Il fait partie de ces « Palestiniens Israéliens » souvent oubliés ou ignorés alors qu’ils représentent 20 % de la population en Israël.
Devenu citoyen israélien lorsque sa Galilée natale fut annexée à Israël, lors de la première guerre de 1948, il ne baisse pas les bras et s’engage : la prêtrise d’abord qui explique son parcours et fait de lui un combattant de la paix ; non point cet armistice sur fond de violence, mais un apôtre de la coexistence pacifique, revendiquée, enseignée, vécue avec ses nouveaux concitoyens juifs israéliens. Ce qui le conduira à l’enseignement : dans l’établissement scolaire qu’il a créé à Ibillin avec patience et pugnacité, face à l’hostilité du pouvoir administratif israélien qui lui refuse tout permis de construire une école. Il fait cohabiter une population d’enfants de confessions mêlées et fait le pari que l’éducation non violente peut faire bouger les choses, ce qui n’exclut pas la solidarité des élèves avec leurs frères des Territoires occupés.
Il nous le dit, nous le répète : les enfants ne naissent pas juifs, chrétiens ou musulmans, ils naissent « bébés ». De quatre-vingt-dix élèves en 1982 , il est fier d’annoncer que quatre mille cinq cents jeunes fréquentent aujourd’hui cet établissement. Habité par le génie de la réconciliation, il vient de réussir une première : créer en Israël la première université arabe chrétienne israélienne.
Ses propos sont empreints de tristesse lorsqu’il nous fait visiter les ruines de sa maison et de son village natal, Ba’ram en Haute Galilée (rayé de la carte comme quatre cent douze autres villages) dont sa famille a été chassée en 1948. Son histoire est celle de milliers d’autres Palestiniens qui, de part et d’autre de la frontière, luttent contre l’oppression et la discrimination.
Cet homme exceptionnel dérange parce qu’il parle d’espoir et de coexistence à l’heure où une violence inégalée a envahi l’espace de la Palestine occupée. Son message de réconciliation non violente peut paraître utopique, mais son jugement à l’encontre de la colonisation - « vouée à l’autodestruction » - est ferme, sans appel et a l’accent d’une mise en garde.
Le propos résonne juste, appelant chacun à reconnaître l’Autre, dans sa différence, reconnaissance refusée jusqu’à présent et pourtant indispensable pour pouvoir vivre ensemble, Israéliens et Palestiniens.
n Claude Roshem-Smith
Le film est en vente à la Production Sérimage (Tél : 04 66 29 09 33) à l’Institut du Monde Arabe, la Médiathèque des Trois Mondes, et les librairies Silhoé.