Photo : Une femme se tient au milieu des ruines du quartier populaire al-Rimal à Gaza City après un bombardement israélien le 10 octobre 2023 - Crédit : Mohammed Zaanoun (Active Stills collective)
Les Palestiniens refusent de quitter leurs maisons après que l’armée israélienne a ordonné vendredi à tous les civils du nord de Gaza, soit plus d’un million de personnes, d’évacuer vers le sud de l’enclave assiégée dans un délai de 24 heures.
L’armée israélienne a déclaré dans un communiqué vendredi que les civils devaient quitter la ville de Gaza, au nord, et qu’ils ne seraient pas autorisés à revenir « jusqu’à ce que nous le disions » et jusqu’à ce qu’une « déclaration soit publiée pour l’autoriser ».
« Les civils de la ville de Gaza doivent évacuer le sud pour leur propre sécurité et celle de leurs familles, et s’éloigner des terroristes du Hamas qui les utilisent comme boucliers humains », a déclaré l’armée.
« Les terroristes du Hamas se cachent dans la ville de Gaza à l’intérieur de tunnels situés sous les maisons et à l’intérieur de bâtiments peuplés de civils gazaouis innocents. » [affirment l’armée]
Mais de nombreuses personnes refusent de quitter leurs maisons, craignant une répétition de la Nakba en 1948, au cours de laquelle des centaines de milliers de Palestiniens ont été expulsés de leurs terres et sont toujours réfugiés plus de soixante-dix ans plus tard.
Salim Ayoub, un habitant de Gaza âgé de 65 ans, a déclaré à Middle East Eye que « ce qui se passe aujourd’hui est une répétition de ce qui s’est passé en 1948 ».
« Je me suis assis pour en discuter avec mes enfants et nous avons décidé de ne pas partir. Nous ne quitterons pas le nord de Gaza pour aller dans le sud parce que nous ne voulons pas nous retrouver à nouveau sans abri », a-t-il ajouté.
Naama Hazem, 20 ans, vit avec sa famille dans le quartier de Daraj, dans la ville de Gaza.
« Nous sommes plus de 20 personnes dans l’immeuble. Mon grand-père refuse de sortir et dit qu’il préfère mourir dans sa maison », a-t-elle déclaré à Middle East Eye.
« Nous avons pris la décision de ne pas nous séparer, même si cela signifie que nous mourrons ensemble. En fait, même si nous envisagions de partir, nous n’aurions nulle part où aller. Nous n’avons pas de famille dans le sud. »
Ces derniers jours, les Palestiniens du nord de Gaza ont déjà été déplacés par la campagne de bombardements israélienne.
La correspondante de Middle East Eye, Maha Hussaini, a déjà quitté sa maison dans le nord suite aux ordres de déplacement forcé.
Un autre reporter de Middle East Eye sur le terrain a déclaré que cela « ressemble à une deuxième Nakba » et que « de nombreuses familles quittent maintenant leurs maisons ».
Les Nations Unies ont appelé Israël à annuler l’ordre d’évacuation.
« Les Nations unies considèrent qu’il est impossible qu’un tel déplacement ait lieu sans conséquences humanitaires dévastatrices », a déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU.
« Les Nations unies lancent un appel pressant pour que tout ordre de ce type, s’il est confirmé, soit annulé, afin d’éviter que ce qui est déjà une tragédie ne se transforme en une situation calamiteuse. »
L’Organisation mondiale de la santé a déclaré qu’Israël forçait les personnes gravement malades à Gaza, y compris celles sous assistance respiratoire, à se déplacer, ce qui équivaut à une « condamnation à mort ».
Une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies sur la guerre israélo-palestinienne a été convoquée pour vendredi.
Deuxième Nakba
Samedi, le Hamas a lancé un assaut surprise sur plusieurs fronts contre les communautés israéliennes, tirant des milliers de roquettes et envoyant des combattants en Israël par voie terrestre, aérienne et maritime. Plus de 1 300 Israéliens ont été tués et environ 130 personnes ont été emmenées en captivité à Gaza.
Les forces israéliennes ont répondu par une pluie de frappes aériennes sur la bande de Gaza cette semaine, tuant au moins 1 500 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants.
Les appels à l’évacuation forcée interviennent alors qu’Israël a déployé des chars près de la frontière avec Gaza, en prévision d’une invasion terrestre de l’enclave, la première depuis plus de neuf ans.
Les Palestiniens pensent que cet ordre fait partie d’un plan visant à déplacer les habitants de la bande de Gaza vers le sud, jusqu’à ce qu’ils soient contraints de quitter Gaza et de passer en Égypte en tant que réfugiés.
Jeudi, des Palestiniens de Gaza ont déclaré à Middle East Eye que les projets d’ouverture d’un corridor humain permettant aux civils de fuir vers la région égyptienne du Sinaï s’apparenteraient à une « seconde Nakba ».
Plus de 700 000 Palestiniens ont été contraints à l’exil en 1948 et n’ont jamais été autorisés à revenir, ni eux ni leurs descendants.
Nombre de ces familles palestiniennes se sont retrouvées à Gaza et l’ordre actuel de quitter la région rappellera les souvenirs historiques de l’épuration ethnique de 1948.
Plus de 60 % des habitants de Gaza sont déjà des réfugiés d’autres parties de la Palestine.
« Je ne suis pas favorable à l’idée d’une réinstallation dans le Sinaï », a déclaré à Middle East Eye Ali Abdel-Wahab, analyste de données et chercheur qui vit dans la bande de Gaza assiégée.
« Les Palestiniens qui ont vécu les guerres et les souvenirs de la Nakba espèrent que cela ne se reproduira plus. »
Traduit par : AFPS