Bertrand Heilbronn, AFPS - PalSol n°74
La réalité est nettement moins reluisante. Le plan d’annexion, qui faisait l’objet de l’accord de gouvernement israélien de début mai, peinait à se mettre en place dans un contexte de pressions internationales et de désaccords dans la coalition gouvernementale, et il fallait bien qu’à la veille des élections Trump puisse obtenir rapidement des résultats visibles. Mais Israël, comme Netanyahou l’a immédiatement déclaré, n’a jamais renoncé à l’annexion, et s’active sans relâche pour en déployer les effets, de facto, sur le terrain.
La réalité est aussi plus menaçante. Derrière ces accords « de paix », pointe le renforcement des alliances militaires et sécuritaires, illustré par la controverse sur la fourniture d’avions F35 aux Émirats, et les enjeux sous-jacents de l’utilisation de leurs bases militaires. C’est une dynamique de guerre qui se met en place, dans la suite logique de la dénonciation de l’accord nucléaire iranien par les États-Unis de Trump… à laquelle Israël a oeuvré sans relâche après avoir tout tenté pour s’opposer à cet accord. Ce n’est pas une alliance pour la paix, c’est une alliance stratégique contre l’Iran qui se dessine. C’est une stratégie d’affrontement qui peut entraîner l’ensemble de la région dans la guerre.
Tout cela ne doit pas nous faire sous-estimer le coup très dur qui a été porté au peuple palestinien. L’atout stratégique que constituait le plan de paix de la Ligue arabe, avec les conditions qu’il mettait à une normalisation des relations des pays arabes avec Israël, se trouve anéanti. Après avoir condamné le plan Trump, la Ligue arabe n’a cette fois pas condamné ces accords. Notons cependant le caractère très minimal, au stade actuel, de la déclaration commune entre Israël et le Bahreïn, et la prudence qui est de mise de la part de nombre d’autres États arabes soumis pourtant à d’intenses pressions des États-Unis.
Dans cette situation, les forces politiques palestiniennes n’ont pas d’autre solution que de s’entendre, de reconstruire l’OLP comme « maison commune », capable de définir et de porter une stratégie qui donne perspectives et visibilité à la lutte du peuple palestinien. Dans la situation actuelle où la population palestinienne se bat jour après jour pour survivre, dans un contexte sanitaire très menaçant et face aux attaques incessantes du régime d’occupation, de colonisation et d’apartheid, il y a urgence.
La plupart des pays européens dont la France, ainsi que l’Union européenne, ont « salué » les accords : s’agissait-il d’une position purement diplomatique ou d’une réelle adhésion ? On a senti comme un lâche soulagement devant l’éloignement des perspectives d’une annexion formelle, loin, très loin, des sanctions et des pressions qui seraient nécessaires pour qu’Israël recule dans sa politique de dépossession du peuple palestinien. Mais de nouvelles initiatives semblent se faire jour, à travers notamment une déclaration commune de la France, de l’Allemagne, de l’Égypte et de la Jordanie.
Une chose reste sûre : la période que nous vivons est cruciale, et le peuple palestinien a plus que jamais besoin de notre soutien.