- (© Khalil Abu Arafeh, in {Al Quds} du 23 juillet 2004.)
- Tout le monde demande une réforme palestinienne : mais réformer quoi ?
Palestine Report : Quels sont les derniers développements concernant la crise politique au sein de la direction palestinienne et dans les Brigades des martyrs d’Al Aqsa en particulier ?
Sakher Habash : La crise n’a pas lieu entre l’Autorité palestinienne et les Brigades des martyrs d’Al Aqsa car il n’y a pas un groupe unique à porter ce nom. On trouve des déclarations différentes provenant de groupes divers et il existe des contradictions dans le contenu de ces déclarations. Certains s’en tiennent à la ligne politique des Brigades, d’autres pas. Il faut donc distinguer ceux qui s’autoproclament membres des Brigades des véritables Brigades des martyrs d’Al Aqsa.
Je pense que la toute dernière déclaration faite au nom des Brigades concernant l’attaque de positions de l’Autorité palestinienne et l’enlèvement de Ghazi Jabali (le chef de la police) ne provient en fait pas des Brigades. Pour une raison, les véritables Brigades adhèrent à la ligne politique du Fatah. Les Brigades ont leur propre philosophie, qui diffère très légèrement de celle du Fatah pour ce qui est de la résistance et au choix de frapper l’occupant, mais sur la question du combat contre la corruption ils sont sur la ligne du Fatah.
Je crois que les événements dont nous venons d’être témoins sont en réalité une tentative pour allumer une guerre civile. Je pense que derrière cela se trouvent les gens qui sont à la base de la corruption et qui prétendent être les Brigades des martyrs d’Al Aqsa. En conséquence, la crise actuelle ne se passe pas avec les Brigades mais avec des groupes douteux qui tentent d’ébranler la stabilité et la sécurité de la région afin de porter des coups à l’Autorité palestinienne.
PR : Que peut-on faire en ce qui concerne le manque de sécurité et d’état de droit dans la rue palestinienne ?
S.H. : L’état de sécurité chaotique résulte de l’incapacité à traiter les problËmes dès leur apparition, selon le dicton populaire : " Soigne tes blessures et elles ne s’infecteront pas ". La corruption entraîne plus de corruption et l’état où nous nous trouvons provient de quelques personnes corrompues qui veulent atteindre des objectifs matériels et financiers à leur avantage exclusif.
La situation dans la société palestinienne où il n’existe pas d’état de droit nécessite une position solide et forte. Il nous faut des responsables plus compétents et fiables afin de remettre les choses en ordre. Ce sont les gens honnêtes et forts qui devraient être à la direction, pas les gens forts et malhonnêtes, comme Jabali. Son impudence a finalement entraîné sa faiblesse. En définitive, il a été frappé sur son propre terrain. Un corrompu ne devrait jamais être remplacé par un autre. Et le remplacement ne doit pas se faire sur des bases de loyauté personnelle mais de loyauté à la cause palestinienne. On ne doit pas nommer quelqu’un pour sa loyauté à notre égard sans tenir compte de ses défauts.
L’essentiel de la réunion avec le président Arafat, aujourd’hui 20 juillet, a porté sur l’appel à l’unité nationale sur une base claire et stable que cette crise demande. Nous avons besoin de gens honnêtes et intègres.
PR : Que peut faire le Fatah pour mettre fin à cet état de chaos ?
S.H. : Le Fatah appelle à l’unité nationale et à une position unifiée dans la rue palestinienne. Le premier ministre Abu Ala’a (Ahmad Qurei) a fait savoir sa conviction selon laquelle cet état de chaos résulte d’une accumulation de faiblesses à l’égard de groupes armés et de milices indisciplinées.
Les groupes qui mènent des actions corrompues doivent perdre leurs protections et c’est Abu Ammar qui doit être à la barre pour cette maneuvre, suivi par les forces nationales unies. Ils doivent marcher main dans la main et parler d’une mÍme voix. Ils doivent aussi expliquer quelle est la nature exacte de la corruption afin de prendre vraiment le contrôle de la situation en terme de
sécurité.
PR : Quelles décisions ont été prises pendant la rencontre du comité central du Fatah avec le conseil de sécurité nationale ?
S.H. : Notre première décision a été qu’il n’aurait pas fallu accepter la démission de Jabali. Il aurait fallu le démettre de sa fonction et le remplacer par une personne honnête comme chef de la police. Saeb Al Ajez a été choisi, il est compétent et honnête. Quant à Musa Arafat, la campagne contre lui met en exergue sur des actions, notamment d’acquisition de terrains, qui dénotent la corruption. Je pense personnellement que le choix de Musa Arafat n’était pas judicieux. Cependant, le président Arafat fait usage de son autorité et il devra porter la responsabilité de son choix. Je pense que les gens qui se sont opposés à la nomination de Musa Arafat sont des gens clairement impliqués dans la corruption. Certains sont même liés à l’occupation israélienne.
Quand Abu Ammar décidera de mener ses réformes, il faudra qu’il choisisse les personnes idoines et qu’il les place aux postes appropriés au bon moment.
PR : Pensez vous que cette vague d’enlèvements indique une nouvelle approche de certains groupes ?
S.H. : Les gens qui ont mené ces actions sont des gangs dont les actes étaient criminels, notamment quand ils se sont attaqués à l’ancien chef de la police Jabali. Comment a-t-on pu affaiblir ainsi sa situation en tant que chef de la police ? Cela a ouvert la voie au chaos dans la rue palestinienne.
Maintenant, il nous faut rectifier les erreurs que ces groupes ont commises - erreurs qui ont récemment donné crédit à la récente déclaration de Terje Larson sur les Palestiniens. Ses déclarations sont en fait correctes : il nous faut combattre les éléments corrompus qui permettent au monde de dire que les Palestiniens doivent être enfermés derrière un mur de sécurité.
PR : Est-ce que l’AP va céder à la pression populaire et démettre Musa Arafat ?
S.H. : Cela dépendra d’Abu Ammar.
PR : Pensez vous que les dernières réformes sont une réaction à ce qui vient de se passer ?
S.H. : Ces changements étaient déjà prévus avant que tous ces événements n’aient lieu. Malheureusement, ces décisions ont été prises à un mauvais moment. Nous espérons que les décisions seront toujours prises dans l’AP en tant qu’actions et non uniquement de manière réactive. C’est ainsi que cela doit se passer.