En contrepartie de la trêve imposée à Netanyahou par les USA et qu’il a reniée en attaquant violemment Gaza le 18 mars, faisant à nouveau des centaines de morts et d’immenses destructions, Israël a bénéficié d’un feu vert pour attaquer la Cisjordanie. Depuis le 21 janvier 2025 les troupes d’occupation mènent une offensive militaire dans le nord, particulièrement contre les camps de réfugiés, à Jénine, Nur Chams et Tubas, à al-Farrah et Balata… Car les camps, cœur de la résistance palestinienne, sont le symbole du droit au retour, inscrit dans le droit international, que rejettent Netanyahou, son gouvernement et la majorité des Israéliens.
La tactique sioniste est la même qu’à Gaza : bombardements, drones, destructions des maisons et des hôpitaux, fermeture des écoles, expulsion des habitants, snipers sur les toits, barrages pour empêcher les déplacements [1]. Les rafles de civils se multiplient. Plus de 40 000 personnes ont été chassées de chez elles. Plus de 900 ont été assassinées depuis octobre 2023, plus de 90 depuis le 21 janvier. Pour l’UNRWA, « le déplacement forcé des communautés palestiniennes dans le nord de la Cisjordanie s’intensifie à un rythme alarmant… l’utilisation de frappes aériennes, de bulldozers blindés, de détonations contrôlées et d’armes de pointe par les forces israéliennes est devenue monnaie courante ». Avec la certitude de l’impunité, les ordres maintenant sont de tirer « pour tuer ».
Fin février, Israël a franchi une étape supplémentaire dans les crimes contre l’humanité : les camps de Jénine, Nur Chams et Tulkarem, vidés de leurs habitants, ont été rendus inhabitables. Le ministre de la Défense israélien a déclaré : « J’ai donné pour instruction [aux soldats] de se préparer à un séjour prolongé dans les camps qui ont été évacués ». Pour la première fois depuis la deuxième Intifada, les chars de l’occupant sont postés en Cisjordanie occupée tandis que « des forces de la brigade Nahal et une unité de chars vont opérer dans d’autres villages ». Avec l’approbation enthousiaste des colons religieux les plus extrémistes et de leurs dirigeants, Smotrich et Ben Gvir, le gouvernement Netanyahou fort de l’appui de Trump au nettoyage ethnique et à la déportation, affiche et assume sa volonté de vider la Cisjordanie, comme Gaza, de ses habitants, de les déporter en Jordanie ou ailleurs.
Dans ce contexte que fait et dit l’Autorité palestinienne (AP) ?
Contrainte par les accords d’Oslo de 1993 à la coopération sécuritaire avec Israël, l’AP s’y est longtemps pliée avec réticence mais s’est récemment transformée en véritable supplétif de la politique israélienne sous la houlette du gouvernement Abbas. Les policiers palestiniens procèdent à des arrestations, torturent dans leurs prisons et combattent les jeunes résistants qualifiés de « hors-la-loi » alors qu’ils ont pris les armes dans certains camps pour défendre la population abandonnée par l’AP. Ainsi à Naplouse depuis 2022 ou à Jénine dont le camp a été assiégé pendant six semaines, à partir de début décembre 2024, par la police palestinienne, qui s’est retirée quand l’armée d’occupation a lancé l’offensive militaire en cours.
L’objectif caché du plan Trump, au-delà de son projet fou de Riviera à Gaza sous contrôle des USA et vidée de ses habitants palestiniens, est bien l’annexion de la Cisjordanie par Israël [2]. La possibilité de voir un jour naître un État palestinien en Cisjordanie disparaît tandis que « pour la droite nationaliste israélienne : liberté totale pour la construction de colonies en Cisjordanie, en totale violation du droit international et de dizaines de résolutions de l’ONU. » Pour Francesca Albanese, « après le génocide de Gaza […] l’ensemble du système juridique international, fondé sur l’égalité de toutes les nations, est menacé – pour tous les peuples ». Elle salue les États qui ont fondé le groupe de La Haye et appelle à « un mouvement mondial en faveur d’une action collective par le biais du droit international : pas d’armes pour le génocide, pas d’aide pour l’occupation et pas de tolérance pour l’apartheid. »
Les déplacements forcés de la population soumise violemment à une deuxième Nakba, accompagnés de l’accélération de la colonisation constituent autant de crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui s’ajoutent à ceux commis dans la bande de Gaza. L’Union européenne, en premier lieu la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, a l’obligation juridique de faire cesser cette situation pour imposer le droit international et soutenir la CPI pour que soient punis les auteurs de ces crimes. Les États qui s’exonèrent de cette obligation sont complices de ces violations.
C. Léostic, GT Refugié·es
Photo : Manifestation de la Grande Marche du Retour, bande de Gaza, 13 avril 2018 © Mohammed Zaanoun/Activestills