L’an dernier, l’épouse de Muhammad et tous ses enfants sauf un ont été tués lors d’une attaque israélienne majeure.
Après le massacre, Muhammad a examiné la possibilité d’engager une action en justice contre Israël.
Il est rapidement arrivé à la conclusion qu’un tel procès serait futile. Des avocats l’ont informé que s’il souhaitait poursuivre Israël, il devait s’adresser à la haute cour de cet État.
"Je ne fais pas confiance aux tribunaux israéliens", a-t-il déclaré. "Ils ne demanderont pas de comptes aux Israéliens qui croient au meurtre des Palestiniens. Il est irrationnel de s’attendre à ce qu’ils le fassent".
Muhammad a également demandé à des avocats et à des groupes de défense des droits de l’Homme si la Cour pénale internationale pouvait enquêter sur le crime qu’Israël a commis contre sa famille. Pour cela, on lui a répondu qu’il aurait besoin du soutien de l’Autorité palestinienne, partie à la charte fondatrice de la CPI, le Statut de Rome.
Alors que certains représentants de l’AP ont promis d’aider Muhammad à approcher la CPI, il s’est plaint que les représentants n’ont pas tenu leurs promesses. "J’ai découvert que la route était pleine d’obstacles", a-t-il déclaré.
L’obstruction qu’il a rencontrée rend d’autant plus difficile pour Muhammad de faire face à la perte de tant de membres de sa famille.
Une mort sans prévenir
Le 15 mai 2021, sa femme Maha et leurs cinq enfants passaient la nuit chez son beau-frère Alaa Abu Hatab dans le camp de réfugiés de Beach, à Gaza.
Sans le moindre avertissement, Israël a tiré plusieurs missiles sur la maison de la famille. La femme d’Alaa, Yasmin, et quatre de leurs enfants ont été tués ainsi que Maha et quatre de ses enfants.
Le seul survivant de la famille de Muhammad était son fils Omar, alors un bébé de 5 mois. Omar a été retrouvé allongé sur le corps de sa mère.
"L’esprit humain ne peut pas comprendre comment un tel massacre peut se produire", a déclaré Muhammad.
Dès qu’il a entendu parler de l’incident, Muhammad s’est précipité au domicile d’Alaa Abu Hatab.
"Les décombres du bâtiment étaient encore chauds", a-t-il dit. "Et il y avait de la fumée noire qui en sortait. J’ai vu l’ambulance et les équipes de la défense civile. Et au moment où je suis arrivé, le corps de mon fils Suhayb a été retrouvé - en morceaux."
Pour Muhammad, il ne fait aucun doute que sa famille a été presque entièrement décimée. Un tout petit peu de réconfort lui a été apporté lorsqu’il s’est rendu à l’hôpital al-Shifa et a appris qu’Omar était toujours en vie.
Aujourd’hui, un an après, Muhammad passe beaucoup de temps dans sa petite maison du camp de réfugiés de Beach.
Tenant Omar dans ses bras, il marche de long en large, regardant constamment les photos de ses enfants décédés - Suhayb, Yahya, Abd al-Rahman et Osama.
Muhammad a fait peu de changements à sa maison depuis les horreurs du 15 mai 2021.
L’attaque israélienne a eu lieu pendant l’Aïd al-Fitr. Muhammad n’a toujours pas retiré les décorations du Ramadan, le mois de jeûne précédant l’Aïd.
Il s’est souvenu de l’enthousiasme de ses enfants pour l’Aïd al-Fitr l’année dernière. "Ils étaient tellement heureux d’aller chez leur oncle", a-t-il dit.
Depuis, un autre Ramadan et un autre Aïd al-Fitr ont passé. Muhammad a évité les célébrations cette année car il les trouvait trop douloureuses.
Il n’a même pas organisé un iftar - le repas qui clôt chaque jour de jeûne pendant le Ramadan.
Au total, plus de 250 Palestiniens ont été tués, dont au moins 67 enfants, lors de l’attaque du 2021 mai.
Il s’agissait de la quatrième grande offensive israélienne contre Gaza depuis décembre 2008.
Deux poids, deux mesures
Le système judiciaire israélien n’a pas tenu l’armée responsable des atrocités commises au cours de cette période.
L’un des incidents les plus largement rapportés lors d’une attaque israélienne de grande envergure contre Gaza en 2014 a été le meurtre de quatre enfants de la famille Bakr, qui jouaient au football sur une plage.
Après la clôture d’une enquête militaire sur ce massacre, la famille Bakr a adressé une pétition à la haute cour d’Israël. Non seulement la cour a refusé d’ordonner la réouverture de l’enquête, mais elle a tenté de justifier les meurtres en allant dans le sens de l’armée israélienne selon laquelle les enfants se trouvaient à proximité d’un conteneur maritime utilisé par des groupes de résistance palestiniens pour stocker des armes.
L’année dernière, la Cour pénale internationale a approuvé l’ouverture d’une enquête sur la situation en Palestine.
Karim Khan, le procureur général de la CPI, est resté pour l’essentiel silencieux sur le dossier palestinien, bien qu’il ait rencontré de hauts responsables de l’Autorité palestinienne.
Alors que la CPI se traîne les pieds pour demander des comptes à Israël, Khan a pris la première mesure nécessaire pour enquêter sur la Russie quatre jours seulement après son invasion de l’Ukraine en février.
Le deux poids deux mesures flagrant affiché ici ne fera qu’exacerber la souffrance des parents endeuillés de Gaza.
Traduction et mise en page : AFPS /DD
Photo : Omar Ashtawy / APA images