cet engagement, que « l’implication de la Turquie est permanente. Notre implication n’est pas un luxe ou un choix, c’est une nécessité ».
Une implication qui ne va toutefois pas sans heurts. Ainsi, au lendemain de la signature, le 17 mai dernier, d’un accord turco-brésilo-iranien sur le dossier du nucléaire, le groupe de Vienne accélérait la procédure pour l’adoption de nouvelles sanctions contre Téhéran. Un véritable camouflet pour Ankara. « Certes, l’accord du 17 mai ne réglait pas tout, mais il s’agissait d’une mesure de confiance importante. Il faut bien avoir conscience de l’importance du fait que l’Iran signait un accord, alors que jusque-là, il refusait même de produire un document officiel sur sa position », rappelle Ibrahim Kalin. Selon Suat Kiniklioglu, l’accord est malgré tout toujours sur la table et une réunion a récemment été organisée à Ankara au cours de laquelle « des pays importants », dont il refuse de donner le nom, ont insisté pour que l’approche diplomatique se poursuive sur le nucléaire iranien.
Sur le dossier israélien, les deux responsables insistent sur la détermination turque. Après l’attaque israélienne contre la flottille qui a entraîné la mort de neuf ressortissants turcs, Ankara a posé trois conditions à un retour à la normale des relations avec Israël : la mise en place d’une commission d’enquête internationale, des excuses israéliennes formelles et la levée du blocus de Gaza. « Jusqu’à présent, il n’y a rien de concret », reconnaît Ibrahim Kalin, alors qu’une rencontre a eu lieu, la semaine dernière, entre le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, et le ministre israélien du Commerce et de l’Industrie, Binyamin Ben Eliezer. « Certains peuvent penser qu’avec le temps notre détermination va faiblir. C’est une erreur », insiste Suat Kiniklioglu, qui ajoute qu’« Israël a plus besoin de la Turquie que la Turquie n’a besoin d’Israël ». [1](...)