Des dizaines de camions sont massés au sud de la bande de Gaza. Les chauffeurs, qui sirotent un café à l’abri de la chaleur, attendent l’ordre de passer le terminal de Kerem Shalom, contrôlé par les Israéliens, pour aller chercher leurs précieuses marchandises.
« Nous nous faisons livrer de la ferraille à béton, des pierres et du ciment, explique Youssef Abou Atawi, chauffeur gazaoui de 28 ans, mais uniquement pour les projets de construction internationaux, comme ceux de l’ONU ou du Qatar. »
Les simples Gazaouis, eux, n’ont pas le droit au ciment. Israël a suspendu les livraisons au secteur privé le 3 avril dernier, empêchant la reconstruction de nombreuses maisons détruites pendant la guerre de l’été 2014. Aujourd’hui, 75 000 habitants de Gaza seraient toujours « déplacés » et vivraient en dehors de chez eux, selon l’ONU.
Les Israéliens ont arrêté leurs livraisons aux Gazaouis, affirmant qu’une partie du ciment avait été détourné. La découverte le 18 avril dernier, d’un nouveau tunnel entre la bande de Gaza et Israël a renforcé leurs craintes. Le Hamas, le mouvement islamiste qui contrôle l’enclave palestinienne, serait en train de reconstruire les tunnels détruits pendant la guerre pour mener de nouvelles attaques, selon Israël.
Plus de sacs de ciment, un hangar désespérément vide
Pourtant le mécanisme mis en place après la guerre pour importer les matériaux de construction dans la bande de Gaza semble très encadré. Dans le hangar de Khalid Elamassi, les livraisons sont placées sous la surveillance de caméras. Ce vendeur de ciment de la ville de Gaza explique que celui qui veut se procurer la précieuse marchandise doit montrer patte blanche : « Un particulier qui veut acheter du ciment doit demander l’autorisation à la municipalité, puis au ministère du Logement, qui transmet à une coordination entre Palestiniens et Israéliens. Au final, Israël approuve ou non ». La procédure peut durer des mois, sans compter les contrôles réguliers de l’ONU.
Mais, une fois le ciment acquis, rien n’empêche certains acheteurs privés d’en revendre une partie, reconnaît l’entrepreneur. « Un marché noir s’est créé, où les prix peuvent atteindre des sommets et sont inaccessibles pour la plupart des Gazaouis ». Pour l’heure, le hangar de Khalid Elamassi est désespérément vide. À part de la ferraille à béton, il n’a plus un sac de ciment à vendre. L’entrepreneur espère qu’Israël va autoriser de nouveau l’acheminement du ciment vers la bande de Gaza, pour le secteur privé. « On veut juste travailler et nourrir notre famille », témoigne-t-il.