... qui doivent le passer chaque jour pour aller travailler, aller à l’école, pour avoir accès aux services de base ou simplement pour rendre visite à leur famille. Quelques Palestiniens forcés d’ utiliser ce terminal, racontent leur expérience et expliquent comment l’occupation qui s’intensifie rend leur vie insupportable ;
- Kalandia, février 2005
Deema Abu Hyala, Sabreen Abu Hyala, Dalal al Halawani et Siham al Halwani, élèves au lycée Ahed de Al-Ram, sont âgées de 12-13 ans :
"Maintenant, nous arrivons au terminal à 6 heures du matin, parfois à 5h30. Il y a toujours beaucoup de monde le matin. Ils nous font attendre une heure avant de nous autoriser à franchir la première série de tourniquets. Ces portes sont bloquées et nous ne pouvons pas passer avant que le feu soit vert. Quand nous entamons le processus des contrôles, nous devons traverser plusieurs portiques équipés de rayons X. Nous devons aussi mettre nos cartables sur un tapis avec une machine à rayons-X pour qu’ils soient contrôlés. C’est comme si vous alliez en Jordanie. D’abord nous leur remettons notre certificat de naissance. Ensuite, ils nous hurlent d’avancer vers l’étape de vérification suivante. Nous sommes trop jeunes et nous n’avons pas encore de cartes d’identité, alors nous ne pouvons pas passer sans le certificat (de naissance). Une fois Sabreen l’a oublié, et ils l’ont forcée à faire demi-tour. Ce sont des menteurs. Chaque fois, ils annoncent que les nouveaux équipements mis en place vont faciliter les déplacements, ils rendent la vie plus compliquée."
Une des filles poursuit : "J’ai toujours très peur lorsque je subis toutes les étapes de contrôle. J’ai peur que quelque chose sonne sur moi, surtout après avoir vu un garçon qui a été obligé d’enlever son pantalon. Alors qu’il passait sous un portique à rayons X, ça a sonné plusieurs fois. Alors les soldats lui ont demandé de quitter sa veste et son pantalon. En fait, c’était quelque chose sur son pantalon qui faisait sonner. C’est très humiliant. Je ne peux pas me déshabiller devant les gens et les soldats."
Muhammed Maher, 20 ans, étudiant à l’Université al-Quds à Ramallah :
"Chaque jour, je traverse Qalandya, et chaque jour j’attends mon tour pendant au moins 2h. Souvent ils ne choisissent pas la file dans laquelle j’attends. Il y a 5 files au total et vous avez de la chance si vous faites la queue dans la bonne.
C’est comme si vous voyagez vers un autre pays. C’est vraiment une expérience horrible. Les procédures de contrôle prennent 15 à 20 minutes. D’abord, je dépose ma carte d’identité dans une petite fente, alors ils me hurlent de traverser le portique de contrôle. Je dois quitter ma veste et ma ceinture, tous les éléments métalliques, mon sac et les mettre de côté. Je dois me rendre de l’autre côté pour être contrôlé sous le portique avec rayons-X. C’est le même équipement qu’ils utilisent sur le pont pour la Jordanie, si vous ne l’avez jamais vu. Une fois la machine s’est mise à sonner quand je suis passé dessous. C’était horrible et j’ai du repasser une nouvelle fois. Je me demande ce qui peut être pire dans la vie que de subir cela tous les jours.
Quelque fois j’essaye de passer par Surda (un check-point au nord de Ramallah, à environ 1h1/2 de route de Qalandya, et bientôt plus accessible à partir de Qalandya). Mais ça me coûte 3 ou 4 fois plus d’argent que de passer par Qalandya et ça prend aussi plus de temps.
- Surda
Les occupants ont peint une rose à l’extérieur du terminal. C’est quelque chose de bizarre, je ne sais pas ce que c’est censé symboliser. Tu ne sais pas ce que tu dois faire en la voyant. J’aimerais la mettre en pièce. Ils vous mettent dans cette situation misérable et humiliante et ils vous montrent ça : ce n’est pas notre espoir - c’est tout ce qui détruit notre espoir."
Amami Syam, 22 ans :
"Je suis étudiant à l’Université d’Abu Dis. Je passe à Qalandya chaque jour et c’est vraiment terrible pour moi. C’est une attente sans fin avant d’attendre les salles de cours. Je dois attendre mon tour pendant 2h. Souvent j’ai raté des cours, surtout juste après l’ouverture du terminal. Les Palestiniens avec une carte d’identité de Cisjordanie n’étaient pas autorisés à passer. Ensuite j’ai réalisé combien je devrais attendre quotidiennement. Maintenant j’arrive 2h avant le début des cours. Le processus de contrôle est une folie. Tu te sens comme un criminel ou comme un animal. Faire la queue est vraiment très humiliant, mais surtout traumatisant. La chose la plus dérangeante est que tu sais que c’est juste pour te faire perdre ton temps et de faire subir de mauvais traitements. Ce n’est pas pour la sécurité ou quelque chose comme ça. Ils veulent imposer des frontières comme ça. C’est une question politique, ils ont aussi mis cette rose qui nous met encore plus en colère et fait naître des sentiments de frustration. Ils jouent avec nos sentiments. Je ne sais pas comment je vais faire pour continuer à vivre ainsi. La situation empire de jour en jour."
Ahmed Ayyesh, 27 ans, de Biddu :
"Je travaille à Ramallah. J’ai été obligé de passer par le check-point de Qalandya quotidiennement. Depuis le début de la seconde Intifada, j’arrivais à mon travail très tard, alors j’ai décidé de m’installer à Ramallah pour ne pas perdre mon emploi. A peu près tous les 3 jours, je rentre à la maison pour voir ma famille et laver mon linge.
A la fin, la résistance palestinienne a tué un soldat au check-point de Qalandya. Ils l’ont complètement fermé et je n’ai pas pu voir ma famille pendant 3 semaines. Hier, j’ai décidé de leur rendre visite. Quand je suis arrivé au nouveau check-point fortifié à Qalandya, j’ai été choqué. Il m’a semblé que c’était comme pour aller dans un autre pays, comme le pont (vers la Jordanie). Beaucoup de gens attendaient, les soldats hurlaient au travers de haut-parleurs. L’atmosphère était horrible. Ils ont fermé toutes les files et environ 600 personnes attendaient que le feu soit vert. A la fin, une des cabines s’est mise à fonctionner et les autres sont restées fermées. J’ai attendu mon tour pendant près d’une heure, en vain. Vous entendez de nombreux soldats qui crient dans les haut-parleurs et qui parlent en même temps, et personne ne comprend ce qu’ils disent. Vous ne les voyez même pas. C’est très bruyant et ça rend malade. Tout d’un coup, les soldats se sont énervés et ils ont commencé à hurler que nous devions quitter les files et nous rendre dans la salle d’attente. J’ai attendu encore 40 minutes, puis je suis rentré à Ramallah.
La provocation la plus révoltante, c’est cette rose peinte sur les côtés du check-point fortifié. Ils vous traitent comme des animaux et vous montrent des roses".