Emmanuelle Morau, AFPS - PalSol n°75
Rapport après rapport, le système de colonisation et d’apartheid imposé par Israël depuis 13 ans à Gaza ne cesse d’être désigné comme un mécanisme systématique de démolition de toutes les structures de la société. L’épidémie de Covid-19 ne fait qu’alourdir les conséquences dramatiques de cet état de fait.
Mais la situation à Gaza est telle qu’il ne s’agit plus seulement de fournir des kits de dépistage ou du matériel médical ; il faut saisir cette occasion pour préconiser, à l’instar d’Al-Haq, des interventions structurelles. Les États tiers devraient se concerter pour, non seulement soutenir le système de santé palestinien mais aussi s’attaquer aux causes profondes de l’oppression palestinienne. Autrement dit, adopter des mesures efficaces pour mettre fin à l’occupation prolongée, à la colonisation et au régime d’apartheid d’Israël sur le peuple palestinien.
Dans sa dernière publication de décembre 2020, Al-Haq, l’organisation palestinienne de défense des droits, dénonce « une négligence délibérée » de l’État d’Israël, négligence dont l’arme la plus connue reste la confiscation du droit à l’autodétermination pour le peuple palestinien.
Or cet empêchement n’a pas seulement des conséquences politiques, mais aussi économiques et sociales. C’est ce qu’illustre le dernier rapport de la CNUCED, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement publié en novembre 2020, et intitulé Coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien : La bande de Gaza sous le bouclage et les restrictions.
Selon les experts onusiens, le taux de pauvreté à Gaza en 2017 aurait pu être de 15 %, soit un peu plus du quart des 56 % actuels, s’il n’y avait eu ni bouclage, ni opérations militaires. Gaza enregistre l’un des taux de chômage les plus élevés au monde et plus de la moitié de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté.
L’épidémie de Covid-19 a notamment fait exploser le taux de chômage des femmes, en majorité employées dans des activités culinaires ou scolaires, lourdement impactées par les mesures de confinement. Une situation tragique pour des milliers de familles dont la mère est le principal gagne-pain, le taux de chômage des hommes avoisinant les 45 % dans la Bande.
Le coût économique cumulé de l’occupation israélienne, du seul fait du bouclage prolongé et des opérations militaires à Gaza, pendant la période 2007-2018 est estimé à 16,7 milliards de dollars, selon la CNUCED. Une estimation qui ne prend pas en compte les autres coûts de l’occupation israélienne, tels que l’impact économique lié au fait d’empêcher le peuple palestinien d’exploiter son gisement de gaz naturel au large des côtes de Gaza. Le gouvernement palestinien devrait être autorisé à développer ces ressources en pétrole et en gaz naturel, cela permettrait d’obtenir les fonds nécessaires à la réhabilitation, à la reconstruction et à la relance de l’économie régionale de Gaza, ce qui stimulerait considérablement l’économie et améliorerait la situation financière de l’Autorité nationale palestinienne. Car plus le temps passe, plus il sera coûteux de remettre Gaza sur la voie du développement : le coût annuel pour sortir les gens de la pauvreté a quadruplé en une dizaine d’années, passant de 209 millions de dollars à 838 millions de dollars.
Sans intervention de la communauté internationale, Gaza continuera d’être ce laboratoire de la privation de liberté dont les habitants sont soumis à une double peine, celle d’une occupation sans que cette même occupation ne soit reconnue. Ainsi, la puissance occupante peut continuer de se soustraire à ses obligations édictées dans la IVe Convention de Genève qui stipule notamment que, « dans toute la mesure de ses moyens, la puissance occupante a le devoir d’assurer des conditions satisfaisantes d’hygiène et de santé publique, ainsi que d’approvisionner en vivres la population sous occupation et de lui dispenser les soins médicaux nécessaires. »