Il s’appelait Yasser Mourtaja. Il avait tout juste 30 ans. Il était père d’un enfant d’un an. Il avait fondé une agence indépendante, Ain Media (Ain signifiant « œil » en arabe). Comme la plupart des journalistes palestiniens, il portait un gilet pare-balles bleu avec, écrit en gros caractères, le mot « Press ». Il était aisément identifiable. Il a été tué par un sniper de l’armée israélienne dans le sud de la bande de Gaza, près de la ville de Khan Younès. Présent à ses côtés lorsqu’il a été atteint, son frère, Motazem, a affirmé que « la cible était très clairement les journalistes ». Selon le syndicat des journalistes palestiniens, cinq reporters ont été blessés vendredi et ils étaient, a-t-il souligné, clairement identifiables à leurs vestes. L’un d’entre eux, Khalil Abu Adhra, caméraman pour la chaîne Al-Aqsa, est dans un état sérieux.
Le secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), Anthony Bellanger, parle « d’assassinat » de Mourtaja et demande dans un tweet « une action urgente des Nations unies ». De son côté, Reporters sans frontières condamne « la réaction disproportionnée des forces israéliennes qui ont blessé et tué plusieurs civils, dont des journalistes » et souhaite « une enquête indépendante et la condamnation des auteurs de ce crime contre la liberté de la presse ». Les syndicats SNJ-CGT, SNJ et CFDT Journalistes dénoncent les tirs visant des journalistes et demandent une commission d’enquête. Il veulent également rencontrer l’ambassadrice d’Israël en France.
Pourquoi distinguer notre confrère plutôt qu’un des trente Palestiniens tués depuis le 30 mars, lors des grandes marches du retour ? Parce que le décès de Yasser Mourtaja montre la fausseté des arguments israéliens. Ceux d’un Benyamin Netanyahou qui continue à « saluer » l’armée, qui « protège Israël en permanence », parce que les manifestants « parlent des droits de l’Homme mais veulent écraser l’État juif. Nous ne les laisserons pas faire ». Ceux encore du ministre de la Défense, le sinistre Avigdor Lieberman, jamais en reste, qui vient encore de se signaler en expliquant tranquillement : « Il n’y a pas d’innocents dans la bande de Gaza. Tout le monde est connecté au Hamas. » Il a même osé dire, concernant la mort de Yasser Mourtaja, que « parfois, les terroristes se déguisent en journalistes » (sic).
La France criminalise la campagne BDS et encourage le gouvernement d’extrême droite de Netanyahou
Trente et un morts en une semaine et près de 2 000 blessés. La répression israélienne de la marche pacifique des Palestiniens est inhumaine, mais elle ne la stoppera pas. Pourtant, on peut s’étonner de l’apathie de ladite « communauté internationale », à l’image de la déclaration du ministère français des Affaires étrangères : « La France réitère sa réprobation des tirs indiscriminés de l’armée israélienne. Toute la lumière doit être faite sur ces graves événements », peut-on lire dans le communiqué publié samedi.
« La France demande aux autorités concernées de faire preuve de la plus grande retenue et souligne que l’usage de la force doit être proportionné, conformément au droit international humanitaire, afin d’éviter de nouvelles victimes. »
Il y a dix jours, après la première vague de morts, Paris s’était déjà ému. Cela n’a évidemment rien changé. Le temps de mots et des condamnations est passé. L’impunité et la bienveillance dont font preuve les États du monde à l’égard d’Israël valent un blanc-seing pour les massacres. La France et l’Union européenne (UE) ont pourtant à leur disposition un arsenal de moyens pour forcer Tel-Aviv à cesser la répression, l’occupation et la colonisation, par notamment la suspension des accords économiques entre l’Union européenne et Israël.
La question des sanctions devrait également être soulevée, de même que celle du désinvestissement des entreprises qui participent à la politique coloniale israélienne. Ou encore l’arrêt de toute livraison d’armes à ce pays. Enfin, les citoyens européens peuvent se mobiliser encore plus pour le boycott des produits des colonies, voire, maintenant, des produits israéliens. À cet égard, la criminalisation, en France, de la campagne BDS est une aide apportée au gouvernement d’extrême droite de Netanyahou et Lieberman. Les arrêts de la Cour de cassation d’octobre 2015 devraient être dénoncés par les autorités françaises et la circulaire Alliot-Marie, qui traîne des militants devant les tribunaux, retirée.
« Rêver à gaza », une expo
Malak Mattar et Laïla Kassab ont grandi dans la bande de Gaza. Une enfance et une jeunesse marquées par les guerres, le blocus, l’angoisse et la peur. Ces deux jeunes femmes, autodidactes, ont fait de la peinture l’expression du refus de cette situation et de leur désir de liberté. La médiathèque de Malakoff (Hauts-de-Seine) présente leurs travaux. L’exposition, « Rêver à Gaza », a été inaugurée par la maire, Jacqueline Belhomme, et l’ambassadeur de Palestine auprès de l’Unesco, Elias Sanbar. Elle a été élaborée en partenariat avec l’association Women in War. C’est au 24, rue Béranger, jusqu’au 15 avril.