Massivement soutenu par une
population à bout de force
depuis le blocus imposé par
Israël et les sanctions décidées par
l’Europe et les Etats-Unis au lendemain
de la victoire du Hamas aux dernières élections
législatives, le mouvement de grève
des fonctionnaires a du affronter de vives
réactions de la part de l’Autorité palestinienne.
Car celle-ci n’a pas hésité à
user de la menace ou du coup de force
pour tenter de briser la détermination
des grévistes.
L’affaire est d’importance. Elle rappelle
au monde la réalité dans laquelle se débattent
des centaines de milliers de familles
qui, depuis des mois, tentent de survivre
sans salaire aucun, en puisant dans leurs
économies, voire en faisant appel à la
solidarité [1]. Elle souligne une fois de
plus la situation dramatique dans laquelle
est plongée la Palestine depuis la signature
des accords d’Oslo. En effet, de
quelle indépendance les territoires occupés
peuvent-ils bien se prévaloir quand
toute leur économie est sous tutelle de
la puissance occupante ? Qui plus est,
quand, du jour au lendemain, les pays
donateurs, principaux financiers du marché
de l’emploi public et des ONG, peuvent
cesser d’apporter leur aide ?
Rarement, la Palestine n’a pu constater
à ce point les effets dramatiques de sa sujétion.
Mais cette grève pose un autre problème
: n’est-elle pas aussi la revanche
tant attendue de tous ceux qui ne voulaient
pas d’une victoire du Hamas ? Et dans
ce cas, quelle autonomie du social sur le
politique en Palestine ? Enfin, l’Autorité
actuelle dispose-t-elle vraiment d’une
marge de manoeuvre pour payer des
salaires assurés, il y a six mois encore,
par le versement de fonds provenant de
donateurs internationaux ?
Tout se passe aujourd’hui comme si ce
mouvement lancé au tournant de l’été
illustrait comme peu d’autres la logique
infernale dans laquelle se débat depuis
des années une Palestine toujours occupée,
une Palestine interdite de toute politique
de développement autonome, dans
laquelle la question sociale est restée
très longtemps étouffée par la lutte nationale.
Ardent défenseur de ce mouvement de
grève, Wajih Al-Ajassa, l’un des principaux
animateurs du Centre pour la
démocratie et les droits du travail, a
répondu, début septembre, aux questions
de Pour la Palestine.
PLP : Pourquoi cette grève ? Pensez-vous que
l’Autorité a les moyens de verser les salaires
que les fonctionnaires réclament ?
Wajih Al-Ajassa : Tout simplement, les
salariés de l’Autorité ont le droit de vivre
dans la dignité. Ils ne peuvent pas continuer
à vivre sans être payés... Qui le
pourrait ? Et, faut-il le rappeler, le droit
de grève n’est pas seulement un droit
reconnu dans le code du travail palestinien,
il l’est aussi par toutes les instances
internationales. Cela fait des
semaines et des mois que cette situation
dure. Le problème est que les gens
aujourd’hui ont le sentiment que personne
ne se soucie de leur situation ;
pas plus le gouvernement que la présidence.
Les revendications que porte ce
mouvement sont connues depuis longtemps,
pourquoi n’a-t-on pas cherché
à y apporter une solution ? Des millions
de dollars sont parvenus en Palestine,
pour quel résultat ? Pas un n’est venu
combler le manque à gagner que subissent
les salariés du secteur public depuis
un semestre.
PLP : La situation politique que subit la
Palestine aujourd’hui n’explique pas tout,
diriez-vous ?
W.A. : Bien sûr, l’occupation et les
assassinats continuent sur tout le territoire
de la Palestine. Mais que dit le gouvernement
aux salariés qui n’ont pas de
quoi se nourrir ? Quel projet de sortie de
crise a-t-il à leur offrir ? Nous avions
besoin d’un gouvernement qui combatte
la corruption. Nous en avons un qui agit
de la même manière que le précédent.
Le Hamas doit comprendre que gouverner
n’est pas la même chose que de
gérer une mosquée. Et que l’on nous
explique pourquoi, alors que l’argent
manque, le Hamas a recruté plusieurs milliers
de nouveaux employés depuis son
accession au pouvoir.
PLP : Cependant, cette grève ne risque-telle
pas d’être surtout politique, dirigée
contre le Hamas, et ce sans poser les problèmes
de fond en matière de développement
? Qu’en est-il par exemple de la critique
nécessaire de la responsabilité des pays
occidentaux dans la sujétion du marché du
travail palestinien aux donateurs internationaux ?
W.A. : Bien évidemment, la responsabilité
de l’Union européenne, des
Etats-Unis et des pays arabes dans la
situation qui nous est faite est patente.
Et nous devons obliger ces pays à assumer
toutes les responsabilités qui sont
les leurs. Pour cela, d’ailleurs, c’est aussi
aux mouvements de solidarité avec la
Palestine de jouer leur rôle. Mais, quoi
qu’il en soit, nous ne pouvons admettre
les appels qui nous sont lancés de faire
bloc avec le gouvernement. L’Autorité doit
entendre ce que le peuple a à dire et
cesser d’affirmer, comme quelques-uns
de ses ministres l’ont fait récemment,
que les salariés qui se mettraient en
grève feraient le jeu de l’occupant.
Propos recueillis par Martine Hassoun
Telex
Depuis plusieurs semaines, des étrangers
travaillant sous contrat local en Cisjordanie
vivent sous la menace d’une expulsion par
Israël. Nombreux en effet sont ceux qui, ces
jours derniers, se sont vu refuser le renouvellement
de leur visa. Début septembre,
l’un d’entre eux n’a pu sortir du centre de
rétention de l’aéroport de Ben Gourion que
parce que son employeur palestinien a
accepté de verser une caution de plusieurs
milliers de dollars en attendant le verdict du
procès intenté par l’Etat israélien pour travail
illégal sur le sol national. « National » :
israélien s’entend. L’affaire est grave. Elle
l’est autant pour les personnes qui apportent
depuis des années leurs compétences
en Palestine que pour les Palestiniens euxmêmes.
Après avoir fait de Gaza une
« zone interdite » pour mieux masquer la
réalité de ses crimes, Israël s’apprête-t-il à
faire de même avec la Cisjordanie ?
Il y a urgence...