Introduction
Les subventions de recherche de l’Union européenne ont été une source de
financement pour les institutions universitaires, les entreprises et les agences
gouvernementales israéliennes, incluant de nombreuses sociétés militaires,
qui sont profondément impliquées dans les violations des droits de l’homme et
du droit international - y compris les entités qui opèrent dans les colonies
israéliennes illégales et qui en tirent profit.
Ça fait maintenant des années que des membres du Parlement européen et de
nombreuses organisations européennes et palestiniennes de défense des droits
humains expriment leur inquiétude quant à l’utilisation de l’argent des contribuables
européens pour financer des organisations israéliennes impliquées dans des crimes
de guerre et des violations des droits de l’homme.
La position de l’UE vis-à-vis des violations du droit international et des droits
humains commises par Israël est paradoxale et hypocrite ; tout en exprimant
fréquemment sa "profonde inquiétude" et en "condamnant" les colonies illégales
d’Israël, elle s’est néanmoins rendue complice en finançant les mêmes entreprises et
institutions qui se livrent à ces activités illégales, ou qui les soutiennent et les
encouragent.
La complicité de l’UE dans les violations du droit international et
des droits des Palestiniens par Israël
Israël n’est pas membre de l’UE mais, suite à la signature de l’accord d’association
UE-Israël en 1995, les candidats israéliens ont le même accès aux bourses de
recherche de l’UE que les État membres.
Amnesty International, Human Rights Watch, et B’Tselem- la principale organisation
israélienne de défense des droits humains-, ont tous publié des rapports détaillés
déclarant Israël coupable du crime d’apartheid.
L’UE a l’obligation légale et morale de ne pas reconnaître la souveraineté d’Israël sur
les territoires qu’il occupe depuis juin 1967, de ne pas renforcer l’occupation militaire
illégale d’Israël et son oppression de millions de Palestiniens, et de ne pas porter
atteinte aux droits humains inaliénables et universellement reconnus du peuple
palestinien.
Pourtant, par le biais des financements d’Horizon Europe, l’UE est complice
des violations du droit international et des droits humains commises par Israël.
Cette complicité se manifeste de trois manières principales :
En finançant des entreprises complices des violations des droits des Palestiniens et
des politiques discriminatoires d’Israël, y compris le crime d’apartheid tel que défini
dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale ;
En finançant des entreprises militaires israéliennes accusées d’être impliquées
dans des crimes de guerre ;
En finançant des entités qui participent à la colonisation israélienne et à l’expansion
des colonies illégales.
Il est difficile de ne pas conclure que l’UE est ainsi complice de la mort, du
déplacement et de la discrimination infligés au peuple palestinien par l’État
d’Israël.
Nous présentons ci-dessous quelques-uns des exemples les plus flagrants de cette
complicité, mais il convient de noter qu’il ne s’agit pas d’une liste exhaustive.
I. Financement d’entités privées complices
IBM Israël Ltd.
Financement Horizon Europe reçu : 5,11 millions d’euros
En 2017, IBM a renouvelé la base de données du registre de la population pour
l’Autorité israélienne de la population, de l’immigration et des frontières. Cette base
de données comprend des données sur tous les Palestiniens entre le Jourdain et la
mer Méditerranée ; ceux qui ont la citoyenneté israélienne, les "résidents" de
Jérusalem-Est occupée et les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza.
La principale composante de cette base de données est le registre biométrique de la
population israélienne, qui enregistre et catégorise l’identité ethnique et religieuse
des personnes. Ces données se matérialisent ensuite dans les cartes d’identité
délivrées par le gouvernement, que tous les résidents sont légalement tenus de
porter sur eux.
Les informations compilées dans la base de données sont ensuite utilisées par Israël
pour mettre en œuvre des politiques discriminatoires à l’encontre des Palestiniens.
La base de données, le système d’identification qu’elle alimente et les permis liés à
ces statuts sont autant d’outils utilisés pour fragmenter la société palestinienne.
Ils définissent la juridiction dont relèvent les Palestiniens (droit civil ou droit militaire)
et déterminent leur participation au système politique (qui peut voter et se présenter
aux élections), où ils peuvent vivre, travailler, voyager, qui ils peuvent épouser et leur
accès aux services gouvernementaux. En outre, comme la base de données contient
des informations détaillées sur la population de la bande de Gaza, y compris les
adresses des personnes, elle permet à l’armée israélienne de cibler plus
efficacement les civils palestiniens à Gaza.
Ainsi, en collectant systématiquement des données sur les Palestiniens sans leur
consentement, IBM participe à la violation de leurs droits numériques, tout en
permettant la mise en œuvre ultérieure de politiques discriminatoires et en
consolidant le régime d’apartheid israélien. Le ciblage illégal de civils lors de frappes
militaires israéliennes - des crimes de guerre - est également rendu possible par la
technologie d’IBM. Les investissements de l’UE dans des projets entrepris par IBM
signifient qu’ils financent des technologies de surveillance, ce qui implique une
complicité dans la mise en œuvre de politiques discriminatoires et injustes.
Red Hat
Financement Horizon Europe reçu : 3,24 millions d’euros
Red Hat, filiale d’IBM, produit Openshift, un internet opérationnel qui vise à accroître
l’efficacité et la létalité de l’armée israélienne. Red Hat a exprimé à plusieurs reprises
sa fierté d’aider l’armée israélienne.
Sightec Ltd.
Financement Horizon Europe reçu : 2,46 millions d’euros
Sightec fournit un système d’analyse de drones à la police israélienne. Les forces
de police israéliennes ne sont pas des forces de police "conventionnelles" ; des
sections importantes des forces de police veillent à ce que les Palestiniens restent
occupés et privés de leurs droits humains et nationaux fondamentaux. Il s’agit donc
en fait d’une force de police coloniale dont l’objectif est de veiller à ce que la
population autochtone reste privée de pouvoir, soumise, et colonisée. Renforçant
cette mentalité coloniale, le quartier général de la police nationale israélienne est
situé dans une colonie illégale de Jérusalem-Est occupée et illégalement annexée,
tandis qu’il y a au moins 38 autres postes de police dans des colonies israéliennes
illégales.
En bref, Sightec est complice d’une organisation qui, selon les termes d’Amnesty
International, se livre à des "exécutions extrajudiciaires et autres meurtres illégaux, à
des mauvais traitements et à la torture (même sur des enfants), à la suppression de
la liberté d’expression/d’association, y compris par la surveillance gouvernementale,
et à l’usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques".
Sightec développe également une technologie permettant de rendre les véhicules
entièrement autonomes et travailles-en étroite collaboration avec le fabricant de
drones militaires Israeli Aerospace Industries pour développer cette technologie.
Elle collabore également avec le ministère israélien des transports et l’Autorité
israélienne de l’innovation.
L’Autorité israélienne de l’innovation peut être considérée comme complice de
l’oppression des Palestiniens, comme en témoignent ses déclarations se vantant que
la soi-disant "cyberguerre" est à la pointe de l’industrie israélienne de haute
technologie, et célébrant sa collaboration avec les forces armées israéliennes - les
exécutants brutaux du régime d’apartheid discriminatoire d’Israël, de son occupation
militaire et de ses annexions, ainsi que de sa politique d’expansion des colonies de
peuplement.
Outre l’entretien des réseaux routiers réservés aux colons en Cisjordanie occupée, la
participation du Ministère israélien des transports à la discrimination des
Palestiniens est illustrée par l’exploitation de bus séparés dans la partie illégalement
annexée de Jérusalem-Est, soi-disant pour protéger les Palestiniens des attaques
des colons, mais en réalité installés pour satisfaire les exigences des racistes qui
considèrent tous les Palestiniens comme un risque pour la sécurité.
La collaboration de Sightec avec ces institutions la rend complice du système de
permis discriminatoire d’Israël, des restrictions de mouvement, du maintien de l’ordre
raciste et colonial, ainsi que de la surveillance et de la sécurisation du peuple
palestinien dans son ensemble.
Par ailleurs, le projet Horizon Europe dont Sightec est partenaire s’intitule "GPS-free,
beyond the visual line of sight navigation for logistics drones in urban environments"
(navigation sans GPS, au-delà de la ligne de visée visuelle pour les drones
logistiques dans les environnements urbains). La technologie développée grâce à
ces fonds sera inévitablement "testée" sur les Palestiniens et utilisée dans le cadre
du système israélien de surveillance et de contrôle des Palestiniens.
II. Financement d’entités publiques complices
Industries aérospatiales israéliennes
Financement Horizon Europe reçu : 2,15 millions d’euros
IAI est un fabricant d’armements, de véhicules et de technologies militaires détenu à
100 % par l’État israélien. Elle produit notamment des drones, des avions, des
missiles, de l’avionique et des systèmes spatiaux pour l’armée israélienne.
Les drones de l’IAI sont largement utilisés lors des assauts militaires d’Israël sur
Gaza. Human Rights Watch a documenté l’utilisation de ces drones pour attaquer
délibérément des civils palestiniens. Des drones auraient également été utilisés dans
des opérations militaires en Cisjordanie occupée, notamment dans le cas d’un drone
tirant un missile sur Naplouse en octobre 2022.
Lors du précédent cycle de financement du 7e PC, l’IAI a participé au projet
OPARUS. Le projet Oparus a développé des aéronefs pilotés à distance, tels que
ceux fournis par l’IAI pour les agressions militaires contre le Liban et Gaza, ainsi que
des technologies d’imagerie thermique.
Le colonel Desmond Travers, membre de la mission d’enquête de l’ONU sur
l’opération Plomb durci à Gaza en 2009, a déclaré que "les technologies d’imagerie
thermique ont probablement été utilisées pour identifier des cibles à forte densité
d’occupation. Ces cibles sont apparues lorsque les Palestiniens se sont réfugiés
chez des parents ou des amis dans des zones de Gaza considérées comme étant à
l’abri de l’occupation.
Selon les rapports de l’ONU et les groupes de défense des droits de l’homme, des
dizaines de civils ont été tués par des explosifs israéliens tirés sur des maisons
remplies de personnes cherchant refuge.
Bien qu’Israël n’ait admis publiquement l’utilisation de drones armés à Gaza qu’au
cours d’une opération des FDI en août 2022, des rapports ayant fait l’objet de fuites
tout au long des années 2010 montrent que des hauts fonctionnaires ont admis
l’utilisation de drones lors de bombardements à Gaza. L’armée israélienne a justifié
leur utilisation en affirmant que les "frappes chirurgicales de drones armés " feraient
moins de victimes à Gaza ; au cours des 15 dernières années, les Palestiniens ont
apporté des preuves significatives réfutant cette affirmation.
Les fonds de l’UE sont donc acheminés vers une entité dont la raison d’être est de
développer et de produire des technologies permettant de tuer, de mutiler et de
traumatiser les Palestiniens, un peuple protégé par le droit international.
Institut Technion
Financement Horizon Europe reçu : 33,08 millions d’euros
L’Institut Technion est une université de recherche publique israélienne et l’un des
nombreux exemples d’universités israéliennes qui brouillent la distinction entre civils
et militaires. Le Technion mène une grande variété de recherches sur la technologie
et les armes utilisées pour faire avancer le projet colonial israélien. Par exemple, ses
employés ont mis au point le bulldozer télécommandé D9, largement utilisé pour la
démolition de maisons et de structures palestiniennes.
Le bulldozer peut démolir des immeubles d’habitation avant que les résidents n’aient
une chance de s’échapper. Parce que les conducteurs pourraient refuser de
commettre des crimes de la sorte ou craindre de devoir rendre des comptes pour
avoir commis des crimes de guerre, les bulldozers peuvent être télécommandés par
un opérateur anonyme.
Entre 2008 et 2013, le Technion a conclu un partenariat de recherche avec la société
d’armement israélienne Elbit Systems Ltd, qui fournit des dispositifs de détection
électronique utilisés dans le mur de séparation israélien illégal en Cisjordanie, et a
également développé et construit des drones pour l’armée israélienne en vue d’une
utilisation au combat en Palestine occupée.
En outre, le Technion lui-même a fabriqué des technologies spécifiquement
destinées à tourmenter les populations récalcitrantes. Le "Cri "est un système
acoustique "non létal" qui "crée des niveaux sonores insupportables pour les
humains à des distances allant jusqu’à 100 mètres" ; cette arme de contrôle des
foules est principalement utilisée pour réprimer les manifestations palestiniennes non
armées. Le Technion est essentiellement devenu une branche R&D du complexe
militaro-industriel israélien.
Université de Tel Aviv
Financement Horizon Europe reçu : 33,1 millions d’euros
L’université de Tel-Aviv joue un rôle important dans l’élaboration de la doctrine
israélienne en matière de sécurité. Le code éthique de l’armée israélienne a été
élaboré et mis à jour en coopération avec le professeur émérite Asa Kasher, ancien
titulaire de la chaire d’éthique professionnelle et de philosophie de la pratique.
Kasher a fourni une analyse académique complexe selon laquelle l’ampleur des
dommages causés à la population civile au cours de l’opération Accountability (1993)
était "légitime et dosée avec précision". Plus de 90 % des victimes de l’opération
étaient des civils que l’armée américaine n’a pas touchés.
L’université a mené plus de 50 projets de recherche conjoints avec l’armée
israélienne.
L’université de Tel-Aviv accueille également l’Institut d’études de sécurité nationale
(INSS), qui recrute des officiers militaires à la retraite et entretient des liens étroits
avec des politiciens et des généraux. L’INSS s’enorgueillit d’avoir développé l’objectif
de terroriser la population du sud du pays.
L’INSS s’enorgueillit d’avoir développé la "doctrine Dahiya", ou doctrine de la force
disproportionnée qui préconise une punition collective violente de la population civile.
Largement adoptée et utilisée par l’armée israélienne, la doctrine Dahiya prévoit "la
destruction de l’infrastructure nationale [civile] et les souffrances intenses de la
population [civile].
L’ancien chef du Conseil national de sécurité, Giora Eiland, écrivant au nom de
l’INSS, a déclaré que Israël doit mener des guerres en "détruisant des maisons et
des infrastructures et en causant des souffrances à des centaines de milliers de
personnes".
Le département de droit de l’université forme des juristes pour l’avocat général des
armées, qui s’emploie à blanchir les crimes de guerre et à éviter les mécanismes de
contrôle internationaux. L’un des diplômés du programme de réserve universitaire est
le professeur Gabriella Blum, qui a jeté les bases d’une autorisation légale des
assassinats extrajudiciaires dans le cadre de son travail pour l’armée.
L’université de Tel Aviv est un acteur important des mécanismes d’occupation et de
guerre d’Israël à tous les niveaux : elle élabore la doctrine militaire et le code éthique
qui autorisent le ciblage intentionnel des civils, développe la technologie qui permet
l’exécution de cette doctrine aussi précisément que possible et, enfin, assure la
défense juridique contre les accusations de crimes de guerre.
Université hébraïque de Jérusalem
Financement Horizon Europe reçu : 29,9 millions d’euros
L’Université hébraïque de Jérusalem entretient des liens étroits avec l’armée
israélienne et peut être considérée comme une branche universitaire des forces
armées. Tous les collèges et centres de formation de l’armée israélienne sont placés
sous les auspices et la responsabilité de l’Université hébraïque. L’université forme les
soldats à la science et à la technologie et accueille même une base militaire sur son
campus. En raison de ses liens étroits avec l’armée, l’université est directement
complice des violations du droit international et des atteintes aux droits de l’homme
commises par Israël -qui sont bien documentées.
En outre, le campus du Mont Scopus et les dortoirs de l’université sont construits sur
des terres palestiniennes à Jérusalem-Est, que le droit international reconnaît
comme étant illégalement annexée et sous occupation militaire. En amenant le
personnel et les étudiants israéliens à travailler et à vivre sur des terres
palestiniennes occupées, l’Université hébraïque viole le droit international,
notamment la quatrième Convention de Genève qui interdit sans ambiguïté de telles
activités.
Conclusion
L’UE a l’obligation légale et morale de ne pas reconnaître la souveraineté israélienne
sur les territoires occupés, de ne pas renforcer cette occupation militaire, et de ne
pas aider Israël à opprimer des millions de Palestiniens dans le cadre d’un système
d’apartheid. L’UE ne devrait pas soutenir des abus qu’elle ne tolérerait jamais sur son
propre sol.
Pourtant, il est clair que lorsqu’il s’agit d’Israël, il y a une grave incongruité entre les
paroles hautaines des fonctionnaires de l’UE et l’accès à l’argent des contribuables
européens dont bénéficient des entités israéliennes complices de graves atteintes
aux droits de l’homme, de violations du droit international et de crimes de guerre. En
soi, il s’agit d’une hypocrisie extrême.
Il y a un double standard qui souligne cette hypocrisie totale ; En mars 2022,
l’UE a suspendu toutes les entités russes des programmes actuels et futurs
d’Horizon Europe. Cela s’est produit dans les quinze jours qui ont suivi
l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Pourquoi alors, alors que cette année verra l’occupation par Israël des territoires
palestiniens et syriens entrer dans sa 56e année, ne voyons-nous pas le même
traitement pour les entités israéliennes ? À tout le moins, l’UE devrait suspendre du
programme Horizon Europe les entités israéliennes complices, telles que celles
énumérées ci-dessus.
Tant qu’elle ne l’aura pas fait, l’UE restera complice de l’oppression du peuple
palestinien en donnant de l’argent des contribuables à ces entités.