Arrêté le 5 juillet pour avoir défilé contre l’Autorité palestinienne, Ubaï al-Abudeh a passé 24 heures derrière les barreaux. Mais, ce que l’affable directeur de Bisan, une ONG sociale, âgé de 37 ans, n’a pas digéré, c’est l’arrestation de son frère et de sa femme venus réclamer sa libération : "Ils les ont pris. Ils les ont battus devant et à l’intérieur du poste de police, pieds et poings liés", raconte Ubaï al-Abudeh.
Une popularité en berne
La violence des forces de sécurité palestiniennes, présentes dans les grandes villes de Cisjordanie occupée, est devenue la norme face aux milliers de Palestiniens qui descendent dans la rue pour réclamer la démission du président Mahmoud Abbas. Tout est parti d’un raid nocturne de la police, le 24 juin, dans une maison de Hébron. L’interpellation de Nizar Banat, 42 ans, a tourné au tabassage en règle. L’activiste était mort quand il est arrivé à l’hôpital.
Cette mort a porté le coup de grâce à la popularité de l’Autorité palestinienne et de son président, désormais soutenu par moins de 15 % de la population, selon l’institut de sondage Palestinian Center. Élu en 2005 pour quatre ans, en continuateur du leader historique Yasser Arafat, Mahmoud Abbas est toujours là. Administrateur d’un territoire sur lequel il n’a pas de réel contrôle du fait de l’occupation israélienne, Abbas s’est enfoncé au fil des ans dans l’autoritarisme. L’énième annulation d’élections promises pour juin, son mutisme pendant qu’Israël bombardait Gaza en mai et de nouveaux scandales de corruption, cette fois liés au vaccin anti-Covid, n’ont fait qu’aggraver les choses.
"Il devait nous mener vers la liberté, il a fait l’inverse", dit Ubaï al-Abudeh. Malgré les intimidations et sa précédente arrestation, il a choisi de manifester à nouveau dimanche dernier à Ramallah. Ils ne sont que quelques centaines pour 200 000 habitants. "La peur fait que les gens restent à la maison", explique un jeune ingénieur informatique, dans le cortège.
« Culture de violence et d’impunité »
Les forces de sécurité sont partout, en uniforme et en civil. Sur les trottoirs, beaucoup se contentent d’observer. Coupe en brosse ultragominée, un jeune homme prend discrètement des photos avec son téléphone. "Il est de la police secrète, glisse l’ingénieur. J’en ai assez de cette culture de violence et d’impunité." Ubaï al-Abudeh dénonce "la complaisance de l’Union européenne qui forme la police. Sans le soutien de leurs alliés occidentaux, le régime ne pourrait pas survivre."