En cette « journée de la terre en Palestine », plus de 60 personnes ont assisté le 30 mars 2016 à la conférence de Patrice Bouveret [1]à Clermont-Ferrand.
Cette conférence était organisée dans le cadre de l’Appel du 26 avril de la Compagnie théâtrale Brut de béton production [2], en partenariat avec AFPS 63, Puy-de-Dôme Nature Environnement, ATTAC 63, LDH 63 et Amis du Temps des Cerises, et accueillie dans la salle Conchon, avec le soutien de la municipalité de Clermont-Ferrand.
voir aussi la vidéo sur le site des amis du temps des cerises
Patrice Bouveret a rappelé les responsabilités de la France dans le développement des capacités nucléaires de l’État d’Israël, dès sa création en 1948. La France a été le premier partenaire militaire d’Israël de 1950 à 1967. Des ingénieurs israéliens étaient présents en Algérie durant tous les essais nucléaires français, jusqu’à ce que De Gaulle y mette un terme pour garantir l’autonomie de la France dans ce domaine. Puis il mit en place un embargo sur la coopération militaire, suite à la guerre de 1967, qui sera progressivement aboli sous Mitterrand.
L’Afrique du Sud, à l’époque de l’apartheid, a fourni de l’uranium et mis à disposition ses zones désertiques pour probablement au moins un essai israélien. Les États-Unis ont aussi fourni un réacteur nucléaire civil et de l’aide technique (avec un frein sous Kennedy qui voulait garder le monopole US). Plus récemment l’Allemagne a fourni plusieurs sous-marins permettant de lancer des têtes nucléaires (une tête miniaturisée a plus de 10 fois la puissance de la bombe d’Hiroshima).
Le nucléaire israélien est opérationnel depuis les années 70, avec actuellement un stock d’au moins 80 têtes (pour comparaison, la France aurait environ 300 têtes). Des enjeux nucléaires ont été présents dès les guerres de 1967 et de 1973. La stratégie israélienne est toutefois de rien révéler ni reconnaitre sur son potentiel nucléaire, sur son obtention, sur les risques de cette course aux armes de destruction massive, tout en ne signant pas le Traité de non-prolifération depuis 1970 (comme l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord) afin que les États-Unis continuent à les soutenir. Cette non reconnaissance leur évite en outre d’être poursuivis ou inspectés, et d’avoir à participer à des négociations sur le désarmement nucléaire.
Une utilisation de l’arme nucléaire détruirait une grande partie du Moyen Orient et serait suicidaire du fait des retombées radioactives inévitables sur le territoire israélien. Mais Israël poursuit la modernisation de son arsenal nucléaire, sans qu’aucune sanction ne soit prise à son encontre par la communauté internationale. Au contraire, plusieurs États, dont la France, contribuent à soutenir l’industrie militaire d’Israël.
Les ambitions nucléaires d’autres États de la région (Syrie, Irak, Égypte, Arabie saoudite, Iran) n’ont pas abouti à ce jour. Si on veut vraiment mettre un coup d’arrêt à la prolifération nucléaire au Moyen-Orient, il faut sortir du deux poids deux mesures. Pourquoi Israël a droit à la bombe et pas les autres ? Poser cette question souligne toute l’absurdité de l’attitude actuelle, car ce qui alimente la prolifération et le risque d’une guerre nucléaire dans cette région du monde est bien la possession par Israël de cette arme de destruction massive.
Et si aujourd’hui un accord a été trouvé avec l’Iran, sans la mise en route d’un processus de négociation pour une zone au Moyen-Orient sans armes de destruction massive, demain ce sera au tour d’un autre pays — Arabie saoudite, Égypte… — de vouloir se doter de l’arme nucléaire, au minimum d’en maîtriser toutes les technologies, de devenir pays du seuil selon la terminologie en usage.
Un tel processus est en discussion au sein des Nations Unies depuis… 1974 ! Mais il est bloqué par le Conseil de sécurité (où siègent les 5 grandes puissances nucléaires, États-Unis, Russie, France, Royaume-Uni, Chine) et il manque une réelle volonté politique qui ne pourra être obtenue que par une importante mobilisation citoyenne. La résistance de la société civile à la nucléarisation s’est toutefois ralentie depuis la fin du 20ème siècle.
Le débat suite à la conférence a été très animé et très riche : qui a la bombe H ? ; armes nucléaires tactiques (non adaptées à la géographie du Proche Orient) ; bombe à neutrons ? ; utilisation des armes à uranium appauvri (et notamment leur utilisation catastrophique en Irak) ; risque de dissémination de matières fissiles et de déchets nucléaires, utilisables pour des « bombes sales » par des groupes terroristes ; possibilités d’attaques terroristes armées ou informatiques sur les centrales nucléaires ; développement de la guerre électronique, et des drones, notamment par les USA et Israël ; développement et commerce lucratif de nouvelles armes de guerre urbaine testées sur les Palestiniens, notamment à Gaza ; multiplication des guerres conventionnelles dans les pays pauvres sur fond de « paix armée » entre les pays riches ou puissants ; poids du nucléaire dans la présidentialisation de notre régime politique, qui freine une gestion démocratique ; comment les sociétés civiles pourraient imposer à leurs gouvernants de travailler sur la prévention des conflits et sur des stratégies défensives, plutôt que de poursuivre la fuite en avant sur les armes offensives et les conquêtes néo-coloniales.
En conclusion, ce sombre état des lieux renforce la nécessité de la lutte non-violente de soutien aux Palestiniens, notamment par le mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions, dont la prochaine action à Clermont-Ferrand a été annoncée pour le 2 avril.