Faire sa rentrée des classes sous occupation, que ce soit à Gaza, à Jérusalem-Est, Hébron, Masafer Yatta, Naplouse ou encore à Ramallah, c’est un dangereux parcours pour les écoliers et les écolières. Parce qu’ils sont palestiniens, parce qu’ils vivent sous occupation, les enfants et leurs enseignants sont discriminés, attaqués, harcelés voire tués par les soldats ou les colons israéliens sur le chemin de l’école.
Faire sa rentrée des classes à Gaza
À Gaza, faire sa rentrée scolaire, c’est retourner à l’école sans ses camarades, assassinés lors des bombardements israéliens. C’est retourner dans une classe réduite et décimée par les attaques régulières d’Israël contre les populations civiles. En août 2022, 17 enfants ont été tués au cours de ces meurtriers bombardements.
C’est le cas pour ces élèves de l’école Abu Obaida à Gaza qui commémorent en ce jour de rentrée leurs amis tués par les frappes israéliennes, notamment Lyan Al-Shaher, une fillette palestinienne de 11 ans.
À Gaza, faire sa rentrée scolaire, c’est retourner en classe avec des traumatismes émotionnels, psychologiques et physiques après des bombardements meurtriers. C’est le cas d’Areej Asaliya (photo ci-dessous), une élève palestinienne de 10 ans, qui a perdu son œil droit dans un bombardement israélien lors de la dernière agression israélienne.
Selon le dernier communiqué de l’ONU du 28 août 2022, les conditions de vie des enfants à Gaza, notamment le fait d’avoir vécu et survécu à quatre périodes de bombardements au cours de leur vie, augmentent le besoin de services spécialisés de soutien psychosocial.
Faire sa rentrée des classes à Masafer Yatta
À Masafer Yatta, faire sa rentrée scolaire, c’est l’impossibilité de faire le chemin de l’école en sécurité, voire être empêchés de s’y rendre tout court.
C’est ce qu’il s’est passé mardi 30 août lorsque des soldats ont retenu plus de 20 enfants à bord d’un véhicule scolaire du ministère palestinien de l’Éducation pendant environ 40 minutes. Après avoir laissé partir les enfants, le conducteur Palestinien a eu trop peur de retourner chercher 25 autres élèves.
C’est ce qu’il s’est passé mercredi 31 août lorsque des soldats ont empêché un groupe d’enfants de 10 ans de se rendre à l’école avec leurs enseignants et d’entrer dans leur propre village (Al Fareed).
The whole world needs to watch what I just saw : Israelis preventing a group of 10-year-olds, on their way to school with teachers, from entering their OWN VILLAGE because occupying army made it a "firing zone". All families face ethnic cleansing in Masafer Yatta for this reason. pic.twitter.com/si8oVi7sNg
— #SaveMasaferYatta (@basel_adra) August 31, 2022
A Masafer Yatta, faire sa rentrée scolaire, c’est voir ses enseignants harcelés, arrêtés ou empêchés de se rendre à l’école par les forces israéliennes. C’est ce qu’il s’est passé lundi à Janba, lorsque des enseignants ont été empêchés pendant 2 heures d’atteindre l’école du village, sous prétexte qu’ils se trouvaient dans une zone d’entraînement militaire. La veille, un groupe d’enseignants qui se rendait au village de Jinba a été arrêté par les soldats israéliens, les obligeant à faire demi-tour et en confisquant leur véhicule. Les professeurs ont dû rejoindre l’école à pied.
À Masafer Yatta, faire sa rentrée scolaire, c’est même parfois juste impossible lorsque son école est démolie par Israël. C’est ce qu’il se passe régulièrement et ce qu’il se passera bientôt puisque la semaine dernière, un tribunal israélien s’est prononcé contre un recours déposé par la communauté de Masafer Yatta visant à sauver les deux écoles et 32 autres structures, dont un dispensaire. Actuellement, 56 ordres de démolition sont en suspens contre des écoles où étudient au moins 6 400 enfants en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est.
La photo ci-dessus a été envoyée par Abeer, notre amie et correspondante Palestinienne. Il s’agit de l’école Ein Samiya, située dans un village bédouin dans les environs de Ramallah avec Munther Amira, coordinateur au sein du comité de résistance populaire en Palestine, mobilisé sur tous les fronts et ici en soutien aux enfants victimes du harcèlement de l’occupation. À la demande de l’administration civile de l’armée d’occupation israélienne, le tribunal de district israélien de Jérusalem a émis un ordre de démolition contre cette école au début du mois d’août 2022. Cette démolition imminente s’inscrit dans le cadre du nettoyage ethnique systématique des Palestiniens de la région par Israël, en particulier des communautés bédouines.
À Masafer Yatta, faire sa rentrée scolaire, c’est être obligé d’aller à l’école "escorté" par l’armée, une "solution" trouvée par l’administration militaire pour empêcher les colons d’agresser les enfants sur leur trajet. Mais une fois sur deux, les soldats arrivent en retard et les enfants manquent leurs cours le matin ou sont obligés de prendre une route de 9km pour rentrer chez eux afin de contourner l’avant-poste de la colonie.
Faire sa rentrée des classes à Jérusalem
À Jérusalem-Est, faire sa rentrée scolaire, c’est être obligé d’étudier à partir de manuels israéliens. La municipalité de Jérusalem, avec le soutien du Ministère de l’éducation israélien, use de pressions sur les établissements scolaires palestiniens en les menaçant de révoquer leur licences s’ils continuent d’enseigner avec des ouvrages palestiniens.
Le 28 juillet 2022, les autorités israéliennes ont annulé les licences permanentes précédemment accordées à six écoles palestiniennes de Jérusalem-Est occupée, au motif que leurs manuels scolaires "incitent à la haine de l’État d’Israël et de l’armée israélienne".
Faire sa rentrée des classes à Naplouse
À Naplouse, faire sa rentrée scolaire, c’est se rendre à l’école entouré de soldats d’occupation après des raids militaires violents menés souvent en pleine nuit.
Faire sa rentrée des classes à Hébron
À Hébron, faire sa rentrée scolaire, c’est se rendre à l’école et emprunter des chemins dangereux en raison des attaques des colons. C’est aussi ne pas pouvoir s’y rendre librement lorsque l’armée israélienne décide d’interdire aux Palestiniens de circuler dans la ville, sans aucune raison valable. C’est ce qu’il s’est passé mercredi 31 août (voir vidéo ci-dessous) pour les enfants de l’école Cortoba et du jardin d’enfants de la rue Shuhada, à Hébron, les soldats ayant fermé la porte principale menant à l’école et au jardin d’enfants.
Malgré la violence de l’occupation et ses répercussions sur l’accès à l’éducation pour les enfants Palestiniens, le taux d’alphabétisation des jeunes Palestiniens est supérieur à 99 % et 93,8 % des enfants sortant de l’école primaire poursuivent des études secondaires.
Sources : ONU, Defence for Children International Palestine, B’Tselem, Youth Of Sumud, WAFA et nos cher.e.s correspondant.e.s palestinien.ne.s
Rédaction et mise en page : AFPS / DD, AT, JV