Or, la situation, en particulier en Cisjordanie
et à Jérusalem, est beaucoup plus grave que
ce qu’en disent les médias. Si bien que
l’exaspération des Palestiniens sur place et
du noyau des militants du mouvement de
solidarité qui, eux, sont bien informés de cette
situation, engendre une sorte d’écartèlement
entre la volonté de réagir fortement et la
difficulté de mobiliser une opinion attentiste.
Il y a donc une nécessité préalable à la
mobilisation large : informer l’opinion, y
compris les forces et les personnes qui nous
sont proches, sur la situation réelle et sur
les objectifs de Sharon tels qu’exprimés par
lui-même, à savoir fixer les frontières
définitives d’Israël à partir du mur en
annexant la moitié de la Cisjordanie, en
intégrant l’ensemble de Jérusalem et en
“accordant” unilatéralement aux Palestiniens
un mini-Etat totalement non viable.
En même temps, il ne faut pas prendre tous
les projets et déclarations de Sharon comme
des réalités inévitables. Seule la pression
internationale -on le voit pour l’ouverture de
Rafah- peut faire la différence, peut limiter les
dégâts, les reculs, et déboucher sur des
acquis partiels qui renforceront la dynamique
du mouvement. Ce travail de pression ne peut
être dissocié de la pratique politique, sociale et
culturelle des groupes locaux sur le terrain.
Ce numéro présente des échantillons de la
construction d’une solidarité dans le tissu
complexe de la société française, comme à
Nîmes, avec les “jeunes des quartiers” ou à
Elbeuf où de jeunes Palestiniens et
Israéliens s’adressent ensemble à la
jeunesse scolarisée. Cette sensibilisation
s’accompagne, comme l’illustre l’article sur
Nantes, d’un travail suivi de formation des
militants et des sympathisants. Tout le
monde le sent bien : l’histoire et la mémoire -les mémoires historiques- pèsent de tout
leur poids dans la perception du
conflit aujourd’hui.
À un moment où l’on nous prédit le choc
des civilisations, le mouvement de solidarité
perçoit le rôle de plus en plus déterminant de
la culture dans la connaissance réciproque
des peuples. Il mesure combien il est
important et mobilisateur de montrer les
Palestiniens non seulement en victimes, mais
aussi comme voulant construire, créer, croire
à la paix, au dialogue avec l’autre, en un mot
vivre. C’est ce que montrent les expériences
de plusieurs groupes locaux. Tout ceci bien
entendu se complète par la construction
avec les Palestiniens, réfugiés ou non, au
Liban et en Palestine, de liens étroits, qui
commencent par des rencontres et qui se
poursuivent par des projets communs.
Pour les groupes locaux, ces activités
s’insèrent dans le combat de l’AFPS pour
l’application du droit international avec une
nouvelle cible aujourd’hui : le tramway
colonial.
Bernard Ravenel