L’escalade, et la politique du chaos. En Palestine, et dans tout le Moyen-Orient, sinon au-delà. C’est le choix que fait en toute connaissance des conséquences de ses actes Ariel Sharon. En assassinant à l’aube ce 22 mars le chef spirituel du mouvement islamiste palestinien Hamas, le Cheikh Ahmed Yassine, et avec lui sept autres personnes, Ariel Sharon a pris la décision non seulement de violer une fois de plus le droit international, mais surtout d’assassiner un symbole, afin d’attiser la colère non seulement des Palestiniens prisonniers depuis des années de l’occupation et de la terreur coloniale, mais aussi celle du monde arabe d’une part et du monde musulman d’autre part.
Au moment même où il annonce le possible démantèlement de 17 des 21 colonies de la bande de Gaza et alors qu’il boucle totalement les territoires palestiniens et que la colonisation s’accélère encore en Cisjordanie morcelée et ghéttoïsée par un réseau de murs, Ariel Sharon entend donc transformer Gaza en zone incontrôlable.
Faisant du chef du Hamas un martyre national, semant les ferments de la vengeance, au mépris le plus grand des vies humaines tant palestiniennes qu’israéliennes, il entend à la fois tenter de diviser les Palestiniens, d’affaiblir l’Autorité nationale palestinienne dont il a détruit toutes les infrastructures, et provoquer une réaction populaire d’ampleur qui lui permettrait de conforter son discours sur le thème de « l’absence d’interlocuteur palestinien ».
Ce que veut Ariel Sharon, c’est empêcher et pour longtemps toute possibilité de négociation israélo-palestinienne, toute perspective de paix. Il met son terrorisme d’Etat au service de son projet de colonisation, d’annexion et d’expulsion dont il a fait son programme, ne cessant d’affirmer depuis la campagne électorale de 2001 qu’il se donnait pour tâche d’achever ce qui ne l’avait été en 1948. Un tel programme et une telle stratégie meurtrière sont aux antipodes d’un programme de sécurité. C’est au contraire l’insécurité et la guerre garantie, fût-elle totalement dissymétrique.
La communauté internationale ne peut plus laisser faire. Elle ne peut plus élaborer une énième « feuille de route », en observant le gouvernement et l’armée israélienne refuser sa mise en œuvre, en les observant poursuivre la colonisation, les destructions massives, les confiscations de terres, les assassinats dits « ciblés », l’emprisonnement de milliers de Palestiniens, les raids meurtriers contre la population civile, en condamnant les attentats palestiniens lorsqu’ils frappent la population civile israélienne, et en rédigeant d’hypocrites appels au calme « aux deux parties ».
Au-delà des condamnations de principe de ce dernier assassinat israélien, la communauté internationale doit réagir pour empêcher le pire. Et c’est urgent. Il y va non seulement de l’avenir aujourd’hui totalement hypothéqué d’une paix dont Ariel Sharon a pris la décision de la rendre impossible, mais aussi de la survie des peuples de la région.
Nous demandons à la France de prendre aussi vite que possible l’ensemble des dispositions qui s’imposent pour obtenir de ses partenaires européens, ainsi que de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations unies, l’envoi d’une force internationale conséquente de protection du peuple palestinien.
Il faut imposer la paix que refuse Ariel Sharon, dont les contours sont définis, puisqu’ils reposent sur le droit international. Il faut imposer la fin de l’occupation.
Paris, le 23 mars 2004.