Dans une cacophonie de tirs de joie, de pétards et d’avertisseurs bloqués, Tareq Abou Sharkh, un militant des Brigades des Martyrs d’Al Aqsa, qui a été remis en liberté hier, a littéralement arrêté la circulation, tandis qu’il était étreint et embrassé par des amis et des sympathisants au milieu d’un carrefour très fréquenté d’Hébron.
M. Abou Sharkh, 31 ans, est la preuve vivante que, malgré toutes les critiques des factions militaires, qui trouvent trop limité le geste qu’Israël fait en direction du nouveau gouvernement palestinien en libérant 500 détenus, le retour d’un prisonnier est toujours l’occasion d’une fête débridée dans sa communauté.
Auparavant, il avait été porté à bout de bras à Hébron, après sa libération des prisons israéliennes, 21 mois avant la fin de sa condamnation à cinq ans et demi d’emprisonnement. Mais M. Abou Sharkh, qui dit avoir été déclaré coupable de tirs contre des troupes israéliennes, a averti que son élargissement de la prison de Beersheba, et celui de ses camarades, ne serait pas suffisant pour consolider les nouveaux mais fragiles espoirs de paix.
« Mon bonheur est mêlé de tristesse, dit-il, parce que j’ai encore des frères en prison. Les gens disent que c’est un geste de bonne volonté d’Israël mais c’est un très petit pas. Il n’y aura pas de paix tant que tous les prisonniers ne seront pas relâchés. Vous ne devez pas l’oublier, c’est le message que nous apportons à l’Autorité palestinienne. »
- Prisonnier libéré
- près de Tulkarem, 21 02 2005
Cet appel était relayé par Adnan Yusef Yunis Abou Tabani, suspecté d’être membre du Hamas, et libéré hier après avoir été détenu sans charge en « détention administrative ». Coiffé d’une casquette de baseball verte du Hamas, M. Abou Tabani dit : « Cela ressemble à un mariage palestinien. Mais notre bonheur n’est pas complet. Nous avons laissé derrière nous 7 500 prisonniers, dont 200 femmes ».
En anglais, il ajoute : « S’il doit y avoir la paix sur notre terre, Israël doit libérer tous les prisonniers ».
Les prisonniers remis en liberté ont aussi eu droit à un accueil de héros à Gaza et dans différentes villes de Cisjordanie, mais la joie a été ternie dans un village proche de Jénine, où un spectateur de 30 ans a été tué accidentellement, et quatre autres personnes blessés par les tirs de célébration.
- Libération de prisonniers, 21 02 2005
Les 500 prisonniers libérés étaient les premiers des 900 qu’Ariel Sharon, le premier ministre israélien, s’est engagé à libérer après l’élection de Mahmoud Abbas comme Président palestinien. Ces libérations sont une pièce centrale des efforts de M. Abbas pour obtenir une trêve dans les violences. M. Abbas a fait comprendre clairement qu’il regardait les libérations ultérieures de prisonniers comme la plus haute priorité dans " les mesures propres à restaurer la confiance dont il a besoin de la part d’Israël pour soutenir la paix.
Selon les officiels palestiniens, la condamnation moyenne des prisonniers était de 3 à 10 ans. Il restait à environ 380 d’entre eux entre un et deux ans de peine à effectuer, les autres n’ayant plus que de courtes périodes à purger.
Selon les autorités israéliennes, aucun prisonnier reconnu coupable du meurtre d’israéliens n’a été libéré, mais M. Sharon a indiqué qu’il pourrait envisage la libération de certains de ceux qui « ont du sang sur les mains » après un désengagement réussi de Gaza.
Des scènes chaotiques ont brièvement eu lieu après que deux bus transportant sous escorte militaire israélienne des prisonniers aux mains tendues par les vitres ouvertes, depuis le check point de Tarkumia, à l’extérieur d’Hébron, ne se sont pas arrêtés au bout de la route latérale où les troupes avaient forcé plusieurs centaines de membres de leur famille à les attendre sur l’accotement. Les familles se sont précipitées vers leurs voitures et ont formé un défilé impromptu, certains agitant des drapeaux du Hamas ou du Jihad islamique, sur près de 5 km jusqu’à la ville pour retrouver les prisonniers libérés.
Selon la police militaire, les prisonniers libérés ont signé des engagements écrits de ne pas prendre part à des activités violentes.
Mais Aziz Halabi, dont le fils a été élargi après avoir purgé les deux tiers d’une condamnation de 18 mois pour appartenance au Jihad islamique, a déclaré que lui et un autre de ses fils, condamné à 17 ans de prison et toujours détenu, « continueraient la lutte », si nécessaire. Ses deux fils font partie de l’organisation, dit-il, ajoutant « loué soit Dieu ».
Oum Salah, la mère d’un autre prisonnier libéré, a déclaré que son fils n’avait vu qu’une fois sa fille de deux ans, Asma, depuis son incarcération. Il a été emprisonné pour n’avoir pas pu indiquer aux troupes où se trouvaient ses deux frères recherchés. « Nous ne pouvions pas lui envoyer sa photo en prison, dit-elle, alors nous l’avons publiée trois fois dans le journal d’Al Quds. «
*L’Egypte a nommé un nouvel ambassadeur en Israël, se conformant à l’engagement pris lors du sommet de la paix, a déclaré hier le Ministre des Affaires Etrangères israéliens. Pour Silvan Shalom, cette nomination prend place dans un « processus de réconciliation » grandissant. Selon lui, les lettres de créance de Mohamed Assem, qui a été ambassadeur eaux Etats-Unis, ont été présentées au gouvernement. L’Egypte se refuse à tout commentaire.