Elles ont fleuri un peu partout ces derniers jours, dans les grandes villes israéliennes et au bord des routes de l’Etat hébreu. Des affiches aux slogans sans équivoque, se détachant en grosses lettres sous le portrait de Benyamin Netanyahou :"Bibi, seul toi le peux" ; "Un pays fort signe un accord".
Le message adressé au premier ministre israélien émane d’un collectif de patrons participant à l’initiative israélo-palestinienne Breaking the impasse (BTI). Lancée il y a deux ans, elle réunit désormais près de 300 chefs d’entreprises des deux bords. Ceux-ci entendent peser de tout leur poids au moment où les négociations menées sous l’égide du secrétaire d’Etat américain John Kerry entrent dans une phase cruciale.
Pourquoi mêler ainsi l’économie au politique ? "Un accord créerait de vraies opportunités, affirme Edouard Cukierman, patron du fonds de capital-risque Catalyst, à Tel Aviv. Comme il serait soutenu par les pays arabes, il ouvrirait de nouveaux marchés à nos entreprises. Et Israël serait libéré d’un poids douloureux et coûteux : la gestion des territoires palestiniens."
Pour l’homme d’affaires, la campagne vise à souligner les "avantages" de la paix plutôt que les "dangers" liés à un échec des négociations. C’est pourtant bien cette deuxième thématique qui occupe tous les esprits en Israël. Car le mouvement pro-palestinien BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), lancé en 2005, semble plus que jamais engranger les soutiens. Il y a d’abord eu ces décisions d’institutions financières européennes (aux Pays-Bas, en Norvège, au Danemark...) de prendre leurs distances avec les établissements israéliens impliqués dans les colonies. Puis les hésitations de Berlin : cet allié indéfectible de l’Etat hébreu songe à couper ses financements aux entreprises high-tech israéliennes ayant des liens avec les implantations en Cisjordanie.
La polémique a pris un tour très médiatique quand l’actrice Scarlett Johansson a dû renoncer à son titre d’ambassadrice d’Oxfam pour avoir passé contrat avec l’israélien SodaStream. La principale usine de ce spécialiste des boissons gazeuses se trouve...dans les territoires palestiniens.
Tournées en Asie de Naftali Bennett
Reste à évaluer l’impact de ces opérations de boycottage. Si chacun s’accorde à dire qu’il demeure aujourd’hui marginal, certains prédisent un dangereux effet boule de neige. Dans ce camp, le ministre des finances centriste Yaïr Lapid : fin janvier, citant un rapport du Trésor, il estimait qu’un échec des négociations suscitant des mesures de rétorsion européennes entraînerait une chute de 20% des exportations et la perte de quelque 10 000 emplois. Fadaises, a répondu le ministre de l’économie, Naftali Bennett. Pour le leader de la droite nationaliste, c’est la création d’un Etat palestinien qui "ruinerait" l’économie israélienne avec le risque accru d’attaques terroristes.
Le ministre n’en a pas moins multiplié les tournées en Asie ces derniers mois, appelant à des liens plus étroits avec l’Inde et la Chine. Façon, jugent les observateurs, de se préparer à la menace d’un boycott d’ampleur de la part des Européens.