Photo : Aisha Abu Awwad assise dans sous une tente des les décombres autour d’ Humsa al-Fawqa (MEE/Shatha Hammad)
Aisah Abu Awwad, 57 ans, était assise devant une tente en ruine qui était auparavant la maison de sa famille dans la communauté de Hamsa al-Fawqa. C’était avant qu’elle ne soit démolie par les forces d’occupation israéliennes.
Presque sans aucune protection contre le climat hivernal, elle serrait fort sa plus jeune petite fille, Manar, âgée de trois mois, qui est aussi la dernière née de la communauté.
Alors que les vents froids de l’hiver s’intensifiaient et que la tempête approchait, Aisha et sa petite-fille ne pouvaient rien faire d’autre qu’attendre qu’une nouvelle tente soit construite.
Le 1er février, l’armée israélienne a démoli et confisqué un certain nombre de maisons et de tentes dans cette communauté bédouine qui vit dans la vallée du Jourdain au nord de la Cisjordanie.
Les autorités israéliennes ont terminé le processus de démolition le 3 février. Elles ont démolit 70 abris et tentes, sur une période de 3 jours, dont certains étaient utilisé comme habitation et d’autre pour le bétail.
Onze familles palestiniennes, correspondant à environ 80 habitants, dont plus de 40 étaient des enfants, ont été déplacées et elles n’ont plus de maison ou d’abris pour cet hiver.
Ce n’est pas la première fois que l’armée détruit Humsa al-Fawqa.
La communauté entière a déjà été démolie en novembre 2020.
L’armée fait aussi régulièrement des descentes sous prétexte d’exercices militaires et déplace temporairement les résidents pour plusieurs jours.
Jusqu’à présent les familles ont été évacuées 11 fois.
Entre la terre et le ciel
Aïsha, bouge avec difficulté à cause de son mal de dos qui s’intensifie avec le froid.
Elle a raconté à Middle East Eye : "La communauté a été réduite en décombres. L’armée israélienne est venue et a détruit toutes nos maisons et nos tentes. Nous sommes maintenant en plein air, entre la terre et le ciel."
Elle est la mère de 4 enfants et 8 petits-enfants. L’ainé de la plus jeune génération, Ameed, n’a pas encore fêté ses six ans, tandis que les plus jeunes sont Manar et Hadeel, âgé de sept mois.
Courant autour de leurs maisons démolies, des enfants jouaient et essayaient de récupérer leurs jouets sous les débris. Aisha les observait attentivement et les appelait de temps en temps pour vérifier qu’ils allaient bien.
Elle a commenté : « J’ai très peur pour ces enfants ; nous sommes incapables de les garder en sécurité aujourd’hui, ou même de les protéger du froid."
"Nous n’avons pas d’autre alternative que de rester ici sur notre terre. Ils continueront à démolir, et nous continuerons à construire et à rester inébranlables. "
La foudre a commencé à illuminer le ciel au dessus de la communauté détruite. Quelques minutes plus tard le vent s’est intensifié et les premières gouttes de pluie ont commencé à tomber.
Les enfants ont continué à jouer, inconscient de la nuit difficile qui s’annonçait pour eux et leurs familles.
Amal Abu al-Kabash, 25 ans, s’est précipité pour ramasser quelques couvertures et les cacher sous les décombres de la tente détruite. « Ils essaient de nous rendre la vie difficile et de nous assiéger de tous côtés. La vie ici est devenue presque impossible. Mais malgré tout cela, nous continuerons à vivre ici " a-t-il dit à MEE.
Muhammad Abu Awad, 52 ans, est apparut, fatigué, profondément triste et en colère, errant parmi les tentes détruites. Il a déclaré "Ma famille de 18 personnes est dehors en plein air aujourd’hui."
"Il n’y a plus de tente pour nous protéger du froid et nous rassembler. Depuis la démolition, l’armée israélienne a mis en place des barrages routiers à proximité de Humsa al-Fawqa, empêchant les camions citernes d’eau et les tentes d’arriver jusqu’à nous, et ils ont confisqué les effets personnels que nous essayions d’apporter."
Abu Awad a confirmé qu’Israël avait l’intention d’évacuer complètement Humsa al-Fouqa - dont la superficie dépasse 60 kilomètres carrés - de ses résidents palestiniens, afin de pouvoir y construire des colonies israéliennes.
Tout le monde va partir
Le 4 février, une délégation de l’autorité palestinienne avec à sa tête le premier ministre palestinien, Mohammad Shtayyeh, et un certain nombre de diplomates européens et d’institutions internationales de défense des droits de l’Homme, se sont rendus à Humsa al-Faqwa, en geste de solidarité.
Un groupe de véhicules de l’armée et de l’intelligence israélienne a surveillé de près l’événement. Un barrage militaire avait été placé à l’entrée de la communauté et tous les véhicules entrant la zone ont été soumis à une fouille.
"Notre espoir est que cette solidarité est réelle et ne se terminera pas à la fin de la journée et qu’elle se transformera en actes pour soutenir notre présence ici, pas seulement un show devant les caméras des médias" a ajouté Abu Awad.
Il a souligné que la communauté étant localisée dans une zone lointaine et marginalisée, cela a pour conséquence que l’armée peut y appliquer ses politiques contre eux discrètement.
"La présence d’autres autour de nous nous protège et attire l’attention sur ce qu’il se passe ici et nous espérons que cela aura un effet dissuasif sur l’armée israélienne et exposera ses actions aux yeux du monde" a-t-il ajouté.
Aisha est moins optimiste.
Elle a déclaré : "Tout le monde va partir et nous resteront seuls pour faire face à cette réalité quotidienne et la combattre seuls."
Murad Ishtewi, responsable du bureau du Comité de résistance au mur et aux colonies dans le nord de la Cisjordanie a expliqué a MEE que l’armée israélienne a démoli plusieurs tentes qui avaient été reconstruites par un groupe de militants qui étaient présents avec la communauté depuis le 1er février pour les soutenir.
L’armée a aussi confisqué neufs véhicules appartenant aux militants et résidents afin de les dissuader. Ishtewi a insisté sur le fait que la démolition constante of Humsa al-Fawqa n’est pas seulement un acte punitif que l’armée israélienne avait simplement mis en oeuvre mais qu’il s’aigissait d’un processus de déplacement forcé qui a pour objectif de vider la zone de Palestiniens.
"Aujourd’hui l’armée israélienne prend Humsa al-Fawqa pour cible, mais cette politique affectera aussi le reste des communautés et villages palestiniens de la vallée du Jourdain étant donné qu’Israël cherche à annexer cette zone qui constitue un tiers de la Cisjordanie et contient ses terres les plus fertiles.
Traduction : Moncef Chahed et J.V.