Taoufiq Tahani, AFPS - PalSol n°74
Le Proche Orient en est l’un des principaux théâtres où s’affrontent trois projets régionaux : israélien, turc et iranien. Les États-Unis ont Israël comme allié stratégique. La Turquie qui reste leur allié peut se trouver en contradiction avec eux et les États-Unis ne peuvent réunir Israéliens et Turcs sous la même bannière. La préférence accordée à Israël peut amener la Turquie à chercher des ententes avec la Russie ou le Qatar, sans toutefois franchir de ligne rouge tracée par l’administration américaine.
L’Iran est perçu comme un possible relais de la Chine dans la région. Il faut donc le combattre sans merci, en soutenant les monarchies du Golfe. D’où la coalition anti-iranienne apparue désormais au grand jour. Les États-Unis ont fait le choix de la confrontation en dénonçant l’accord sur le nucléaire. Les responsables américains veulent éliminer ou affaiblir les concurrents potentiels d’Israël afin de lui garantir une supériorité militaire absolue dans la région. Cela vaut pour les nouveaux alliés arabes d’Israël invités à jouer un rôle de supplétifs dans la stratégie de domination américaine.
Le grand absent est le monde arabe, véritable corps malade. Pas d’autre projet sinon la survie de régimes despotiques sous perfusion. L’espoir né des révolutions arabes s’est vite éteint. Les régimes qui ont échappé à la destitution lors de ces révoltes, ou les militaires en Égypte, savent qu’ils ne peuvent survivre sans protection extérieure.
La majorité d’entre eux veulent une alliance avec Israël depuis longtemps car c’est une exigence du protecteur américain et ils considèrent l’Iran beaucoup plus dangereux du fait de la présence de fortes communautés chiites dans plusieurs pays du Golfe. Ils savent que leurs régimes ne tiendraient pas longtemps sans protection américaine. Mais ils rêvaient d’un « geste » israélien leur évitant l’humiliation d’une reddition sans combat. C’était l’esprit de l’initiative arabe de 2002 (échange des territoires occupés en 1967 contre une paix globale), saluée alors par l’ensemble de la communauté internationale dont le Conseil de sécurité de l’ONU et par l’Union européenne. Concession majeure des pays arabes pour aboutir à la paix avec Israël et régler définitivement la question palestinienne.
Avec le « plan de paix arabe » Israël ne pouvait plus prétendre que Palestiniens et pays arabes refusaient la paix. Israël dirigé à l’époque par Ariel Sharon a rejeté et méprisé l’initiative sans même en discuter à la Knesset. Sa seule « offre », rappelée récemment par Netanyahou, est « la paix contre la paix ». Ainsi aucun retrait des territoires occupés en 1967 n’est envisagé. C’est une reddition pure et simple qui est demandée. Les Émirats et Bahreïn ont bien compris le message et, abandonnant la plus importante carte diplomatique jusqu’ici entre les mains des pays arabes, ont troqué l’esprit de l’initiative, « la terre contre la paix », contre « la protection américaine contre la paix ». Humiliation totale.
Israël s’est employé à rendre impossible le plan de paix arabe en marginalisant les instances internationales et en multipliant les projets de colonisation. Il a pu obtenir l’adhésion de premiers pays arabes au plan Trump sans fournir la moindre concession, même symbolique. Les mots occupation, colonisation, annexion sont absents des documents signés par les Émirats arabes unis, Bahreïn et Israël.
Ceci étant, la normalisation avec Israël continue de faire peur à certains régimes car ils savent que leur opinion publique ne le leur pardonnera pas.
L’administration américaine quant à elle multiplie les pressions pour que les pays arabes les plus importants rejoignent leur coalition, dirigée régionalement par Israël. Pour ce faire, elle cherche une caution palestinienne. David Friedman, ambassadeur des États-Unis en Israël, l’a dit sans se cacher lors d’une interview accordée mi-Septembre au journal israélien Israël Hayom « nous envisageons de remplacer Abbas par Dahlan ». C’est révélateur d’un mépris total des peuples arabes pour imposer la suprématie israélienne.
Dans ces conditions, les Palestiniens n’ont d’autre choix que faire revivre leurs institutions. Redonner à l’OLP sa pleine légitimité en y intégrant l’ensemble des forces politiques et de la résistance populaire, procéder à des élections transparentes. Les Palestiniens ont besoin d’un appui résolu de la communauté internationale pour pouvoir tenir ces scrutins.
C’est d’autant plus nécessaire qu’Israël s’y oppose totalement et n’est plus seul à saper le chemin de l’unité nationale palestinienne. Il peut désormais compter sur ses alliés arabes, de l’Égypte aux Émirats…