M. Michael Lynk, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, a tout d’abord indiqué que le Gouvernement israélien persiste à s’opposer à toute coopération avec son mandat, notamment en lui refusant un accès à son territoire ainsi qu’aux territoires palestiniens occupés. Il a souligné que rien ne peut se substituer à une visite sur le terrain. Ce refus de coopération ne sert les intérêts de personne, et encore moins la noble cause des droits de l’homme, a-t-il déploré.
Introduisant son rapport, il a indiqué que celui-ci se concentrait spécifiquement sur deux points : la situation dans la Bande de Gaza et la question de l’impunité. S’agissant du premier point, il a estimé que mettre fin aux 12 années de blocus par terre, mer et air de ce territoire devrait être la priorité de l’agenda mondial. Ce blocus n’est pas « qu’une tragédie, c’est une injustice, et une forme de punition collective, strictement interdite par l’article 33 de la quatrième Convention de Genève ».
Il a averti que la situation économique à Gaza ne cesse de se dégrader pour atteindre des niveaux « inimaginables ». Pour preuve, le dernier rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) montre que quatre cinquièmes des employés à Gaza touchent moins que le salaire minimum, et que la part du secteur productif dans le PIB de Gaza a chuté de 28% à 13% entre 1994 et 2018, tandis que celle des produits manufacturés a baissé de moitié.
Tout ceci s’ajoute aux conséquences désastreuses des guerres offensives menées contre Gaza depuis une décennie, sans compter les sérieuses coupures de l’aide humanitaire à destination de ce territoire. Il a alerté que la moitié de la population de Gaza est confrontée à une insécurité alimentaire, que le système de santé est en déliquescence et que l’accès à l’électricité et à l’eau potable est incertain.
Par ailleurs, depuis mars 2018, environ 200 manifestants palestiniens, la majorité non armés, ont été tués par des tireurs d’élite israéliens et 33 000 autres blessés. La Commission d’enquête internationale indépendante sur les manifestations dans le Territoire palestinien occupé, qui a présenté son dernier rapport en mars dernier au Conseil des droits de l’homme, a virtuellement démontré que la plupart de ces victimes avaient été tuées en violation de leur droit à la vie et du principe de distinction contenu dans le droit international humanitaire, a-t-il expliqué.
Abordant la question de l’impunité, le Rapporteur spécial a regretté l’« énorme » manque de volonté de la communauté internationale de tenir Israël redevable pour ses graves violations des droits de l’homme. Il a aussi cité un journaliste israélien, Gideon Levy, qui aurait écrit qu’« aucun pays ne dépend autant du soutien de la communauté internationale qu’Israël, à tel point qu’Israël s’autorise à défier le monde comme peu l’osent ».
M. Lynk a rappelé que depuis 40 ans, la communauté internationale n’a cessé de demander le respect par Israël des décisions de l’ONU, comme par exemple la résolution 446 (1979) du Conseil de sécurité, qui demande l’arrêt des colonies de peuplement. À l’époque il y avait environ 80 000 colons, ils sont aujourd’hui 650 000, soit une inflation de 800%, a chiffré M. Lynk, déplorant cet état de fait. Par ailleurs, cette question de l’impunité et du manque de reddition de comptes a été soulevée par divers rapports de l’ONU, notamment ceux traitant des conflits à Gaza de 2008-2009, de 2013, de 2014 et de 2019, qui montrent tous des violations flagrantes de « nos valeurs communes et du droit international humanitaire ».
Poursuivant, le Rapporteur a estimé qu’aucune autre occupation dans le monde moderne n’a pu se produire avec une communauté internationale aussi bien informée et alertée, non seulement sur les violations du droit international, mais aussi sur l’échelle des souffrances et de la dépossession subies par les populations vivant sous l’occupation, ainsi qu’au sujet des intentions d’annexation de l’occupant.
Or, une communauté internationale responsable serait de longue date parvenue à la conclusion qu’Israël, la Puissance occupante, n’est pas sincère dans la recherche de la fin de l’occupation. Elle comprendrait que son devoir n’est pas de veiller sur la gestion de cette occupation, mais d’y mettre un terme. Une telle communauté internationale prendrait des mesures préventives appropriées et proportionnelles aux circonstances. Si la Puissance occupante ne bouge pas, cette communauté internationale appliquerait de manière échelonnée ses contre-mesures jusqu’à ce l’occupation prenne fin, a déclaré M. Lynk.
Dans ces circonstances, M. Lynk a estimé que deux types de mesures pourraient être prises aujourd’hui pour apporter un peu d’espoir et de changement. La première mesure est de s’entendre sur une interdiction des exportations de tous les produits issus des colonies israéliennes. Continuer d’importer, dans les marchés internationaux, les produits et services en provenance de ces colonies est une manière de les soutenir et de perpétuer leur durabilité, en pleine violation du droit international et de la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité. La seconde mesure est de compléter et de publier, dans un délai court et raisonnable et de manière transparente, la liste des entreprises impliquées dans les activités de colonisation, a indiqué M. Lynk.