Rabat – 7 octobre, début de la matinée : la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre, les connexions aux chaînes de télévision et aux réseaux sociaux ont explosé. La surprise est totale. Quoi ? Ils ont osé ! Oui, oui, ils ont osé. Des combattants palestiniens de Gaza ont brisé le blocus qui dure depuis 16 ans. Ils ont réussi à franchir, à différents endroits de l’enclave palestinienne, les très hautes barrières après avoir neutralisé les surveillances électroniques sophistiquées d’Israël et les caméras pointées sur eux nuit et jour. Certains ont débarqué sans problème sur le littoral à l’aide de parapentes. Tous sont restés plus de quatre heures sans être inquiétés. Ils se sont emparés d’outils électroniques très sensibles des services secrets, ont emmené des otages ainsi que des soldats israéliens. Le mythe de l’infaillibilité d’Israël est-il en train de s’effondrer ?
L’opération minutieuse « déluge d’Al-Aqsa » (en référence à la mosquée sacrée de Jérusalem où les colons empêchent souvent les Palestiniens de faire leur prière) menée par des factions du Hamas, du Jihad islamique et du FPLP l’a révélé au monde entier. C’est une journée historique.
Des massacres, des crimes de guerre ont bien été commis. Mais on s’accorde à les minimiser eu égard à toutes les souffrances subies par le peuple palestinien depuis 75 ans : régime d’apartheid, oppression, occupation, colonisation, répression, arrestations arbitraires, expulsions, déportations, assassinats, nettoyage ethnique.
Dès l’après-midi du 7 octobre, des rassemblements spontanés ou à l’appel de plusieurs associations dont le « Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation » – constitué en 2020 au lendemain de la signature des accords d’Abraham entre le Maroc et Israël – envahissent les rues dans plusieurs villes du Maroc, exprimant une sorte de fierté retrouvée par l’action héroïque de ces résistants palestiniens.
Il s’en est suivi un déchaînement de bombardements indiscriminés, intensifs, nuit et jour, par l’armée israélienne sur la bande de Gaza, soutenu inconditionnellement, par des dirigeants occidentaux. Soutien matériel, militaire, économique, pendant que le siège de Gaza est total : ni eau, ni électricité, ni nourriture, ni carburant, ni médicaments. La confiance dans la communauté internationale ne sera plus jamais la même.
De plus, la couverture médiatique par les chaînes d’information occidentales semblait être dictée par la propagande d’Israël : fausse, sans objectivité ni recul, criminalisant uniquement le Hamas et le qualifiant de terroriste. Alors les Marocains s’en sont détournés au profit des chaînes arabes où la guerre contre Gaza se déroule en temps réel, dans certains cas en direct. Des familles entières ont été anéanties, des centaines de milliers de personnes déplacées, traînant leurs enfants avec des moyens de fortune. Scènes déchirantes : ce père portant deux sacs en plastique sanglants contenant les restes de son enfant, cet autre caressant et berçant une dernière fois son bébé couvert de poussière sur sa poitrine. Des hôpitaux sont endommagés, des écoles détruites, des immeubles soufflés par les bombes. Les gens disent qu’ils ont l’impression de devenir fous. Il y a des images qui ne s’effaceront jamais des mémoires, et les récits des médias occidentaux sont très loin d’en rendre compte.
Devant l’incapacité de l’ONU à imposer un cessez-le-feu immédiat et à arrêter les massacres, le peuple marocain sort dans la rue presque tous les jours, dans toutes les régions du pays, pour protester et dénoncer les boucheries et les crimes de guerre d’Israël. Le peuple palestinien, est dans le cœur de tous les peuples des pays arabes. Des manifestations de protestation ont eu également lieu, à l’appel d’organisations et de militants des droits humains marocains dans les rues et devant les ambassades des États-Unis et de la France à Rabat, ainsi que devant les consulats français dans plusieurs villes marocaines, dont Casablanca, Marrakech, Agadir, Tanger et Fès, dénonçant le soutien inébranlable du président Emmanuel Macron aux agressions israéliennes. Non, le Hamas n’est pas Daech. C’est un mouvement de résistance qui lutte contre l’occupation de ses terres ancestrales par Israël. Trois slogans reviennent souvent : « Le peuple veut la chute de la normalisation ! Stop guerre génocidaire sur Gaza ! Stop au blocus ! »
Par ailleurs, dans tout le Maroc, la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) bat son plein. Elle touche les entreprises qui soutiennent la guerre menée contre Gaza et la Cisjordanie en envoyant des colis aux soldats (Carrefour) ou en les nourrissant gratuitement (McDonald’s). D’autres enseignes, telles H & M et Starbucks ont préféré quitter le Maroc, sous la pression du BDS.
Il reste que, pour le peuple palestinien, la leçon est brutale : les droits humains ne sont pas universels et le droit international est appliqué arbitrairement.
Nafass, du Maroc