Nous avons porté ce rêve de coexistence sur une même terre.
Cette rêve est la solution idéale et la plus juste pour tous les habitants de cette terre. Les gouvernements israéliens et de nombreuses puissances du monde ont refusé cette vision et y ont préféré la vision d’un Etat juif et d’un autre arabe qui n’a jamais vu le jour.
Aujourd’hui, face à l’incapacité de mettre en œuvre les résolutions de l’ONU, face à la construction du mur d’apartheid et d’annexion et face à l’incapacité de l’Autorité Palestinienne à gérer la situation interne et externe, de nombreuses personnes se remettent à rêver, à parler d’un Etat comme s’ils avaient trouvé la solution miracle, une nouveauté… sans proposer aucune stratégie pour arriver cette revendication
Ce n’est qu’après des milliers de morts et 40 ans de guerre que la direction palestinienne a renoncé à la vision d’un Etat et accepté celle de deux Etats en demandant l’application du droit au retour des réfugiés palestiniens.
Quand on lutte pour la libération, il faut un minimum de cohérence…
On parle de la libération de la Palestine historique, l’OLP accepte ensuite l’idée d’un Etat palestinien sur les territoires de 1967, puis les artisans de Genève proposent l’inacceptable, et d’autres proposent à nouveau un seul Etat. Moi-même, je n’y comprends plus rien ! Il ne suffit pas de proposer des « solutions » mais il faut proposer aussi des stratégies.
Il suffit d’analyser les deux sociétés pour comprendre l’absurdité de cette idée. 56 ans d’occupation ont conduit à une radicalisation des mentalités, une fracture entre les deux sociétés s’est créée. Il faudra des années pour guérir les blessures et pour cela il faut que l’occupation cesse pour ouvrir la voie à un dialogue entre les deux sociétés civiles. Les conditions nécessaires à la coexistence de personnes de religions différentes sans domination de l’une d’entre elles ne sont pas réunies, notamment une laïcité réelle.
Mais le problème se pose aussi en matière économique. Imaginons qu’on arrive à satisfaire toutes les conditions précédentes, comment peut-on ouvrir une ville comme Gaza à une autre ville comme Tel-Aviv ?
L’une sort d’une occupation meurtrière et destructrice qui a duré des décennies et l’autre est bel et bien en développement économique et industriel. Comment ouvrir un petit marché très peu développé où l’agriculture simple est la principale source de revenus à un autre, industriel, se trouvant parmi les plus performants au monde.
Avez-vous oublié cette réalité ? Ainsi, même s’il y avait démocratie et laïcité, la conséquence de la construction d’un seul Etat serait une classe productrice (israélienne) et une autre consommatrice et ouvrière (palestinienne). Ainsi, on aura des ouvriers palestiniens qui peuvent aller en Israël (dénomination actuelle) pour travailler avec un salaire très bas par rapport aux Israéliens et, en fin de journée, ils seront obligés de rentrer dans leurs « territoires » (Cisjordanie et Gaza). Cela est actuellement le cas d’un grand nombre de Palestiniens, comme c’était le cas avant la première Intifada.
Voilà ce que vous avez oublié, il ne suffit pas d’enlever les frontières visibles pour effacer les frontières invisibles bien plus profondes. Un Etat construit dans un futur proche serait un autre système d’apartheid, ce qui est inadmissible pour nous les palestiniens. Nous ne pouvons accepter un Etat où une partie de la société serait soumise à l’autre. Nous rêvons d’un vrai Etat palestinien,
Il est vrai que la construction du mur d’apartheid et d’annexion rend la création d’un Etat palestinien ridicule, car nous ne pouvons jamais accepter un Etat morcelé sur 42% de la Cisjordanie et en transformant la bande de Gaza en prison.
Un Etat palestinien doit avoir une souveraineté totale, le contrôle sur les frontières et une continuité géographique sans oublier le droit inaliénable du retour des réfugiés palestiniens dans leurs foyers desquels ils ont été chassés. Mais l’alternative n’est pas un seul Etat binational, car nous n’accepterons jamais de vivre dans des « ghettos » alors que les Israéliens vivent ailleurs ces murs.
Aucune solution n’existe avec ce mur, la seule stratégie qu’on peut bien utiliser afin de démanteler le mur est celle qu’on a utilisée à la Cour Internationale de Justice de La Haye, c’est le droit international. Malheureusement, nous (Palestiniens et solidaires des Palestiniens) n’avons pas encore utilisé cette victoire de La Haye parce qu’on est occupés avec nos discussions et nos règlements de compte, parce qu’on ne sait même plus quelle solution on veut.
Un Etat sera peut-être la seule solution à long terme, car nous les Palestiniens ne pouvons pas oublier que la carte de Palestine est la Palestine historique, mais ce sera alors le choix des peuples. Deux Etats s’imposent aujourd’hui comme la seule solution crédible.
Si ces deux Etats deviennent laïques et démocratiques, ouverts l’un sur l’autre sans murs et sans séparation, alors, et seulement alors, on pourra penser à un avenir commun au sein d’un seul Etat. Cessez de nous dire qu’il faut attendre !
Le temps qui passe équivaut à plus de morts et plus de haine, il ne nous rapproche pas de la solution d’un Etat, mais nous en éloigne et permet à coup d’illusions de ne pas mettre tous nos efforts contre l’occupation. Il ne faut pas se tromper de priorité ; ignorer l’urgence serait criminel.
Réunissons-nous donc derrière les solutions crédibles, derrière le droit international et combattons l’occupation et le mur, qui coupe nos villes et villages en arrachant et confisquant de plus en plus de terre à l’heure même où nous discutons. Réunissons-nous, Palestiniens, autour d’une ligne politique et d’une stratégie claire. Réunissons-nous dans une autorité nationale (rassemblant toutes les couleurs et tendances politiques) pour défendre nos intérêt et revendications.
Tareq Sadeq -
étudiant palestinien