En même temps que perdure la terrible pénurie d’essence qui frappe Gaza, les perturbations des services de transport public locaux, dont les ambulances, persistent dans toute la Bande de Gaza. Environ 15% des sevices publics locaux fonctionnent à travers Gaza, alors que jusqu’à 90% des voitures particulières sont immobilisées, et que l’intégralité des 450 stations-essence de Gaza restent fermées.
Pour les conducteurs d’ambulance, la situation est particulièrement frustrante, alors qu’ils ont vu la demande explosée ces deux derniers mois, en raison de l’absence quasi-totale d’autres solutions pour se rendre aux hôpitaux. Dans la ville de Rafah, dans le sud de la Bande de Gaza, il y a 15 ambulances pour une population de plus de 175 000 personnes. Au quartier général régional de la Société du Croissant Rouge palestinien, les conducteurs d’ambulance soulignent que la pénurie d’essence rend leur travail « difficile et misérable ». Fawzi Abdul Hadi, à la tête du service ambulancier du Croissant Rouge de Rafah, confirme que la pénurie d’essence perturbe gravement le fonctionnement des services de santé dans le Sud de Gaza. « Nous arrivons à faire rouler nos am bulances, mais nous avons été contraints de limiter nos rotations, et nous ne pouvons désormais plus répondre qu’aux cas urgents », dit-il.
Les ambulanciers du Croissant Rouge de Rafah répondent en temps normal à 250-300 appels par mois à Rafah et dans ses environs, même si leur charge de travail est par définition difficilement prévisible. Mais Fawzi Hadi affirme qu’ils reçoivent maintenant plus de 350 appels par mois. « Nous ne pouvons pas répondre à tous les appels désormais, car la demande globale a explosé. A côté des urgences, nous transférons également régulièrement des patients entre les hôpitaux de la région – et maintenant nous ne pouvons plus assurer que moins de la moitié des transferts, alors même que nous demandons parfois aux patients transférés de partager leur ambulance pour économiser de l’essence. »
Samir Abdul Hamid Akil travaille depuis 5 ans à temps plein en tant qu’ambulancier pour le Croissant Rouge de Rafah. « Nous avons 4 ambulances qui roulent toutes au diesel », dit-il. « Nous avions pour principe de ne pas rouler à moins d’un demi-plein, mais aujourd’hui, bien sûr, nous ne pouvons plus respecter ce principe, alors que nous avons en fait besoin de plus d’essence, parce qu’aujourd’hui beaucoup de gens n’ont que l’ambulance pour se rendre à l’hôpital. » Les ambulanciers du Croissant Rouge de Rafah affirme que certaines personnes de la région ont régulièrement utilisé des ânes ou des carrioles pour se rendre à l’hôpital. « Nous connaissons de nombreux cas où des personnes ont eu recours à des ânes, des mules ou des chariots », dit Fawzi Hadi. « Dans les conditions actuelles, il est difficile pour les habitants de Gaza de se déplacer tout court ».
Les sanctions collectives contre une population civile sont illégales au regard du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire, mais depuis bientôt deux ans Israël impose à la Bande de Gaza un blocus paralysant. Non seulement le blocus israëlien de Gaza prive 1,5 million de citoyens de leur droit fondamental de libre circulation, notamment leur liberté de circulation pour accéder à des structures médicales adéquates en dehors de la Bande de Gaza, mais en plus il a détruit l’économie et les infrastructures gazaouites, et il continue à perturber sévérement tous les services de base, notamment l’aide humanitaire et les services médicaux d’urgence.
Asad Daoud est conducteur d’ambulance à l’hôpital Emirates de Rafah. L’hôpital, qui dispose d’une importante unité d’obstétrie, reçoit environ 1800 patients par mois, mais n’a qu’une seule ambulance. Il y a dix jours, l’ambulance est tombée en panne d’essence, et le service ambulancier a du être temporairement suspendu. « La situation est misérable », dit Asad Daoud. « Nous avions pour habitude de fournir un service de qualité à nos patients. Mais ces conditions sont extrêmement difficiles car nous n’avons pas assez d’essence à Gaza. Je transfère régulièrement des patients à l’hôpital européen de Khan Yunis, qui n’est qu’à 7 kilomètres d’ici. Mais aujourd’hui, je n’ai toujours pas assez d’essence pour aller jusqu’à l’hôpital européen et revenir ici ». Il affirme que le service ambulancier de l’hôpital Emirates vit aujourd’hui « au jour le jour ».
Le directeur de l’hôpital, le docteur Khamid Se’am, souligne que l’hôpital Emirates n’a pas d’unité de soins intensifs, et a donc besoin d’être en mesure de transférer rapidement des patients gravement malades. « Nous avons plus de 20 naissances par jour », dit-il, « et si les nouveaux-nés ont besoin de soins spécialisés, nous devons les transférer de toute urgence à l’hôpital européen. »
Le directeur du service de maternité de l’hôpital, Saleh Al-Hams, réaffirme que des patients, dont des femmes enceintes, arrivent à l’hôpital à dos d’âne ou en charrette, mais souligne que tous les rouages du système de soins de Gaza sont touchés. « Les patients viennent désormais à l’hôpital comme ils le peuvent », dit-il. « Nous rencontrons des problèmes pour transférer les patients, pour récupérer des réserves de sang de secours, et pour envoyer nos docteurs à l’extérieur pour répondre à des appels d’urgence.
Le fait est que ce sont les vies des patients de Gaza qui sont mises en danger. »