Jean-Paul Roche, AFPS - Pal Sol n°73
Foisonnantes, au point qu’il n’est pas possible fin juin d’en faire un point complet. Voyons quand même les plus importantes qui nous sont connues.
À commencer par les États-Unis, tant il est vrai que le plan Netanyahou ce n’est guère que du Trump tout craché. La première initiative, sous la forme d’une lettre ouverte à Netanyahou, Gantz et Ashkenazi, ministre israélien des affaires étrangères, est venue d’une représentante démocrate de l’Illinois, Jan Schakowsky, immigrante russe de confession juive, et de Ted Deutch, un de ses collègues de Floride, petit-fils d’immigrants juifs de Biélorussie. Tous deux difficilement soupçonnables de parti pris anti-israélien. Y est développée l’idée que loin de protéger Israël, la mesure ne ferait que le fragiliser tant pour sa stabilité interne que sa sécurité extérieure, spécialement dans les relations avec la Jordanie, et menacerait ses liens amicaux avec l’Europe et bien d’autres États à travers le monde. Elle a recueilli 189 signatures de membres du Congrès.
Elle a provoqué une tentative de réplique des soutiens inconditionnels d’Israël qui, avec seulement 109 signatures, a surtout traduit l’embarras d’un lobby, l’AIPAC, qui paraissait jusque-là hégémonique. Et qui a plaisamment déclaré le 11 mai qu’on pouvait critiquer l’annexion « à condition que la critique s’arrête là ».
Gêne pas si étonnante au fond, si on se reporte à une résolution du Congrès des États-Unis, passée plutôt inaperçue chez nous, qui affirmait le 6 mai 2019 l’engagement des États-Unis en faveur d’une solution à deux États et considérait que « l’annexion israélienne de territoire en Cisjordanie compromettrait la paix et l’avenir d’Israël en tant qu’État juif et démocratique ».
En Europe, l’une des premières initiatives dont nous avons eu connaissance est « l’appel paneuropéen » d’Avraham Burg, ancien président de la Knesset et de l’Agence juive, qui n’exerce plus de mandat électif. Proposé à la signature de parlementaires des pays européens, il a été relayé en France par la sénatrice Esther Benbassa du groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE). Il a eu un très large écho et s’est concrétisé par la publication dans Haaretz de l’appel signé par 1 080 parlementaires de 25 pays européens, dont, pour la France, 105 parlementaires nationaux et 35 européens. Les quelques déperditions de signatures sont dues à la complexité de leur recensement.
La lettre de 120 parlementaires au Président de la République, à l’initiative d’Hubert Julien-Laferrière, membre du groupe Écologie, démocratie, solidarité (EDS), doublée d’une tribune parue le 1er juillet dans Le Monde, est la plus marquante pour la France. Elle a constitué le point de jonction le plus significatif de celles et ceux qui dénoncent l’annexion et appellent à la reconnaissance de l’État de Palestine, parmi lesquels Gwendal Rouillard (LREM) s’est montré spécialement actif et engagé.
La tribune publiée dans Le Monde daté du 19 juin : « Non au plan d’annexion d’une partie de la Cisjordanie » (Anne Sinclair, Benjamin Stora, Bernard-Henri Lévy…) s’inscrit dans l’initiative de J-Link qui se définit comme « un réseau international d’organisations juives progressistes ». Sans doute les arrière-pensées des signataires sont-elles diverses, il reste qu’elle a eu un fort écho médiatique et a contribué à sa façon au tir de barrage contre l’annexion.
Tribune d’un autre ordre, puisque signée de représentants d’associations et syndicats, à l’initiative de la Plateforme française des ONG pour la Palestine, celle parue dans Libération le 22 juin. Très bon écho également avec la valeur ajoutée de voir ensemble les signatures des confédérations CFDT, CGT et Solidaires, de la FSU, de grandes associations : CCFD-Terre Solidaire, Cimade, FIDH, LDH, Mouvement de la Paix, MRAP, Pax Christi, Première urgence internationale, Solidarité laïque et tant d’autres, sans oublier… l’AFPS très active dans la Plateforme.
À apprécier aussi une tentative non aboutie de réponse politique de la part du Parlement européen. L’accord « ciel ouvert » progressivement mis en place depuis 2013 entre UE et Israël devant être validé, des députés ont cherché à en ajourner symboliquement le vote pour protester contre l’annexion. Cet ajournement a été rejeté par 388 contre 278 et 20 abstentions. Mais la bataille a été tentée et, pour cela, la majorité des Français du groupe « Renew Europe » (issu de La République en marche et du Modem) s’est retrouvée aux côtés de la majorité des Verts, de la Gauche unie européenne et d’une partie des socialistes.
Du débat mené au Sénat le 24 juin à la demande du groupe CRCE, on retiendra l’intervention de Jean-Yves Le Drian en réponse notamment à Gilbert Roger, socialiste, président du groupe d’amitié France-Palestine au Sénat. Certes il a répété, comme il l’avait fait à l’Assemblée en réponse à Jean-Paul Lecoq du groupe communiste, que, si Israël annexait, « nous serions contraints de prendre des mesures » et a précisé que toutes les coopérations dans le cadre européen ne relevaient pas de la règle de l’unanimité (sousentendu on peut en suspendre unilatéralement). Il a précisé « une méthode d’action ». Mais comment comprendre qu’il ait cru devoir présenter le rehaussement de nos relations avec Israël comme un moyen d’action préventive ? Quant à la reconnaissance, ce sera… le moment venu « quand ce sera utile pour la paix » ! Ce même 24 juin, à l’occasion du début de la présidence française du Conseil de sécurité, la déclaration du représentant de France avait un ton qui se voulait sans ambiguïté. À suivre, évidemment.
Du côté de l’ONU, outre les propos du Secrétaire général, Antonio Guterres, appelant Israël à renoncer à son projet, on retiendra la déclaration de 47 experts de l’ONU publiée le 16 juin par le Conseil des droits de l’Homme (CDH) qui siège à Genève. Pour ces experts, titulaires de mandats indépendants au titre des procédures spéciales nommés par le CDH, la communauté internationale doit s’opposer d’une manière significative, à une action qui « est une violation sérieuse de la Charte de l’ONU et des Conventions de Genève ».
Nous savons tout cela et ne sommes pas les seuls à le savoir. Reste simplement… à donner corps à LA réponse politique qui s’impose. Ce n’est pas gagné.