Photo : Ken Roth
La Harvard Kennedy School a annoncé son intention d’offrir un poste à l’ancien directeur exécutif de Human Rights Watch, Kenneth Roth.
L’école a fait l’objet de nombreuses critiques à la suite d’un article publié par Michael Massing dans The Nation expliquant comment Roth avait été recruté sur cette bourse d’étude avant de se voir refuser le poste en raison de ses critiques d’Israël. Un professeur de l’école a déclaré à Massing que le doyen Douglas Elmendorf a ouvertement admis que la bourse avait été supprimée en raison du "parti pris anti-israélien" de Roth.
L’article de Massing détaille les liens de longue date de l’école avec le complexe militaro-industriel et identifie un certain nombre de ses donateurs pro-Israël. Parmi ceux-ci figurent Thomas Kaplan, Leslie Wexner, Idan et Batia Ofer, et Robert et Renee Belfer.
Dans un courriel adressé à la communauté de la Kennedy School, Elmendorf déclare avoir commis une "erreur" en annulant la bourse de Roth, mais donne peu de détails sur les raisons de cette décision. Il insiste cependant sur le fait que l’influence des donateurs n’a rien eu à voir avec ce choix.
"Je tiens tout d’abord à souligner que ma décision n’a pas été influencée par les donateurs. Les donateurs n’ont aucune influence sur notre examen des questions universitaires", est-il écrit. "Ma décision n’a pas non plus été prise pour limiter le débat à la Kennedy School sur les droits de l’Homme dans quelque pays que ce soit. En tant que communauté, nous sommes fermement attachés à la liberté d’investigation ainsi qu’à l’inclusion d’une large pluralité de points de vue sur la politique publique, et la nomination d’un membre n’est jamais une approbation des points de vue de cette personne ni une réfutation de points de vue différents. La décision que j’ai prise à l’égard de M. Roth l’été dernier était fondée sur mon évaluation de ses contributions potentielles à l’École."
Le courriel ne mentionne spécifiquement Israël à aucun moment.
Roth a publié une déclaration dans laquelle il se dit "ravi" et "reconnaissant" de ce revirement. Cependant, il note également que l’annonce d’Elmendorf manque de transparence et qu’il reste inquiet pour la liberté universitaire à l’école.
My statement in response to the decision by Harvard Kennedy School Dean Douglas Elmendorf to reverse his decision to block a fellowship for me proposed by the Carr Center for Human Rights Policy. pic.twitter.com/cGW3oP3GrV
— Kenneth Roth (@KenRoth) January 19, 2023
Traduction
Ma déclaration en réponse à la décision du doyen de la Harvard Kennedy School, Douglas Elmendorf, de revenir sur sa décision de bloquer une bourse d’études pour moi proposée par le Carr Center for Human Rights Policy.
Je suis ravi que le doyen de la Harvard Kennedy School, Douglas Elmendorf, ait annulé sa décision de bloquer la bourse que m’avait proposée le Carr Center for Human Rights Policy. J’ai longtemps pensé que le Carr Center, et la Kennedy School, seraient un endroit agréable pour travailler sur le livre que je suis en train d’écrire, et j’ai hâte d’y passer du temps avec mes collègues et étudiants.
Je suis reconnaissant aux membres de la Kennedy School et aux étudiants de Harvard et du monde entier pour leur désapprobation massive de la décision initiale du doyen Elmendorf. Cette large désapprobation a sans aucun doute entraîné son changement d’avis.
Il reste deux questions qui ne sont pas abordées dans l’annonce du doyen Elmendorf. Dabord, il n’a toujours rien dit au sujet des personnes "qui comptent pour lui" et qui, d’après lui, étaient derrière sa décision initiale de veto. Une transparence totale est essentielle pour garantir qu’une telle influcence ne soit pas exercée dans d’autres cas.
Ensuite, je reste préoccupé pour la liberté universitaire. Grâce à mes trois décennies à la tête de Human Rights Watch, j’ai pu braquer un projecteur puissant sur la décision du doyen Elmendorf, mais qu’en est-il pour d’autres ? Le problème des personnes pénalisées pour avoir critiqué Israël ne se limite pas à moi, et la plupart des universitaires et des étudiants n’ont pas la même capacité à mobiliser l’attention du public. Comment la Kennedy School, et Harvard, vont-ils faire en sorte que cet épisode traduise un engagement accru en faveur de la liberté universitaire, et non un traitement exceptionnel pour un individu bien connu ?
"C’est formidable que ce soit arrivé. Mais cela s’est produit, en partie, parce qu’il est plus difficile de boycotter des personnes comme Ken Roth, qui sont juives plutôt que des palestiniens", a noté Peter Beinart, rédacteur en chef de Jewish Currents, sur Twitter. "Les Palestiniens sont les plus grandes victimes de ce genre d’exclusion. L’objectif doit être que les universités ne les censurent plus. »
It's great that this happened. But it happened, in part, because it's harder to cancel people like @KenRoth, who are Jewish rather than Palestinian. Palestinians are the greatest victims of this kind of exclusion. The goal must be universities that no longer cancel them https://t.co/zj2i3bzkke
— Peter Beinart (@PeterBeinart) January 19, 2023
En avril 2021, alors que Roth était encore à la tête de Human Rights Watch, l’organisation a publié un rapport de 213 pages détaillant les "crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution d’Israël."
"Ces politiques, qui accordent aux Israéliens juifs les mêmes droits et privilèges où qu’ils vivent et discriminent les Palestiniens à des degrés divers où qu’ils vivent, reflètent une politique visant à privilégier un peuple au détriment d’un autre", avait alors déclaré Roth.
Traduction : R. P. pour AFPS