La maison n° 13 de la famille palestinienne Al-Kurd est située à Karm al-Jaouni, dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est. À l’entrée, une grande bannière indique : "Nous ne partirons pas". Un groupe de colons israéliens partage une partie de la maison de la famille. La famille est devenue un symbole de la résistance aux décisions israéliennes qui visent à expulser les Palestiniens du quartier.
En 1956, le quartier de Sheikh Jarrah a accueilli 28 familles palestiniennes déplacées des territoires occupés de 1948 en vertu d’un accord entre l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) et le gouvernement jordanien. La superficie du quartier est estimée à 808 dunams (200 acres), et il abrite aujourd’hui environ 2 800 personnes. Il est géré par la municipalité israélienne de Jérusalem.
En mai, une vidéo d’une conversation entre Muna al-Kurd, une Palestinienne qui vit dans l’une des maisons menacées d’expulsion, et un colon qui occupe la moitié de sa maison, est devenue virale. Dans la vidéo, Yaacoub, le colon qui a repris la moitié de la maison familiale de Nabil al-Kurd par décision d’un tribunal israélien, dit à Muna : "Si je pars, tu ne reviendras pas [dans la maison]. ... Si je ne la vole pas [la maison], quelqu’un d’autre la volera".
Nabil, 77 ans, a déclaré que les autorités israéliennes veulent l’expulser, lui et sa famille, de sa maison par la force des armes. Elles falsifient des documents et adoptent des lois qui répondent à leurs intérêts et à ceux des colons, a-t-il ajouté, précisant que sa famille et lui ont été déplacés de leur maison de Jaffa lors de la Nakba palestinienne en 1948. Il n’avait que quatre ans à l’époque, et il risque aujourd’hui d’être expulsé de sa maison de Sheikh Jarrah sous prétexte que le terrain sur lequel elle a été construite appartient à des Juifs.
Nabil a déclaré à Al-Monitor : "J’ai soumis une demande à la municipalité israélienne de Jérusalem en 1999 pour agrandir ma maison de 50 mètres carrés [538 pieds carrés] et de deux pièces, où vivent huit personnes. [Nous voulions] construire une pièce supplémentaire dans l’arrière-cour, mais la municipalité a refusé d’accepter la demande et de nous accorder un permis de construire."
Il a ajouté : "Un de mes enfants a décidé de construire une pièce supplémentaire dans l’arrière-cour en 2009. Elle était presque terminée lorsque la municipalité israélienne m’a remis un procès-verbal d’infraction, et ma famille et moi avons été interdits d’accès à la pièce après que ses clés ont été confisquées et qu’une amende de 92 000 dollars a été imposée, à régler sur neuf ans. Lorsque la municipalité nous a ordonné de la détruire, notre demande [de garder la chambre] a été refusée sous prétexte que nous n’avions absolument pas le droit de faire quoi que ce soit avec la chambre."
Nabil a ajouté : "Cette même année, nous avons été surpris que la municipalité israélienne accorde à 15 jeunes colons le droit de vivre dans la chambre et de partager la maison avec nous. Israël mettait à l’épreuve notre résilience et s’acharnait sur nous pour nous pousser à partir et nous déplacer de force. Mais je persiste à dire que l’expulsion et le déplacement forcé sont pires que la mort, et je ne partirai pas. Les colons nous dérangent tout le temps en jetant des pierres et des détritus lorsque nous entrons et sortons de la maison et en insultant ma famille."
Le ministère jordanien du Logement et de la Construction a signé un accord avec l’UNRWA en 1956 pour installer 28 familles de réfugiés à Jérusalem, à condition que ces familles renoncent à leur droit à l’aide alimentaire de l’UNRWA, tout en conservant ses services de santé et d’éducation.
Muna, 23 ans, diplômée en médias de l’université de Birzeit, a déclaré à Al-Monitor : "Ma famille souffre depuis qu’un groupe de colons s’est emparé de la maison, et en raison des restrictions permanentes de la police israélienne qui veut nous expulser de force de notre maison. La Cour suprême d’Israël tente de forcer les familles menacées d’expulsion, dont la mienne, à reconnaître que le terrain où nous vivons appartient aux colons et que nous sommes des locataires protégés. Mais nous refusons tous cela".
Elle a déclaré : "J’ai essayé de refléter chaque moment de souffrance des citoyens du quartier à travers mon compte Instagram pour montrer au monde la sauvagerie de l’occupation avec les citoyens qui font face au risque d’expulsion de leurs maisons."
Muna a ajouté : "Mon frère, Mohammed, et moi avons tous deux été arrêtés le 6 juin, après que la police israélienne a fait une descente dans notre maison. Pendant l’interrogatoire, j’ai été menacée et la présence de mon avocat a été interdite. Les autorités israéliennes nous ont relâchés, mon frère et moi, quelques heures après l’arrestation."
Le 2 août, la Cour suprême israélienne a reporté une décision dans l’affaire des familles de Sheikh Jarrah.
Fakhri Abu Diab, un Jérusalémite membre du Comité de défense de Silwan, a déclaré à Al-Monitor : "Ce qui se passe dans le quartier de Sheikh Jarrah contre un certain nombre de familles est une nouvelle catastrophe palestinienne, qui vise à resserrer l’étau autour des résidents du quartier adjacent aux territoires occupés en 1948, ainsi qu’à faire avancer les projets de judaïsation [d’Israël] qui battent leur plein, y compris le projet dit du Bassin sacré, qui s’étend du quartier de Sheikh Jarrah à la ville de Silwan. "
Il a noté : " La municipalité israélienne cherche à établir plus de 500 unités de colonisation à Sheikh Jarrah, y compris une synagogue et un jardin de la Torah, et à les relier à la partie occidentale de la ville de Jérusalem, afin de provoquer un changement démographique composé de colons au détriment des Palestiniens ". Les autorités israéliennes ont récemment puni les habitants de Jérusalem en démolissant leurs maisons, en leur retirant leur identité et en les bannissant de la ville de Jérusalem."
Diab a conclu : "Expulser de force les familles de leurs maisons est une violation claire du droit international." Il a appelé la Jordanie et la communauté internationale à faire pression sur Israël pour qu’il arrête ses plans de judaïsation contre les citoyens de Jérusalem.
Photo : Activestills
Traduction : AFPS