La banque britannique HSBC vient de prévenir ses clients au Royaume-Uni qu’elle cessera d’émettre des ordres de paiements à destination de l’association caritative palestinienne Interpal à partir du mois prochain.
Au début du mois d’avril, la banque a adressé un courrier à ses clients, donateurs réguliers de l’organisation caritative installée à Londres, pour les informer que tous les paiements s’arrêteront dès le 17 mai. Aucune explication ne leur a été donnée.
La décision de HSBC est un coup particulièrement lourd et amer en cette période de Ramadan, pendant laquelle les Musulmans donnent plus que n’importe quand dans l’année. En 2016, 100 millions de livres de dons avaient été envoyés, selon la Commission des oeuvres caritatives du Royaume-Uni.
Ibrahim Hewitt, président du conseil d’administration d’Interpal, réagit :
C’est décevant qu’une banque aussi importante agisse de la sorte en plein ramadan, une période importante pour nos donateurs comme pour nos bénéficiaires. De surcroit, en pleine pandémie de coronavirus. Aucune raison n’a été donnée, ni aux donateurs, ni à nous. C’est assez étonnant.
Fondée il y a 25 ans, Interpal est décrite par la Commission des oeuvres caritatives comme « une des principales association de soutien et de développement pour les Palestiniens » en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza et dans les camps de réfugiés du Liban et de Jordanie.
Beaucoup de personnes qui ont bénéficié de l’aide d’Interpal ces 25 dernières années risquent de souffrir si les dons ne peuvent plus leur parvenir.
Ibrahim Hewitt explique que les bénéficiaires vivent dans une situation de siège et luttent chaque jour pour subvenir à des besoins les plus basiques.
Interpal essaie d’apporter « un semblant de normalité à une situation anormale. »
Comptes bancaires fermés
HSBC, une des plus grandes banques du monde, détient le record de comptes en banque fermés sans explication, y compris ceux d’éminents clients musulmans, après avoir retiré des facilités bancaires d’un certain nombre d’organisations et de dirigeants communautaires en 2014 et 2015.
Les personnes concernées fréquentaient la mosquée Finsbury Park à Londres et Anas Altikriti, fondateur et PDG de la Cordoba Foundation, un groupe de réflexion qui dit se consacrer à jeter des ponts entre l’Islam et l’Occident.
À l’époque, HSBC a déclaré que ces fermetures de compte intervenaient dans un contexte global de réexamen de ses activités dû au versement d’une amende de 1,9 milliard de dollars aux autorités américaines pour avoir permis aux cartels de la drogue d’Amérique latine d’utiliser ses banques pour blanchir des centaines de des millions de dollars.
La banque a toujours nié que ces fermetures avaient quelque chose à voir avec des questions de race ou de religion.
Le 27 avril, HSBC a confirmé qu’elle suspendrait tout ordre de paiement à destination d’Interpal.
« En tant que banque mondiale, nous pouvons parfois décider d’empêcher certaines transactions, même si elles sont autorisées par les lois locales. Nous reconnaissons que certaines personnes peuvent être déçues de cette décision et nous sommes désolés pour tout inconvénient que cela pourrait causer », a déclaré un porte-parole.
HSBC a refusé de répondre à la question de savoir si une raison particulière l’avait poussé à prendre cette décision. Elle n’a pas non plus répondu au moment choisi pour annoncer cette décision.
Interpal visé par le lobby pro-israélien
C’est la première fois que HSBC est soupçonné d’agir contre Interpal. Cependant, ce n’est pas la première fois que l’organisme de bienfaisance voit ses installations bancaires fermées ou ses traitement de dons suspendues.
À cette époque, UK Lawyers for Israel (UKLFI), un groupe de lobbying pro-israélien, a revendiqué un rôle dans le retrait des services BT MyDonate et JustGiving d’Interpal, et dans le retrait des services de cartes de crédit.
UKLFI a justifié ses actions contre Interpal parce que le Trésor américain l’a inscrite sur la liste des organisations terroristes en 2003, l’accusant de soutenir le Hamas.
Alors que le Canada et l’Australie ont suivi les États-Unis, beaucoup d’autres pays et d’organisation internationales - comme le Royaume-Uni et l’ONU - ne l’ont pas fait.
Enquêtes et cas de diffamation
La Commission britannique des associations caritatives a enquêté sur Interpal à la suite de la décision des États-Unis et à deux autres occasions. À chaque fois, elle a lavé Interpal de tout soupçon d’activités illégales.
La conclusion de la dernière enquête insistait pour qu’Interpal mène un audit de ses procédures de contrôle et rompe ses liens avec un groupe qui, selon la Commission, entretenait des liens avec le Hamas.
La Commission a confirmé qu’Interpal avait mis ces recommandations en pratique.
Par ailleurs, Interpal a gagné une série d’actions en diffamation.
La première, en 2005, l’opposait au Conseil parlementaire des Juifs britanniques qui présentait Interpal comme organisation terroriste sur son site Internet.
En 2006, le Jerusalem Post s’est excusé auprès d’Interpal et en 2010, le journal Express a versé des dommages et intérêts à l’association caritative pour avoir affirmé qu’elle était liée au Hamas.
L’année dernière, le Daily Mail a dû verser 120 000 £ de dommages et intérêts à Interpal et présenter ses excuses : « Les administrateurs nous assurent, et nous l’acceptons, que ni Interpal, ni ses administrateurs, n’ont jamais été impliqués dans des activités terroristes d’aucune sorte. Nous présentons nos excuses aux administrateurs pour le désagrément que nous avons causé. »
Traduction AFPS