La police israélienne a réduit lundi les charges retenues contre un agriculteur palestinien, Hafez Huraini, accusé de tentative de meurtre après s’être défendu contre une attaque de colons alors qu’il travaillait sur ses terres la semaine dernière.
Hureini, originaire du village d’A-Tuwani dans les collines occupées du sud d’Hébron, est désormais accusé de lésions corporelles graves à l’issue d’une audience au tribunal militaire d’Ofer.
Hureini a été arrêté et est en détention depuis lundi dernier, alors que des colons ont affirmé, à tort et à travers, que des dizaines de Palestiniens avaient "lynché" un colon nommé Itamar Cohen, ce qui a été amplifié par les grands médias israéliens. Mais une enquête menée par +972 et Local Call a montré que Cohen faisait partie d’un groupe de colons, armés d’un fusil et de tuyaux métalliques, qui avaient envahi des terres palestiniennes privées et attaqué un petit groupe de fermiers palestiniens, dont Hureini.
Au cours de l’altercation, dans laquelle Hureini a agi en état de légitime défense, Cohen a été frappé et a subi des fractures au crâne, tandis que Hureini a eu les deux bras cassés. Suite à l’enquête, la police a réduit les charges contre Hureini.
Le tribunal a prolongé la détention de Hureini de trois jours, tandis que le juge a critiqué la police pour le manque de progrès dans l’enquête et n’a pas répondu à leur demande de prolonger la détention de Hureini de neuf jours supplémentaires en raison des prochaines fêtes juives.Le juge a également refusé la demande de libération formulée par l’avocate Riham Nasra, qui représentait Hureini. "Un homme de 52 ans avec deux bras cassés ne constitue pas un danger", a affirmé Nasra.
Hureini est arrivé à l’audience avec ses deux bras bandés, et l’air fatigué. Deux membres de sa famille étaient présents dans la salle, ainsi que le député Ofer Cassif du parti de gauche Hadash et des diplomates européens. À l’extérieur du tribunal, des dizaines de militants de gauche israéliens ont manifesté pour demander sa libération, ce qui pouvait être entendu clairement à l’intérieur de l’audience.
Photo : Des militants de gauche manifestent devant le tribunal militaire d’Ofer en solidarité avec Hafez Hureini, le 19 septembre 2022. (Emily Glick/Activestills.org)
Le procureur de la police a confirmé lors de l’audience que l’incident avait eu lieu sur "des terres enregistrées au nom de Palestiniens" et que les colons étaient arrivés en tenant des "bâtons". Il a ajouté que la police avait tenté de localiser les colons qui ont participé à l’attaque, mais sans succès jusqu’à présent. Quant au colon blessé dans l’incident, il a été noté que son témoignage n’a été recueilli qu’à l’hôpital et, selon le procureur, il sera probablement interrogé dans les prochains jours.
Bien que l’événement ait été documenté dans une vidéo ininterrompue filmée par une personne présente sur les lieux, le procureur a insisté sur le fait qu’il s’agissait d’une "affaire complexe". Il a déclaré qu’un rapport confidentiel avait été soumis au tribunal et a refusé de répondre à de nombreuses questions posées par l’avocate de Hureini. Le procureur a également confirmé que trois actions d’enquête, sur lesquelles il n’a pas fourni de détails supplémentaires, n’ont pas encore été menées ; lors de la précédente audience, qui a eu lieu jeudi, la police a affirmé que la libération de Hureini pourrait perturber ces efforts.
L’avocate Nasra a une fois de plus présenté la vidéo de l’incident au tribunal et a déclaré que, bien qu’il n’y ait "aucune contestation sur le fait qu’un des attaquants des colons a été blessé", la séquence montre clairement que Cohen a été "attaqué ou repoussé seulement après avoir attaqué Hureini et lui avoir cassé les bras, sur son terrain privé". Hureini, poursuit Nasra, a agi "en raison d’un sentiment de danger immédiat et tangible" - admissible, selon elle, en vertu de la loi Dromi, qui prévoit la possibilité de se défendre en cas d’invasion d’une propriété privée.
"La question n’est pas de savoir si le détenu a repoussé [le colon] ou non, mais dans quel contexte il l’a fait. Il y avait un danger objectif ici", a poursuivi Nasra. Lors de la précédente audience, le juge n’avait pas exclu la possibilité que Hureini ait agi en état de légitime défense. Nasra a ajouté qu’alors que Hureini est détenu, ses agresseurs israéliens, eux, sont libres et n’ont pas encore été interrogés sous caution.
Photo : Un soldat israélien lors d’un raid sur le village d’A-Tuwani dans le sud des collines d’Hébron, le 15 septembre 2022. (Omri Eran-Vardi)
Depuis l’incident, l’armée a intensifié sa répression à A-Tuwani. Pendant trois jours consécutifs, les soldats ont mené des raids dans le village le soir et la nuit, lançant des grenades assourdissantes dans les maisons et détenant les résidents. Vendredi dernier, l’armée a fait une descente au domicile de Basil Adra, écrivain de +972.
Plus tôt dans la journée, des colons ont protesté contre l’incident à l’entrée de Havat Ma’on ; pendant ce temps, les soldats ont empêché les Palestiniens de se rendre à leur domicile.
Traduction et mise en page : AFPS / DD