Début juin, les résidents palestiniens des villages des collines du sud d’Hébron, où je suis née et où je vis encore aujourd’hui, se sont joints à d’autres militants pour une grande manifestation de soutien aux communautés locales menacées d’expulsion à Masafer Yatta. Bien que la manifestation ait été violente, avec notamment une attaque de colons contre une voiture de militants et une dispersion violente de la manifestation par des soldats, les participants sont repartis satisfaits d’avoir montré à l’armée que nous ne resterons pas les bras croisés devant notre transfert forcé.
Après la manifestation, les militants se sont rassemblés près de chez moi, au centre communautaire de Youth of Sumud, un groupe palestinien local de défense des droits de l’homme dont je suis membre, afin de se reposer et de s’hydrater, et d’entendre les dirigeants de la campagne Masafer Yatta parler de l’importance de poursuivre notre lutte. C’est dans des moments comme celui-ci que je suis si reconnaissante à Youth of Sumud d’avoir cet espace - un lieu où les gens peuvent se réunir pour apprendre les uns des autres et partager notre travail de résistance à l’occupation. Mais quelques jours seulement après la manifestation, l’armée israélienne a remis à notre centre militant bien-aimé un ordre de démolition. Cela signifie qu’il peut être détruit à tout moment.
L’ordre de démolition de notre centre intervient alors que l’armée israélienne travaille à l’expulsion des communautés palestiniennes de Masafer Yatta, dans une zone qu’elle a déclarée zone de tir. Cela conduira à une autre Nakba à Masafer Yatta, laissant des milliers de personnes comme réfugiés sans abri.
Nous avons fondé Youth of Sumud en 2017, alors que j’avais 18 ans, dans le village de Sarura à Masafer Yatta. Notre première activité a été de réhabiliter une grotte dans le village afin d’aider à restaurer la communauté palestinienne qui y vivait autrefois. À partir de là, nous avons commencé à travailler dans des villages du sud des collines d’Hébron et, peu après, dans l’ensemble de la Cisjordanie occupée. Qu’il s’agisse de raids nocturnes de l’armée dans notre propre village d’A-Tuwani ou d’attaques violentes de colons contre des Palestiniens récoltant leurs oliviers dans la vallée du Jourdain, notre objectif est d’être là pour soutenir les communautés proches et lointaines. Tout notre travail a pour but de soutenir les agriculteurs et les familles palestiniennes, souvent dans des endroits dangereux, afin de les aider et de nous aider dans notre résistance et notre lutte continues contre l’occupation israélienne.
Les premières années, les jeunes de Sumud se sont réunis dans la grotte que nous avions réhabilitée dans le village de Sarura. L’année dernière, nous avons appris l’existence d’un concours organisé par une initiative appelée Aal Ard [mot arabe signifiant "sur le terrain"] pour soutenir le travail de résistance des jeunes qui renforce les capacités des communautés à rester sur leurs terres, et nous avons déposé notre candidature afin de pouvoir construire un centre communautaire dans le village d’A-Tuwani. Nous avons été ravis de gagner, avec six autres initiatives en Cisjordanie, et honorés de pouvoir construire un centre qui permettrait aux militants de se réunir.
Photo : Des soldats israéliens se tiennent devant une grotte dans laquelle vit une famille palestinienne à Sarura, dans le sud des collines d’Hébron, lors du deuxième raid militaire sur le camp de liberté de Sumud, le 25 mai 2017. (Activestills/Ahmad Al-Bazz)
Nous avons organisé de nombreuses activités dans le centre communautaire, en particulier des programmes pour les femmes et les jeunes. Nous avons dirigé et accueilli des formations juridiques et des formations aux premiers secours, des cours d’autonomisation des femmes, un projet de voix photographique pour que les femmes racontent leurs histoires, des cours de couture et des cours de langue en hébreu et en anglais. Nous avons également fait en sorte que le centre communautaire puisse fonctionner comme une maison d’hôtes, ce qui nous a permis d’accueillir des personnes et des délégations venues visiter la région afin de faire preuve de solidarité avec nous.
Nous comprenons que les coups de force de l’armée israélienne contre les villages et contre notre centre communautaire font partie d’un projet plus large visant à déplacer les Palestiniens de nos terres et à broyer notre résistance. Les tentatives d’expulsion de ces villages et la démolition prévue de notre centre ont lieu au même moment, par le même régime. Notre oppression est partagée, ce qui signifie que notre résistance doit être partagée aussi.
Je ne sais pas si les militaires ont émis l’ordre de démolition au moment où ils l’ont fait en représailles pour avoir accueilli des militants après la manifestation ; c’est certainement possible. Mais je sais que notre centre a été pris pour cible par l’armée et par les colons. Ils essaient de démolir notre centre, notre lutte et notre co-résistance. Nous nous battrons contre cette démolition, mais nous savons aussi que les colons et l’armée ont tort : même s’ils détruisent notre centre, ils ne pourront jamais détruire notre activisme et notre résistance.
Sameeha Hureini, 23 ans, est originaire du village d’A-Tuwani, dans les collines du sud d’Hébron. Elle termine actuellement un diplôme en littérature anglaise.
>> Lire l’appel à action de l’AFPS #SauvonsMasaferYatta
Traduction et mise en page : AFPS / DD