Les soldats israéliens ont la semaine dernière placé au moins trois engins explosifs dans un village palestinien le long d’une route qui passe près d’une zone résidentielle.
Les soldats de la Brigade Nahal sont entrés dans le village de Qaddum en Cisjordanie mercredi dernier, peu de temps avant minuit, pour placer les engins explosifs, qui ont été amorcés et rendus prêts à exploser si on les touchait. Les explosifs ont été cachés à l’aide de pierres, de chiffons et de boîtes à armes.
L’armée a déclaré que les grenades assourdissantes ont été laissées sur place, sans aucun explosif supplémentaire, « dans une zone inhabitée et découverte dans laquelle de violentes émeutes se sont produites depuis des années se sont depuis des années ». Selon des sources militaires, les boîtes ont été placées dans le but de créer une dissuasion, tandis que le porte-parole de l’armée a déclaré que « après qu’elle a découvert que ceci pouvait provoquer des blessures, des soldats ont travaillé à les retirer de la zone ».
Jeudi après-midi, un garçon âgé de sept ans se promenait avec sa famille dans le village quand il a repéré une boîte orange couvertes de fils. « J’ai voulu la ramasser et jouer avec », a-t-il dit ensuite.
Sa mère a vite appelé un parent, Waseem Shtaiwi, pour qu’il l’examine. Shtaiwi et son oncle, Mamoun Shtaiwi, l’ont secouée et ont entendu un bruit.
Après l’avoir davantage secouée, elle a explosé, blessant légèrement Waseem au visage et à la main. Un auxiliaire médical local a déclaré que les blessures avaient été causées par des éclats. La boîte qui a explosé était du type de celles que l’armée utilise pour stocker les grenades assourdissantes.
Environ 100 mètres plus loin, la famille a trouvé une autre boîte orange. Cette fois, elle l’a photographiée et a ensuite jeté des pierres pour la neutraliser. La boîte a explosé en s’enflammant et en faisant de la fumée.
Jeudi soir, après que les photos ont été vues sur les médias sociaux, des soldats israéliens sont venus et ont neutralisé le troisième engin explosif.
« Des gens habitent là, et des enfants s’y baladent », a déclaré Waseem Shtaiwi. « C’est une chance que rien de pire ne soit arrivé ».
Officiellement, l’armée israélienne a refusé de dire qui avait préparé les explosifs, qui les avaient placés le long de la route, ni pourquoi on les avait laissés là sans aucun contrôle. Mais des sources de l’armée ont déclaré que les explosifs avaient été placés par des soldats du bataillon de reconnaissance de Nahal afin de créer une dissuasion.
L’armée a déclaré que le commandant de la Division de Judée et Samarie, le Général de Brigade Yaniv Alalouf, avait ouvert une enquête. Elle n’a pas exclu l’éventualité que les engins explosifs aient été placés à l’insu ou sans l’autorisation des officiers supérieurs de la division.
Placer un explosif amorcé dans une zone civile est illégal en vertu du droit international. Quoique les sources de l’armée aient déclaré que les explosifs avaient été placés à des fins de dissuasion, elles ont dit aussi qu’ils ne visaient aucune cible spécifique.
Ils ont refusé de dire quelle autorité judiciaire avait donné son approbation à la pose d’engins explosifs ou quel officier du plus haut grade était au courant de l’opération.
Les photos des engins explosifs prises par les habitants de Qaddum montrent qu’ils ont été fabriqués et cachés à la manière d’amateurs, de façon qu’ils semblent avoir été placés par des Palestiniens ou des extrémistes de droite plutôt que par des soldats. Certains comportaient ce qui ressemblait à une bombe artisanale attachée à la boîte d’une grenade assourdissante. Des fils étaient attachés à l’extérieur de la boîte, et les photos de ceux qui ont explosé montraient que les détonateurs et d’autres parties étaient attachés avec du ruban adhésif noir.
L’armée a refusé de dire si la construction amateuriste était destinée à faire croire que les Palestiniens les avaient placés.
Les habitants de Qaddum ont déclaré que la route où les engins explosifs ont été placés était très fréquentée par les piétons puisqu’elle est souvent utilisée par les personnes qui font de la randonnée ou qui vont voir leurs oliveraies. Le premier engin explosif était placé près d’une maison en construction, à environ 150 mètres de la maison habitée la plus proche.
En outre, les habitants manifestent régulièrement sur cette route, si bien que les soldats y viennent pour disperser les manifestations.
Deux jours avant que les explosifs n’explosent, l’habitant Khaled Shtaiwi a vu une pancarte improvisée en hébreu sur une colline où les soldats se déploient parfois pendant les manifestations. La pancarte, dans un hébreu incorrect, disait « Ne vous approchez pas ou mourrez ; danger de mort », en même temps que d’autres phrases. Elle était affichée à quelques mètres seulement de l’endroit où ils ont été posés.
Les habitants ont déclaré que des soldats étaient présents sur le site le jour où la pancarte a été affichée, mais l’armée a refusé de dire si les soldats qui ont affiché la pancarte sont ceux qui ont placé les engins explosifs.
Le lendemain, mercredi, les habitants ont remarqué aussi que le drapeau palestinien, qu’ils avaient accroché à cet endroit, avait été enlevé.
Depuis 2011, les habitants de Qaddum ont organisé des manifestations hebdomadaires contre la fermeture de la principale route permettant d’accéder au village, laquelle mène à Naplouse. Elle a été fermée en raison de l’extension en 2003 de la colonie voisine de Kedumim.
Qaddum est le seul village de Cisjordanie qui organise encore des manifestations hebdomadaires contre l’occupation, aussi les frictions avec l’armée israélienne sont-elles fréquentes.
En février, par exemple, Haaretz a rapporté qu’un bulldozer militaire avait poussé des pierres sur les habitants pendant la manifestation. En mai, l’organisation de défense des droits de l’homme B’Tselem a publié les preuves selon lesquelles les soldats avaient jeté une grenade lacrymogène sur la maison de Murad Shtaiwi, le chef du comité populaire du village, et crevé les pneus de voitures d’habitants.
L’année dernière, le Ministère palestinien de la Santé a rapporté qu’un garçon âgé de 10 ans avait été gravement blessé à la tête par une balle enrobée de caoutchouc au cours d’affrontements dans le village. Et en février, un garçon âgé de 15 ans a été atteint à la tête par une balle réelle.
« Si un Palestinien avait fait une telle chose, ils seraient venus l’arrêter dans les minutes suivantes », a déclaré Murad Shtaiwi, qui est aussi le père de Khaled, en expliquant que les caméras de surveillance placées à la périphérie de Kedumim auraient permis à l’armée de repérer très rapidement un Palestinien en train de placer un explosif.
« Même dans un endroit où les opérations de vengeance exécutées par les soldats sont déjà devenues une routine, que des soldats placent des engins explosifs improvisés est exceptionnel, et c’est un coup de chance que cela n’ait pas provoqué des blessures bien plus graves », a déclaré B’Tselem dans un communiqué. « Voici comment agissent les gangs armés, mais pas une armée régulière. Mais cette action est le reflet de l’état d’esprit des commandants de l’armée et du gouvernement, structures qui toutes deux envoient le message que les vies et les membres des Palestiniens sont des cibles légitimes ».
L’Unité du Porte Parole de l’armée israélienne a déclaré qu’une enquête préliminaire était effectuée et qu’elle serait présentée aux commandants dans les jours à venir. Des conclusions en seront tirées, a ajouté le communiqué, conformément aux constatations.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT prisonniers de l’AFPS