Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu n’est pas intéressé à la paix par le biais de négociations avec les Palestiniens. Il a un autre chemin vers celle-ci. Netanyahu a déclaré mardi à CNN, que la voie de la paix avec les Palestiniens, passe d’abord par la paix avec le monde arabe.
Or, le monde arabe n’est pas en guerre contre Israël et le processus de normalisation baptisé "accords d’Abraham" n’a rien à voir avec la paix avec les Palestiniens. Il ne contribuerait pas non plus à mettre fin à l’occupation israélienne et au colonialisme de peuplement qui durent depuis des décennies, ni au refus de l’État de s’attaquer à la crise des réfugiés palestiniens qu’il a créée.
Netanyahu et la plupart des sionistes israéliens n’acceptent pas le fait que leur armée occupe une autre terre et tienne des millions de personnes en otage dans une occupation illégale.
Ils se sont vengés des Palestiniens pour avoir simplement demandé à la Cour internationale de justice de donner un avis juridique sur le statut des territoires sur lesquels vivent six millions de Palestiniens.
Une doctrine qui a échoué
La stratégie de Netanyahu a été exposée la semaine dernière lorsque l’armée israélienne a lancé un raid sur la ville palestinienne de Jénine, tuant 10 Palestiniens dont une femme âgée. Ce raid, ainsi que la visite provocatrice à la mosquée Al-Aqsa du ministre israélien de la sécurité nationale d’extrême droite, Itamar Ben-Gvir, ont déclenché le début de l’effondrement de la doctrine Netanyahou.
À la suite de la provocation de Ben-Gvir sur le troisième lieu le plus sacré de l’Islam, la visite de Netanyahou aux Émirats arabes unis a été annulée. Les tentatives israéliennes de faire croire que l’annulation était due à des problèmes d’itinéraire de voyage ont été démenties dans une déclaration publique des dirigeants des EAU.
Au lieu de recevoir Netanyahu, l’ambassadeur des EAU aux Nations unies a déposé une plainte au Conseil de sécurité des Nations unies contre Israël, pour la violation du statu quo par son ministre.
Les efforts de Netanyahu pour contourner la question palestinienne ont subi un coup sévère lorsque de hauts responsables américains ont exigé que le dirigeant israélien règle d’abord les problèmes avec son voisin le plus proche, la Jordanie. La Jordanie a été contrariée par les efforts indirects d’Israël pour modifier le statu quo historique à Al-Aqsa.
Bien qu’il ait été écarté de la visite à Abu Dhabi, M. Netanyahu a continué à diffuser sa doctrine défectueuse en déclarant à Jake Tapper de CNN que la paix avec les Palestiniens n’interviendra que lorsque tous les États arabes auront normalisé leurs relations avec Israël.
En d’autres termes, Netanyahu croit que les régimes arabes feront pression sur les Palestiniens pour qu’ils se soumettent aux diktats du dirigeant israélien de droite, redevable à un groupe encore plus radical de colons juifs.
Le Premier ministre israélien, qui doit être jugé pour des accusations de corruption, de pots-de-vin, de fraude et d’abus de confiance, a besoin de chacun des membres de sa coalition pour modifier le système juridique israélien, simplement pour éviter d’aller en prison s’il est condamné.
Pour les Palestiniens, la doctrine israélienne va à l’encontre des résolutions de la Ligue arabe initiées par l’Arabie saoudite, qui n’appellent à une normalisation qu’après le retrait d’Israël de toutes les zones arabes qu’il a occupées en juin 1967. Outre Gaza et la Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est), le plan de paix arabe exige qu’Israël se retire également des hauteurs du Golan syrien occupé.
L’éléphant dans la pièce
Les pays arabes qui ont accepté de normaliser leurs relations avec Israël pendant l’ère Trump avaient des objectifs à la fois personnels et régionaux. Les objectifs personnels avaient davantage à voir avec leurs relations avec Washington, et les objectifs régionaux visaient en partie à mettre un terme aux efforts de Netanyahu et de Trump pour annexer à Israël des parties de la Cisjordanie occupée.
L’objectif de Netanyahu d’améliorer les relations avec les États arabes qui ont normalisé avec Israël, ou même avec d’autres qui ne l’ont pas fait, n’apportera pas la paix. Israël doit faire face à ses propres réalités sur le terrain.
L’occupation israélienne, qui dure depuis des décennies, a fait d’Israël un État d’apartheid fondé sur la suprématie des Juifs sur les non-Juifs dans les régions situées entre le Jourdain et la mer Méditerranée.
L’expression "suprématie juive" a été utilisée par trois organisations israéliennes de défense des droits de l’homme très respectées, dont B’tselem.
Les efforts d’Israël à mettre en œuvre de manière sélective les accords d’Oslo -en sous-traitant sa sécurité aux forces de sécurité palestiniennes, sans respecter les parties politiques de la déclaration de principes israélo-palestinienne- se sont avérés être une énorme erreur, provoquant des effusions de sang des deux côtés.
En ignorant l’éléphant dans la pièce, l’occupation elle-même, la stratégie israélienne de normalisation des relations avec les dirigeants des régimes arabes, ne contribuera guère à résoudre les problèmes à la maison.
Lorsque la Déclaration de principes a été signée en 1993 à la Maison Blanche, l’accord était clair : Israël et l’OLP reconnaissaient les aspirations nationales de l’une et de l’autre.
La stratégie israélienne de normalisation des relations avec les dirigeants des régimes arabes n’apportera pas grand-chose aux problèmes intérieurs.
Les Israéliens ont renoncé à la création d’un État palestinien tout en évitant de payer le prix politique de l’échec de tout accord de paix. Ils ont même cessé de maintenir les apparences de pourparlers de paix.
En choisissant de nier le nationalisme palestinien et d’opter pour un accord bancal avec les dirigeants arabes, Israël a prouvé son manque d’intérêt pour la paix. La doctrine Netanyahu a été dévoilée comme une fausse doctrine sans fondement ni avenir.
Le retour à des pourparlers directs et sérieux pour mettre fin à l’occupation et pour aller vers la création d’un État palestinien indépendant qui vivrait en paix aux côtés d’Israël, ainsi que la résolution du problème des réfugiés palestiniens, constituent la seule issue possible. Plus vite cela sera mis en œuvre, mieux cela sera pour tous.
Daoud Kuttab est un journaliste palestinien primé de Jérusalem. Il est l’ancien professeur de journalisme Ferris à l’université de Princeton et dirige actuellement le Community Media Network à Amman, en Jordanie. Il fait la navette entre Jérusalem et Amman.
Traduction : AFPS