En août 2005 un voyage de deux
semaines en Palestine et en Israël
était organisé par l’Union générale
des étudiants palestiniens (GUPS),
les Missions civiles pour la protection
du peuple palestinien (CCIPPP) et
l’Union juive française pour la paix
(UJFP) avec l’appui du ministère palestinien
de l’Enseignement supérieur, pour
permettre à une trentaine d’étudiants
français et européens de découvrir et de
mieux comprendre à la fois la réalité de
l’occupation en Palestine et de la vie en
Israël. Le succès de cette première expérience
a amené les jeunes participants et
les organisateurs de la GUPS à créer le
collectif « Des ponts au-delà du mur » [1]
pour engager, outre un second voyage
en 2006, plusieurs activités à visée informative,
pédagogique ainsi que d’autres
échanges entre l’Europe, la Palestine et
Israël.
Au début des années 2000, l’enjeu majeur
pour les étudiants de la GUPS était de
mobiliser et d’encadrer plus largement
des étudiants et des jeunes, sensibilisés
au drame palestinien mais sans forcément
en connaître toutes les dimensions,
notamment historiques et sans forcément
être engagés, largement absents
en tout cas au sein du mouvement de
solidarité avec la Palestine. Déficit de
jeunes d’un côté, absence de cadre
d’action spécifique et suffisamment
attrayant de l’autre, constatait la GUPS
qui a alors organisé avec l’Union nationale
des étudiants de France (UNEF), un
premier voyage d’étude en Palestine.
Une expérience déterminante pour les étudiants
de la GUPS, bien décidés à leur
retour à poursuivre leur action auprès
de jeunes, de tous horizons : étudiants,
jeunes des quartiers, jeunes salariés, y
compris - et peut-être surtout -
« vierge(s) de tout engagement militant
ou politique »(2). Ceux qui sont partis en
2005 étaient surtout des étudiants de
Paris 8 ou de l’Institut d’Etudes politiques,
mais comptaient aussi dans leurs
rangs quelques jeunes non diplômés
issus de quartiers populaires et cette
mixité sociale amorcée, perçue comme
un indéniable succès, fait désormais partie
de l’identité assumée du groupe et volonté de témoigner de ce qu’ils avaient
vu, leur engagement et leur dynamisme
ont permis de lancer une campagne
d’information plus importante et, le
bouche-à-oreille aidant, d’organiser une
deuxième session en 2006 à laquelle
une centaine de jeunes ont participé.
Le collectif informel « Des ponts au-delà
du mur » a alors donné naissance à
l’association « Génération Palestine ».
Un nom comme un programme... Le
congrès fondateur de
l’association, le 15
octobre 2006, réunissait
soixante-dix
membres dont 90%
sont des jeunes de
moins de 30 ans
(condition statutaire
pour être membre
actif) partis dans les
camps d’été en 2005
ou en 2006. Association
à vocation
européenne d’emblée,
puisque dès ce premier
congrès, des
jeunes venus du
Luxembourg, de
Suisse, d’Allemagne
étaient présents et
qu’une section existe
à Bruxelles, qui
compte déjà une centaine
d’adhérents.
Une nouvelle association est née dans
le paysage de la solidarité avec les droits
du peuple palestinien. Une association
de jeunes. Pour Omar Somi, exprésident
du bureau de Paris de
la GUPS et l’un des animateurs
et fondateurs de Génération
Palestine, le constat fait évidence
et il est sévère : « Les
jeunes sont plus motivés quand ils sont
entre eux, non encadrés par des plus
anciens. Le mouvement de solidarité
internationale ne fait preuve d’aucune
pédagogie susceptible de les intégrer, de
leur permettre de trouver leur place.
Alors il nous a semblé nécessaire de
mettre en place une organisation spécifique
pour construire une logique
d’investissement à long terme. Le passage
de flambeau entre générations n’a
pas encore eu lieu, il n’y a rien pour
porter notre engagement. » Rien encore,
insiste Omar, pour
répondre à cette impatience
d’agir, pour lui
donner un horizon. Les
missions organisées par
certaines associations
« historiques », si elles
ont permis d’offrir un
cadre à ces premières
rencontres, lui semblent
aussi receler certaines
limites, ainsi par
exemple ce qu’il perçoit
comme un côté
« individualiste » de la
démarche : « chacun se
retrouve seul avec sa
révolte au retour »,
regrette t-il, expliquant
que les jeunes militants
ont un besoin de formation,
susceptible
d’inscrire leur colère
dans une meilleure connaissance historique
et politique, et d’accompagnement,
tout autant que d’assumer leur
propre part d’initiative au sein d’un collectif
où chacun compte pour un. L’émotion
et la colère peuvent s’y exprimer,
le partage créant les conditions d’une
compréhension plus globale et rationnelle
du conflit.
Pour autant, revendiquer son autonomie
ne signifie pas vivre et militer en vase
clos. C’est ainsi que les relations de partenariat
avec les associations « historiques
» du mouvement de solidarité
avec la Palestine, Omar les imagine
complémentaires. Génération Palestine
souhaite pouvoir bénéficier de la solidité
de leur expérience, de leur culture
politique, de leurs outils de communication
« qui sont bons » et de leurs réseaux.
Un apport qui ne serait pas à sens unique.
Ainsi, si « l’engagement des jeunes passe
par leur autonomie », ils peuvent en
même temps apporter « de nouvelles
idées, de nouvelles approches, une certaine
insolence qui peut séduire, un
engagement plus décomplexé, une radicalité
assumée. », estime Omar. De toute
évidence, une expérience à suivre...
Françoise Feugas