Photo : Mohammad Huraini est attaqué et blessé par des colons israéliens près de chez lui à Masafer Yatta, le 23 novembre 2024 © Mohammad Huraini sur X
Le 23 novembre 2024 a été marqué par la terreur et la violence pour ma famille. Ce jour-là, nous avons été violemment attaqués par des colons israéliens, avant que les forces d’occupation israéliennes ne fassent une descente dans notre maison peu après et n’arrêtent mon père alors que mon cousin et moi étions à l’hôpital pour un traitement médical. Après nous avoir attaqués et blessés, les colons nous ont accusés d’être ceux qui avaient essayé de leur faire du mal - un schéma d’agression israélienne et de revendication de victimisation que nous, Palestiniens, ne connaissons malheureusement que trop bien.
Ce samedi après-midi, je me trouvais dans ma maison du village d’at-Tuwani, l’un des nombreux villages de Masafer Yatta, dans le sud de la Cisjordanie occupée. J’ai reçu un appel urgent d’un voisin, qui m’a informé que deux colons israéliens de la colonie illégale voisine de Havat Ma’on s’approchaient de notre propriété. J’ai immédiatement levé les yeux pour les voir descendre la colline en direction de notre maison. Mon père, mon frère Sami, mon cousin et moi-même nous sommes précipités pour affronter les colons et les empêcher de s’approcher de notre maison.
Alors que je prenais mon téléphone pour documenter la situation, l’un des colons a frappé Sami à l’estomac de manière inattendue. Au même moment, un colon a lancé une pierre, me frappant directement au visage. Mon téléphone m’est tombé des mains et du sang a commencé à couler de mon nez. La douleur était si intense que j’ai été incapable de voir clairement pendant plusieurs instants.
Malgré la douleur et la désorientation, j’ai trouvé la force de me pencher pour récupérer mon téléphone. Alors que je me relevais, une autre pierre a volé à côté de moi, manquant de peu ma tête. La situation était chaotique.
Cette attaque soudaine a duré moins de deux minutes, avant que les colons ne s’enfuient en panique vers la nouvelle base militaire israélienne située à la périphérie de Havat Ma’on, qui a été établie sur nos terres après le 7 octobre 2023. J’ai couru rapidement vers la maison, désespéré d’arrêter l’hémorragie. Derrière moi, mon frère et mon père m’ont suivi, et j’ai été soulagé de voir qu’ils étaient indemnes. Une fois à la maison, j’ai appliqué de la glace sur mon nez et je me suis assis dehors, en attendant l’arrivée de l’ambulance, et j’ai remarqué que mon cousin avait été blessé à l’œil. C’est alors que j’ai vu que les colons étaient revenus sur le site où ils nous avaient attaqués - mais cette fois, ils étaient accompagnés de soldats israéliens, qui leur parlaient et pointaient dans notre direction, ce qui n’a fait qu’attiser ma colère.
L’ambulance est finalement arrivée, et les ambulanciers ont rapidement stoppé mon hémorragie et soigné la blessure à l’œil de mon cousin avant de nous emmener à l’hôpital. La perte de sang m’a laissé faible et désorienté, et j’ai eu du mal à comprendre ce qui se passait autour de moi jusqu’à ce que nous arrivions à l’hôpital. Là, le personnel médical nous a emmenés aux urgences, où nous avons reçu les soins nécessaires.
Quelques heures plus tard, j’ai tenté de contacter ma famille pour m’enquérir de son état. C’est alors que j’ai appris que mon père avait été arrêté par l’armée israélienne pour avoir attaqué les colons.
Cette nouvelle m’a laissé dans un état de confusion et de fureur, mais ce n’était pas la première fois que nous étions confrontés à un tel scénario. En septembre 2022, des colons israéliens ont attaqué mon père, lui cassant les deux bras, avant que les soldats ne l’emprisonnent sous la fausse accusation qu’il avait tenté d’attaquer les colons.
Pour obtenir des éclaircissements, j’ai appelé mon avocat, qui m’a informé que les colons avaient déposé une plainte contre nous, nous accusant d’être les agresseurs. L’armée est maintenant à ma recherche et à celle de mon frère Sami, avec l’intention de nous arrêter. Quelques deux semaines après l’agression, Sami et moi évitons toujours de dormir à la maison au cas où les forces d’occupation israéliennes feraient une descente nocturne.
Comme si le traumatisme du premier raid n’était pas suffisant, l’armée israélienne a soumis notre maison à une autre invasion brutale cette même nuit. Alors que les soldats nous recherchaient, moi et mon frère Sami, ma jeune sœur, mon frère et le reste de ma famille étaient terrifiés par ces actes barbares.
Il ne s’agit pas d’un événement aléatoire, mais du résultat d’un effort coordonné entre les colons israéliens et l’armée d’occupation, qui visent tous deux à nous forcer à quitter notre terre par la violence et l’intimidation.
Mon père a été relâché à 23h30, car aucune preuve ne venait étayer les affirmations des colons. Pourtant, une heure à peine après sa libération, nous avons subi une nouvelle descente de police, au cours de laquelle des soldats israéliens se sont introduits dans notre maison, ont procédé à une fouille minutieuse et ont semé la terreur parmi tous les membres de ma famille. Ils ont volé le disque dur de notre caméra de sécurité et endommagé notre voiture avant de partir.
Pour nous, le sentiment de sécurité qui devrait découler du fait d’être chez soi n’existe tout simplement pas. Une maison devrait être un sanctuaire, mais pour nous, c’est une cible permanente. Notre maison a été perquisitionnée des dizaines de fois par des soldats israéliens, et bien que cette expérience ne soit pas nouvelle pour nous, elle n’est certainement pas normale.
Cette dernière tournure des événements a été ressentie comme le coup de grâce dans une situation qui était déjà insupportable. Bien que victimes d’une attaque sur notre propre terre, nous risquons maintenant d’être emprisonnés.
Le schéma est clair : les colons et les soldats israéliens sont enhardis par l’absence de responsabilité pour leurs actes. Leur objectif n’est pas seulement de nous attaquer et de nous tuer, mais aussi de nous expulser de notre terre. D’une certaine manière, il n’y a rien de nouveau. Les actions de l’armée israélienne, bien qu’horribles, font partie d’un processus systématique de nettoyage ethnique et de déplacement des autochtones palestiniens.
Ce n’est pas un mode de vie normal, mais c’est devenu la réalité normalisée sous l’occupation israélienne. La violence quotidienne, le manque de sécurité et l’absence de responsabilité ne sont pas des incidents isolés - ils font partie d’une stratégie d’oppression plus large. Tant que ces crimes n’auront pas de conséquences réelles, ils continueront à s’intensifier.
Dans notre vie quotidienne, nous sommes confrontés chaque jour aux crimes les plus odieux commis à notre encontre. Défendre les droits humains a un prix élevé et, dans notre cas, ce prix signifie souvent risquer notre vie et notre liberté.
Voilà ce qu’est Israël : un État qui arme et protège les colons terroristes, les mettant à l’abri de toute responsabilité pour les crimes qu’ils commettent à l’encontre de mon peuple. C’est un régime qui perpétue la violence en toute impunité, transformant notre lutte pour la justice en une bataille pour la survie.
Pour moi, la question demeure : Cela cessera-t-il un jour ? La communauté internationale tiendra-t-elle Israël pour responsable de ses violations quotidiennes ? Ou bien nous, les opprimés, continuerons-nous à souffrir en silence, sans qu’aucune fin ne soit en vue ? Telle est la triste réalité de la vie sous occupation, et malheureusement, elle ne montre aucun signe de fin.
Mohammad Huraini est un habitant de Masafer Yatta, une zone située dans les collines du sud d’Hébron, en Cisjordanie occupée, où vivent un millier de Palestiniens. Masafer Yatta est la cible de la violence de l’armée israélienne et des colons, ainsi que des démolitions incessantes de maisons par les Israéliens depuis des décennies, dans le but de nettoyer ethniquement la région et d’ouvrir la voie à l’expansion des colonies de peuplement.
Traduction : AFPS