Les pancartes appelant au boycottage se fondent parmi les offres promotionnelles : "Ce magasin a été débarrassé des produits israéliens". Youssef Sider, responsable marketing des supermarchés Bravo, inspecte les rayons de l’un des magasins situé à Ramallah, et s’arrête devant une rangée de yaourts aux fraises : "Auparavant, il n’y avait ici que des laitages israéliens. Maintenant, c’est une marque locale d’Hébron, Al-Jebrini, qui occupe la place. C’est une grande victoire pour notre boycottage."
Début août, la principale chaîne de supermarchés de Cisjordanie, suivie par d’autres commerçants, s’est engagée à retirer tous les produits israéliens de ses rayons, en solidarité avec la bande de Gaza, soumise aux bombardements israéliens. Un engagement fort qui s’appuie, par ailleurs, sur le profond ressentiment palestinien qui avait précédé le conflit, après la découverte, début juillet, du corps carbonisé du jeune Palestinien Mohammed Abou Khdeir, tué par des juifs extrémistes présumés.
"Les racines sont plus profondes encore. Nous chassons l’occupation des estomacs palestiniens, poursuit M. Sider, et nous renforçons, du même coup, l’industrie locale palestinienne." Premiers bénéficiaires de cette vague de boycottage, les producteurs laitiers palestiniens font état d’une" augmentation de 30% à 40%" de leurs ventes.
L’opération militaire israélienne à Gaza a relancé le mouvement BDS ("Boycott, désinvestissement, sanctions"), qui s’essoufflait en Cisjordanie. Né en 2005 à l’initiative de 171 associations palestiniennes, il appelle à un boycottage commercial, culturel et universitaire d’Israël. En marge des manifestations de la colère qui ont embrasé, début août, la Cisjordanie, les militants du BDS ont lancé une vaste campagne d’étiquetage des produits israéliens : des autocollants "16%" pour rappeler la contribution sur les prix de vente "directement versée à l’armée israélienn ".
Hébreu dans les rayons
Pour autant, le boycottage des produits israéliens n’est pas systématique. Dans les supermarchés Max Mar à Ramallah, l’hébreu n’a pas disparu des rayons : "Ce sont les clients qui nous demandent de conserver les produits israéliens, surtout le lait. Ils y sont habitués", justifie Asil Abou Mouhsen, une vendeuse qui assure néanmoins, qu’à défaut, la direction a décidé "d’augmenter les prix" de ces denrées.
En Israël, on minimise les effets de cette campagne. Pour le syndicat des industriels, la vague de boycottage ne résistera pas à la fin du conflit à Gaza ; le recours à des produits de substitution, importés d’Europe ou du monde arabe, aura pour effet d’accroître les prix en Cisjordanie, un territoire complètement dépendant d’Israël. "Les Palestiniens ont bien plus à perdre que nous", avertit Dan Catarivas, le responsable de la section internationale du patronat israélien.
Le même argument est utilisé pour dénoncer un autre boycottage, davantage redouté par les industriels israéliens : celui de l’Union européenne contre les produits issus des colonies. A compter du 1er septembre, Israël ne pourra plus exporter la volaille et les laitages élaborés au-delà des frontières de 1967. En pratique : les certificats d’inspection vétérinaire pour ces produits ne seront plus validés par les organes de contrôle de l’UE.
L’impact de cette décision est publiquement qualifié "d’insignifiant" en Israël : la part des colonies ne représentant que 0,5% du commerce extérieur israélien, le boycottage n’aurait pour effet véritable que de "pénaliser" les 22 500 Palestiniens travaillant dans ces localités.