En tant que Palestiniennes et Palestiniens, nous vivons sous l’occupation israélienne, des expériences d’oppression et de domination, au jour le jour, en traversant un barrage, en nous faisant arrêter dans la rue de manière discriminatoire par la police, qui nous fouille au corps sur la base de notre identité, qui nous humilie, mais aussi nous subissons les conséquences des lois, des politiques et des pratiques israéliennes visant à sou- mettre le peuple Palestinien dans son entièreté. L’éviction imminente de huit familles palestiniennes du quartier de Jérusalem de Sheikh Jarrah, n’est qu’un exemple de l’application des lois et des politiques israéliennes d’apartheid en place depuis des décennies.
En 1948, autour de 750 000 Palestiniens, soit près de 80 % de la population palestinienne sont contraints à devenir réfugiés, et sont interdits de retourner chez eux. Entre 1948 et 1960 Israël va créer une structure légale permettant de s’emparer, d’exproprier et de reclassifier les terres des Palestiniens. Tandis qu’une autre loi israélienne de 1950 accorde à chaque personne juive le droit exclusif d’entrer en Israël en tant qu’immigrant juif, Israël interdit le retour des millions de réfugiés palestiniens qui ont été chassés de leur pays. Ces politiques et lois israéliennes, sont à la source de l’institutionnalisation du régime d’apartheid israélien à l’encontre du peuple palestinien.
De plus, Israël a, tout au long des décennies, stratégiquement fragmenté le peuple palestinien en catégories géographiques, juridiques et politiques pour garantir qu’il ne puisse pas se rencontrer, vivre ensemble et exercer ses droits collectifs, principalement le droit à l’autodétermination. C’est un des leviers principaux par lesquels Israël a ancré et maintenu le régime d’apartheid sur le peuple palestinien.
Si l’apartheid se manifeste de manières différentes selon la région où vivent les Palestiniens, c’est « un seul régime global mis en place pour assurer la domination durable sur les non-Juifs » [1]. Pour les Palestiniens vivant en Palestine mandataire, qu’ils détiennent la citoyenneté israélienne, ou qu’ils vivent en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza, Israël applique à leur encontre des lois civiles et militaires pour arriver au même objectif démographique : transférer la population palestinienne indigène où qu’elle vive, et la remplacer par une population juive israélienne. Depuis 73 ans, la communauté internationale a permis à Israël de continuer de commettre ses crimes de guerre et crimes contre l’humanité à l’encontre du peuple palestinien en toute impunité.
Malgré la répression Israélienne généralisée, le soulèvement palestinien massif contre le régime israélien de domination et d’oppression en mai 2021, a remis en perspective la cause palestinienne, une lutte anticoloniale et une lutte anti-apartheid. Le conseil des droits de l’Homme des Nations Unies a tenu une session spéciale pour traiter de la situation urgente le 27 mai 2021. Pour la première fois, et de manière historique, une commission d’enquête de l’ONU sur les violations du droit est établie qui traitera des violations israéliennes sur les deux côtés de la ligne verte, traitant ainsi les violations contre le peuple palestinien, mais aussi les causes profondes menant aux violations, ce qui inclus la discrimination et la répression systématiques fondées sur l’appartenance nationale, ethnique, raciale ou religieuse [2].
Si le conseil des droits de l’Homme commence à traiter de la situation des droits de l’Homme d’une manière qui reconnaît les causes profondes de l’oppression israélienne, les pays de l’Union européenne continuent d’assurer l’impunité d’Israël. Lors du vote sur la résolution qui a établi la commission d’enquête, les pays européens membres du Conseil des droits de l’Homme ont tous voté contre ou se sont abstenus, maintenant la position adoptée, celle de l’exceptionnalité israélienne.
Le temps est maintenant venu pour l’Europe de reconnaître la commission par Israël du crime contre l’humanité, d’apartheid, et de prendre des mesures effectives pour y mettre fin.
La société civile à travers le monde a un rôle très important à jouer dans le changement du narratif pour assurer le changement de la lecture erronée de la situation : d’un « conflit entre deux états » mis sur pied d’égalité, à une mobilisation contre le colonialisme et l’apartheid israéliens. Le rôle de la société civile a été instrumental dans la mobilisation contre l’apartheid en Afrique du Sud. Aujourd’hui la société civile palestinienne appelle à adapter ces mesures dans le cas de la Palestine, appelant les états à respecter leurs obligations morales et juridiques en adoptant des mesures effectives pour mettre fin à l’apartheid israélien.
Nada Awad