Le commentateur militaire du Haaretz, Amos Harel, a écrit lundi que "la Cisjordanie est relativement calme ces derniers temps", ce qui contraste avec l’ambiance qui régnait la veille en raison d’une fusillade dans la vieille ville de Jérusalem et d’une attaque au couteau à Jaffa.
Harel a ajouté le qualificatif suivant à sa description du calme : "En dehors des incidents locaux, dont certains ont impliqué des frictions entre voisins : les villageois palestiniens et les résidents des avant-postes juifs adjacents."
Ces mots doivent être traduits dans le langage de la réalité. Rédigés d’un point de vue exclusivement israélo-sécuritaire, ils donnent aux lecteurs une image déformée et trompeuse.
Pour la majorité des lecteurs qui ne suivent pas les posts et les tweets des activistes de gauche, qui rapportent ce qui se passe dans cette même Cisjordanie supposée relativement calme, les mots de Harel les anesthésient d’une véritable compréhension de la situation.
Tout d’abord, la "Cisjordanie" est une zone qui n’existe pas en soi, c’est une étendue qu’Israël a délibérément volée. Les Palestiniens sont emprisonnés dans des enclos, chacun étant entouré de tout ou partie des éléments suivants : clôtures, murs, caméras de surveillance, drones et ballons, soldats programmés pour être indifférents à la douleur des non-Juifs, miradors et tirs, colonies, avant-postes et restrictions de déplacement.
Deuxièmement, le terrorisme des colons contre les Palestiniens n’est pas une "friction" entre voisins. C’est un outil sophistiqué dans l’arsenal des méthodes d’expropriation d’Israël, et sur la voie d’une plus grande richesse et d’une réussite matérielle pour davantage d’Israéliens.
Et troisièmement, si nous nous en tenons à la racine hébraïque "peh-gimmel-ayin", qui signifie faire du mal ou attaquer, en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, Israël et les Israéliens font du mal à tous les Palestiniens, tout le temps (il en va de même dans la bande de Gaza et en Israël même, mais nous nous concentrerons sur la Cisjordanie, à titre d’exemple).
La plupart de ces actes nuisibles ne sont pas immédiatement mortels. Leurs effets destructeurs sont cumulatifs, ils affectent l’âme, les poches et la santé des gens, cette dernière parce qu’elle contribue à l’hypertension, au diabète et à d’autres maladies directement liées à la tension et à l’anxiété chroniques.
Chaque longueur de clôture qui empêche les gens d’accéder à leurs terres est une attaque. Tout comme chaque fusil armé qui effraie les enfants dans leur lit, chaque ordre bureaucratique qui restreint les déplacements, chaque ordre de démolition d’une citerne ou d’une bergerie, chaque refus d’enregistrer dans le registre de la population palestinienne des femmes qui vivent ici avec leur famille depuis des décennies.
Une attaque, ce sont les cris d’une femme soldat invisible dans le haut-parleur d’un poste de contrôle bondé. L’isolement de Jérusalem-Est du reste du territoire palestinien est une agression multiple.
Imposer un quota sur la quantité d’eau que les Palestiniens peuvent consommer, et soumettre les communautés d’éleveurs à une soif constante, n’est rien d’autre qu’un acte de sabotage, un assaut continu. Déclarer une zone spécifique terre d’État est une attaque contre le passé, le présent et l’avenir de chaque village et ville dont les terres ont été volées.
Et nous n’avons même pas parlé de la présence menaçante, arrogante et meurtrière des policiers israéliens à Jérusalem-Est, ni des soldats qui ont tiré sur, tué et blessé des Palestiniens qui protestaient contre le vol de leurs terres.
Ce calme relatif n’est le fait que d’un seul côté, et face à l’assaut ("bruit") israélien permanent contre le peuple palestinien, il mérite l’attention. Ce qui est remarquable, c’est que seuls quelques Palestiniens choisissent de répondre à l’assaut israélien perpétuel par des tirs ou des coups de couteau. La grande majorité d’entre eux savent qu’ils doivent refouler leurs sentiments de désespoir, de colère et d’impuissance sous l’apparence de la normalité.
Vous direz peut-être que cette retenue est le résultat de la supervision, de la répression et de l’application de la discipline par le service de sécurité Shin Bet, les FDI et l’Autorité palestinienne.
Vous ne vous trompez pas. Mais la retenue devrait être principalement attribuée à la conclusion à laquelle est parvenue la société palestinienne, à savoir que pour le moment, et compte tenu du déséquilibre des forces, il est impossible de détruire la complaisance des Israéliens par une nouvelle attaque à l’arme blanche ou une nouvelle fusillade.
En attendant, en l’absence d’une direction digne de confiance et d’une stratégie unie, aucun acte individuel désespéré ne fera avancer les Palestiniens dans la lutte contre la domination étrangère israélienne, qui est le premier responsable des attaques terroristes.
Traduction : AFPS