Le militant marocain Abraham Serfaty s’est éteint le 18 novembre à l’âge de 84 ans et c’est avec une grande tristesse que nous avons appris cette disparition.
A travers un itinéraire militant particulièrement riche, Abraham a toujours suscité du respect pour son dévouement, son courage et la force de ses convictions.
Il fut l’un des promoteurs de la politique minière du Maroc indépendant, en tant que directeur à l’Office chérifien des phosphates. Et alors qu’il avait devant lui une grande carrière toute tracée dans l’administration, il a préféré sacrifier sa vie à lutter contre les injustices et pour le triomphe du droit. Abraham a payé cher cet engagement et son soutien à l’autodétermination du peuple sahraoui : 17 années de prison, 9 années d’exil et surtout plusieurs mois de torture dans le sinistre centre clandestin « Derb Moulay Cherif ».
Issu d’une des nombreuses familles juives et musulmanes qui furent chassées d’Espagne vers le Maroc par la reine Isbelle la Catholique à partir de 1492, Abraham Serfaty s’était farouchement opposé à l’émigration forcée des juifs marocains vers Israël. Il s’est toujours considéré comme marocain autant que juif et c’est dans son pays, le Maroc, qu’il a mené ses activités politiques et militantes contre le colonialisme et pour la démocratie.
Son soutien à la résistance du peuple palestinien s’inscrit dans une lutte plus universelle pour le droit, la justice et l’égalité. Il a initié des générations de militants et militantes marocains à cette cause et son action en sa faveur a torpillé les idées selon lesquelles le conflit israélo-palestinien serait d’ordre religieux. Ses nombreux écrits sur le sionisme et la cause palestinienne, surtout ceux réalisés en prison, constituaient des cahiers de formation pour nombre de militants marocains. En effet, un juif antisioniste, c’était quelque chose pour ces militants.
En 2005, interviewé par l’AFP, il déclarait : "J’irai d’abord en Palestine lorsqu’il y aura un État puis je passerai voir des amis juifs qui se trouvent en Israël". Ce que signifiait ainsi Abraham Serfaty, près de soixante ans après l’expulsion massive des Palestiniens de leurs foyers, c’était son refus d’un privilège, d’un "droit" de se rendre en Palestine et en Israël, au nom de sa judéité, tandis que des centaines de milliers de Palestiniens, eux, se voyaient -et se voient toujours- refuser, par Tel-Aviv, leur droit absolu au retour.
Et pourtant, se rendre en Palestine était l’un de ses vœux les plus chers, lui qui n’a cessé de lutter pour son droit à l’indépendance.
Aujourd’hui, témoignant à sa famille notre profonde solidarité, c’est emplis de tristesse que nous tenons à rendre hommage à cet homme de courage à ce défenseur de la justice, de la liberté, et du droit des peuples.