À partir de novembre 2023, cette association a ouvert une dizaine de centres de soins dans les camps de réfugiés du sud et un projet tenait particulièrement à cœur aux médecins et soignants de PalMed : partir en mission dans les hôpitaux pour soutenir leurs collègues palestiniens.
Il leur a fallu des mois d’efforts pour obtenir les autorisations nécessaires, et c’est finalement en coopération avec une fondation américaine qu’ils ont pu mener leurs missions associant des médecins français, anglais, suédois, jordaniens et états-uniens. La composition des missions a toujours été concertée avec les équipes des hôpitaux palestiniens.
La première mission, à laquelle participaient sept médecins et soignants français, a réussi à entrer dans la Bande de Gaza le 25 janvier. Depuis, les missions se succèdent tous les 15 jours environ.
Le nord étant rendu totalement inaccessible par l’armée israélienne, les interventions ont été programmées dans le sud, en se centrant sur l’hôpital Nasser, le plus grand hôpital de Khan Younis, et sur l’hôpital européen, situé entre Khan Younis et Rafah. Mais l’hôpital Nasser était déjà assiégé par l’armée israélienne, qui l’a finalement investi, a enlevé son personnel et a mis l’hôpital hors d’usage : les missions se sont donc recentrées sur l’hôpital européen, ainsi que sur l’hôpital mère-enfant de Rafah.
Le docteur Raphaël Pitti, qui menait cette première mission, est particulièrement expérimenté pour les interventions dans des contextes de guerre. Et pourtant, il a témoigné n’avoir jamais vu une telle situation, un secteur de santé volontairement détruit par les attaques israéliennes, le manque de moyens, d’anesthésiques, d’antiseptiques rendant toute intervention hasardeuse alors que les blessés affluaient tous les jours. Il a fallu trier, renoncer à soigner, amputer plutôt que tenter de réparer les membres blessés, laisser des blessés mourir sans accompagnement ni sédatif.
Plusieurs médecins et l’infirmière de retour de la première mission se sont exprimés à l’Assemblée nationale à l’invitation d’un groupe de députés [1], ils ont rendu compte de la situation sanitaire et humaine à laquelle ils ont été confrontés, de l’afflux des blessés, de la présence massive de réfugiés cherchant un lieu supposé sûr jusque dans les couloirs de l’hôpital qui rendait la situation particulièrement chaotique. Ils ont été frappés par la gravité des blessures, par le fait que toutes les victimes étaient civiles, victimes des bombardements mais aussi ciblées par des snipers, par les blessures et traumatismes subis par les enfants. « Il devrait y avoir une limite que tout être humain devrait se poser, c’est celle des enfants » a rappelé l’infirmière, Imane Maarifi. Ils ont pu constater que les maladies chroniques, comme l’insuffisance rénale ou le diabète, ne pouvaient plus être prises en charge ; ils ont aussi témoigné des conditions indignes dans lesquelles les femmes doivent accoucher et tenter de prendre soin de leur nouveau-né trois heures après l’accouchement, trois jours après une césarienne, repartant avec leur seul vêtement pour aller le plus souvent sous une tente. Ils expriment leur inquiétude sur la promiscuité, le dénuement, la sous-alimentation, les maladies contagieuses. Le décompte des morts officiels est largement sous-estimé.
Mais c’est avant tout l’humanité, la dignité, le courage, la qualité d’accueil et la compétence de leurs collègues palestiniens qui les ont le plus frappés. Les médecins et les infirmiers palestiniens sont souvent en poste pratiquement sans interruption, depuis le début de l’agression israélienne. Beaucoup ont dû fuir les hôpitaux de Gaza-ville et du nord de la Bande de Gaza, investis par l’armée israélienne, et ont mis leurs compétences à disposition des hôpitaux en arrivant à Khan Younis et Rafah. La plupart avaient tout perdu, leur famille comme leur maison et leurs documents personnels, d’autres devaient aussi trouver le temps de chercher à subvenir aux besoins de leur famille, dans une situation où tout devient introuvable. Tous les membres des missions successives insistent sur les liens forts tissés avec leurs collègues palestiniens et sur le déchirement de leur départ en fin de mission.
Participant à la deuxième mission, le docteur Pascal André, urgentiste et infectiologue, a recueilli la parole profondément humaine de dizaines de civils, et de soignantes et soignants palestiniens. Ils nous interrogent sur l’indifférence du monde à leur calvaire, sur l’acharnement de l’armée israélienne à s’en prendre aux civils, aux infrastructures de santé, aux soignants et à leurs familles. Ils veulent que leur parole en tant que Palestinien·nes soit entendue, ils veulent croire à l’avenir, à la justice internationale, à la reconstruction de leur pays.
Comme nous le rappelle le docteur Pascal André, « il faut entendre ces voix humaines qui nous demandent de sortir de nos silences et du déni du droit international, aux conséquences désastreuses, pour cette humanité qui nous est commune ».
BH