Photo : Colonie de Amona en Cisjordanie en 2013 (Wikipedia)
Avichai Buaron est un militant de la droite radicale qui a été à la tête du mouvement visant à maintenir l’avant-poste d’Amona en Cisjordanie, illégal même au regard de la loi israélienne. Cette semaine, Buaron est devenu le nouveau membre du parlement israélien au sein du parti Likoud de Benjamin Netanyahu, remplaçant le député David Amsalem qui a démissionné de son siège pour être au service du ministère de la Justice. M. Buaron se distingue par le fait que - comme si ses activités de défense de l’extrême droite ne suffisaient pas - il a publié en 2010 un éditorial appelant à la création de "camps d’extermination" pour les ennemis d’Israël.
Oui, vous avez bien lu, des camps d’extermination.
L’éditorial faisait référence au soutien des camps d’extermination pour les "Amalécites", un euphémisme juif courant. Les Amalécites sont un peuple souvent mentionné dans la Bible comme étant les ennemis acharnés des Israélites. Dans le Deutéronome, le Dieu des Israélites ordonne d’"effacer le souvenir d’Amalek de dessous les cieux". Dans l’Israël contemporain, il est communément admis que les "Amalécites" désignent les Palestiniens.
En gardant cela à l’esprit, nous devrions examiner l’éditorial de Buaron (non signé) de 2010 (rapporté dans Haaretz), alors qu’il était président de l’organisation religieuse sioniste "Maaynei Hayeshua" ("Fontaines de la Rédemption"), qui imprimait des brochures distribuées gratuitement dans les synagogues des colonies de peuplement.
Le contexte dans lequel s’inscrit cette brochure est d’une grande importance. En 2010, le grand rabbin de Safed, Shmuel Eliyahu (ainsi que 17 autres rabbins locaux éminents), a rendu une décision selon laquelle les Juifs devaient refuser de vendre ou de louer des biens aux Palestiniens (Eliayahu est également président de Maaynei Hayeshua depuis sa création en 2004). La décision du rabbin a ensuite été approuvée par des dizaines de rabbins, mais a également été contestée par certains rabbins plus libéraux. C’est en réponse aux critiques plus libérales que l’éditorial d’Avichai Buaron a été publié.
Voici la partie critique de l’éditorial, qui apparaît sous le titre "Les hommes de foi sont perdus" dans une section intitulée "rabbins de carrière" et qui critique les rabbins libéraux qui se sont opposés à l’injonction de Shmuel Eliyahu (ma traduction) :
"Il est vrai qu’il existe aussi de telles personnes. Des commis. Ceux qui ne veulent pas déranger, qui expliquent que ’ce n’est pas vraiment la Halacha’ [la loi religieuse], et aussi que ’ce n’est qu’un aspect’ et qu’’il y a d’autres rabbins qui diffèrent’ et qu’en bref, le politiquement correct est leur pain quotidien... Il est peu probable qu’ils se soient identifiés dans le passé à l’appel contre-intuitif "quiconque est pour le Seigneur, venez à moi’ [Exode 32:26], il est peu probable qu’ils aient pris part à nos luttes culturelles. Il est peu probable qu’ils le fassent un jour. Est-il intéressant de savoir s’ils ont laissé à d’autres le soin de concentrer les Amalécites dans des camps d’extermination ou s’ils ont peut-être décidé que l’existence des Amalécites n’était plus pertinente ? L’avenir nous le dira. "
Décryptons d’abord le langage codé lié à la Bible, afin de bien comprendre le sens du message. L’Exode 32 est un passage particulièrement sanglant, où Moïse dit à ceux qui ont répondu à son appel "venez à moi" :
"Chacun de vous attachera son épée au côté, parcourra le camp d’une porte à l’autre, et tuera son frère, son ami et son voisin."
Buaron se moquait donc de ces rabbins contemporains qui, s’ils avaient existé à l’époque de Moïse, n’auraient peut-être pas écouté l’appel de Moïse à se tenir à ses côtés et aux côtés de Dieu et, implicitement, auraient peut-être hésité à massacrer leurs frères, leurs amis et leurs voisins.
La partie concernant les camps d’extermination pour les Amalécites est curieuse, car elle utilise une terminologie contemporaine ("des camps d’extermination") et un temps futur avec l’utilisation archaïque d’Amalek - ce qui suggère qu’Amalek est précisément un euphémisme. La phrase se moquant des rabbins qui ont décidé que "l’existence d’Amalek n’est plus pertinente" souligne que les Amalécites existent sous la forme des ennemis contemporains d’Israël. Il s’agit, bien entendu, des Palestiniens.
Avichai Buaron a "systématiquement évité de répondre" à l’article de Haaretz à l’époque, comme ils l’ont rapporté. Mais le rabbin Mordechai Eliyahu, qui avait rendu la décision initiale contre l’hébergement des Palestiniens, au cœur de toute cette discussion, a répondu à Haaretz (tout en soulignant qu’il n’avait pas écrit l’article de Maaynei Hayeshua) :
"J’ai compris qu’il s’agissait d’une déclaration à l’égard de ces rabbins, sur ce qu’ils feraient si on leur demandait d’exterminer Amalek. Seriez-vous alors restés assis les bras croisés ? Mais parce que cela n’a pas été correctement compris, une semaine plus tard, des excuses ont été présentées. Mais gardons une certaine mesure. Les camps d’extermination ne sont pas le rêve de n’importe lequel d’entre nous".
Haaretz a noté que les excuses mentionnées, publiées une semaine plus tard, "ne concernaient pas les camps d’extermination ou les Amalécites, mais seulement la question concernant les rabbins".
Notez également le présent et le futur dans la réponse d’Eliahu : "lorsqu’ils seront sollicités" et non pas "s’ils étaient sollicités". La confusion du passé et du présent dans ce type de plaidoyer n’est pas fortuite.
Appels à l’extermination des Palestiniens
Buaron n’a pas eu besoin de préciser que les "Amalécites" désignaient les Palestiniens. Les Juifs savent qui sont les Amalécites contemporains. Tout comme Eliyahu n’a pas eu besoin de dire Palestiniens - "Arabes" signifie la même chose pour ces gens. Ce sont des appels du pieds absolument pas subtils. Récemment, le ministre Bezalel Smotrich a appelé à "anéantir" la ville palestinienne de Huwwara pour se venger de l’assassinat de deux colons juifs. Ces sentiments sont souvent partagés dans le discours israélien.
L’appel du rabbin Mordechai Eliyahu à refuser de loger les Palestiniens à Safed a entraîné des conséquences désastreuses. Par exemple, Eli Zvieli, 89 ans, survivant de l’Holocauste, a été menacé de voir sa maison incendiée parce qu’il louait des chambres à trois étudiants palestiniens (précisons qu’il s’agissait de citoyens israéliens). Le Guardian a rapporté que Zvieli avait fait épingler sur sa porte d’entrée des avis le dénonçant comme un traître au judaïsme. Il s’agit d’une campagne concertée d’intimidation raciste. Parfois, comme nous l’avons vu, ces incitations se manifestent par une violence extrême et coûtent des vies.
Cela donne à réfléchir de penser qu’Avichai Buaron est un partisan idéologique d’une politique d’apartheid aussi extrême, et qu’il a même poussé cette croyance jusqu’à prôner le génocide. Il disait en substance que les rabbins qui sont critiques sont un danger pour nous, car ils hésiteraient également à commettre des actes génocidaires qui pourraient à l’avenir être essentiels.
Le fait qu’Avichai Buaron ne soit pas membre des partis les plus à droite, comme le Sionisme religieux de Bezalel Smotrich ou le Pouvoir juif d’Itamar Ben-Gvir, donne également à réfléchir : il est membre du Likoud de Netanyahou, le parti de loin le plus important de la vie politique israélienne.
Que ferait une telle personne en tant que député ? L’avenir nous le dira.
Traduction : AFPS