La déclaration de Donald Trump reconnaissant Jérusalem comme capitale d’Israël en-dehors de tout accord avec les Palestiniens n’a pas seulement été un coup de tonnerre : elle marque la fin d’une époque, et d’une longue succession de trahisons et d’occasions manquées. C’est la fin du parrainage par les Etats-Unis d’un processus de paix devenu au fil du temps processus de colonisation. Et un coup d’arrêt à un « plan de paix » états-unien qui ne cherchait qu’à imposer aux Palestiniens les revendications du lobby des colons israéliens.
C’est une nouvelle période qui s’ouvre, elle est lourde de menaces et d’incertitudes, mais aussi porteuse d’espoir et de nouveaux défis.
Elle est lourde de menaces car le pouvoir israélien ne voit plus aucune limite à la mise en œuvre de sa politique : la colonisation se poursuit à marche forcée, Gaza est de plus en plus invivable et toujours sous blocus, l’armée tire à balles réelles contre les manifestants palestiniens désarmés, les arrestations et emprisonnements se multiplient... Les projets d’annexion de vastes territoires autour des colonies ne sont que partie remise, les stratégies les plus folles sont avancées par les partis israéliens au pouvoir. Et la très dangereuse loi sur l’Etat nation du peuple juif reste affichée comme une priorité par le Premier ministre israélien.
L’espoir, nous le voyons dans la vitalité du peuple palestinien et notamment de sa jeunesse. Si cette jeunesse est incarnée, ces jours-ci, par la figure de Ahed Tamimi, nous n’oublions pas les milliers de jeunes palestiniennes et palestiniens qui ont participé à la résistance victorieuse de l’été 2017 à Jérusalem, et qui manifestent aujourd’hui au péril de leur vie contre les déclarations de Trump. L’espoir, nous voulons le mettre aussi dans l’indispensable unité palestinienne, associée à une dynamique de rénovation de l’OLP. Nous le cherchons enfin en Israël, où 63 jeunes, filles et garçons, viennent de refuser publiquement d’être incorporés dans l’armée d’occupation.
Mais ce sont aussi de nouveaux défis qui se portent aujourd’hui sur la France et l’Europe, dont le rôle redevient central après que les Etats-Unis se sont disqualifiés.
La protection du peuple palestinien pourrait être le tout premier rôle de l’Union européenne, qui doit marquer de vraies lignes rouges, et promettre des sanctions conséquentes, dont la suspension de l’accord d’association, si ces lignes sont franchies. Au nom de la cohérence avec ses propres principes, et malgré ses divisions, elle en a la capacité et il faut l’engager sans relâche à le faire.
En termes d’initiative politique les yeux sont maintenant tournés vers la France. Les condamnations verbales ne suffisent plus. La France doit maintenant être à la pointe de l’exigence internationale d’une paix fondée sur le droit. Et le premier acte de cette exigence est la reconnaissance de la Palestine dans les frontières d’avant juin 1967 avec Jérusalem Est comme capitale. Sans acte fort, rien ne fera dévier le pouvoir israélien de sa voie actuelle : à nous d’en convaincre nos gouvernants.
Au sein du mouvement de solidarité avec la Palestine, nous avons, aussi, de nombreux défis à relever. Le plus important est celui d’un large rassemblement de la société française pour la justice et le droit en Palestine, y compris les droits des réfugiés palestiniens. L’impressionnante mobilisation d’élus et de citoyens de tous bords pour la libération de Salah Hamouri, le lancement par Amnesty International de sa campagne pour l’interdiction des produits des colonies, qui fait écho à la campagne BDS que nous menons sur ce sujet, la très large alliance autour de la campagne sur les banques : tous ces faits témoignent d’une volonté toujours plus largement partagée de faire triompher le droit sur la loi du plus fort.
Bertrand Heilbronn
Président de l’AFPS
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