D’après un nouveau rapport de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce Et le Développement), le ralentissement accéléré de l’économie palestinienne fait que l’on s’est principalement intéressé aux besoins d’urgence et que l’on a relégué au second plan les préoccupations concernant la viabilité de l’économie. Il faudrait dorénavant s’attacher à limiter la vulnérabilité des entreprises et des ménages palestiniens et à trouver de nouveaux itinéraires pour développer les échanges commerciaux.
Toujours selon le rapport annuel de la CNUCED sur l’assistance au peuple palestinien (TD/B/54/3), afin d’atténuer les effets des mesures de sécurité israéliennes sur l’économie, il faudrait que l’on élargisse la marge de manœuvre des pouvoirs publics et des décideurs palestiniens et que les donateurs soutiennent davantage le renforcement des institutions nationales.
Les auteurs du rapport annuel recommandent de créer des conditions plus propices au développement du secteur privé, surtout par le biais du commerce. Ils font valoir qu’il faudrait développer le commerce palestinien au-delà du "passage de Rafah" pour les exportations de Gaza. Ils préconisent de réexaminer les régimes commerciaux en vigueur avec Israël, les pays arabes et le reste du monde, et d’établir d’autres itinéraires commerciaux dans le cadre d’accords régionaux de transport. L’ouverture d’autres itinéraires pour le commerce palestinien par le biais d’installations portuaires situées en Jordanie et en Égypte permettrait de mettre un terme à l’isolement du territoire et de réduire sa dépendance à l’égard des ports israéliens. L’analyse coûts/avantages réalisée par la CNUCED montre que ces installations portuaires fournissent des services qui sont compétitifs en terme de rapidité et de qualité, à des coûts généralement équivalents ou inférieurs à ceux des installations israéliennes.
D’après le rapport, la chose la plus importante est de réorienter le débat sur les questions de sécurité pour rendre plus sûrs les échanges commerciaux dans toute la région.
L’organe directeur de la CNUCED, à savoir le Conseil du commerce et du développement, examinera le rapport, à Genève, en octobre.
L’ensemble des efforts visant à ouvrir d’autres itinéraires commerciaux devraient s’inscrire dans le cadre d’une stratégie conciliant objectifs immédiats et objectifs à long terme. Cette stratégie devrait être fondée sur des accords régionaux de transport en transit et devrait viser à utiliser les moyens logistiques modernes pour relier les territoires palestiniens occupés aux pays arabes voisins. Elle devrait également permettre de simplifier les règles et procédures nationales.
En dépit des difficultés liées au contexte politique actuel, l’établissement d’une liaison de transport commercial (par l’ouverture d’un "libre passage") entre la Cisjordanie et Gaza devrait rester un objectif.
– La fragmentation de l’économie palestinienne et la faiblesse de la demande intérieure
Selon le rapport, les restrictions aux mouvements de personnes et de marchandises ont coupé les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza des marchés régionaux arabes et des marchés mondiaux, et ont abouti à une "fragmentation institutionnalisée" des territoires palestiniens occupés. Les investissements se sont effondrés. D’après les estimations de la CNUCED, les pertes cumulées de revenus potentiels entre 2000 et 2005 ont atteint 8,4 milliards de dollars, soit plus du double de la taille de l’économie palestinienne actuelle. Le montant des dégâts matériels est estimé à environ un tiers de la capacité de production du territoire en 1998.
Des chiffres provisoires palestiniens montrent que le revenu national brut par habitant a chuté de 15 % en 2006 et le produit intérieur brut (PIB) de 6,6 %. Le taux de chômage est resté à 30 %. La pauvreté a atteint des niveaux sans précédent : 53 % environ des ménages (composés en moyenne de six personnes) vivaient en dessous du seuil de pauvreté fixé à 385 dollars par ménage et par mois en 2005. Nombre de familles ont épuisé leurs stratégies de survie et la gravité de la situation dans les poches de pauvreté et de chômage fait que des pans entiers de la population dépendent de l’aide des donateurs.
Les capacités agricoles et manufacturières restreintes du territoire témoignent d’une longue détérioration structurelle alors même que ces secteurs sont une importante source d’emplois. Si l’agriculture et l’industrie manufacturière ont enregistré une baisse de leur production de 19 % et de 7 % entre 1996 et 2006, l’emploi dans ces secteurs a augmenté de 80 % et de 3 %, respectivement.
En 2006, les exportations ont chuté de 3 % tandis que les importations ont augmenté de 20 %. Le déficit commercial a atteint un niveau sans précédent (73 % du PIB), soit 30 % de plus que le taux moyen enregistré au cours des trente dernières années. Les importations ont augmenté en flèche pour atteindre 86 % du PIB, contre 75 % en 2005. La réduction de la demande intérieure et la diminution constante de la production locale par rapport aux importations, en particulier d’Israël, sont la conséquence directe des politiques israéliennes de bouclage, qui ont renforcé l’isolement du territoire sur le plan économique. Les importations d’Israël comptent pour plus de 55 % dans le déficit commercial palestinien.
– Instabilité budgétaire et marge de manœuvre restreinte
Le blocage des recettes fiscales palestiniennes collectées par Israël au nom de l’Autorité palestinienne et la réticence des donateurs à appuyer l’Autorité palestinienne depuis 2006, conjugués aux effets économiques néfastes de sept années de politique israélienne de bouclage systématique, font que l’Autorité palestinienne se trouve dans une situation précaire sur le plan budgétaire. D’après les estimations de la CNUCED, les pertes cumulées de recettes publiques de l’Autorité palestinienne se sont élevées à 1,2 milliard de dollars entre 2000 et 2005. Les pertes de revenus, sans compter les recettes fiscales bloquées par Israël, pourraient facilement dépasser 250 millions de dollars en 2006.
Malgré une réduction de 30 % des dépenses publiques qui se sont élevées à 655 millions de dollars, le déficit public serait passé de 761 millions de dollars (17 % du PIB) en 2005 à 791 millions de dollars (19 % du PIB) en 2006. Le déficit a été en partie compensé par une augmentation de l’aide extérieure de l’ordre de 137 millions de dollars. Cela étant, le caractère irrégulier de l’appui des donateurs a empêché l’Autorité palestinienne de payer la plupart des fonctionnaires publics depuis avril 2006. Lorsque les salaires sont versés, ce n’est que partiellement et irrégulièrement.
D’après le rapport, des flux de capitaux d’au moins 900 millions de dollars ont dû arriver pour atténuer les effets de la réduction des dépenses publiques et de l’augmentation des importations et empêcher que l’économie palestinienne n’enregistre un recul de plus de 6,6 %, comme cela a été le cas en 2006. Toutefois, une part importante des flux de capitaux ont apparemment transité par des voies décentralisées et n’ont pas été transférés à l’Autorité palestinienne.
Comme si les pertes budgétaires importantes ne suffisaient pas à elles seules, l’incertitude entourant le montant des ressources publiques disponibles fait qu’il est extrêmement difficile pour les décideurs d’orienter l’économie. Cette situation limite le rôle de l’Autorité palestinienne et de ses systèmes de supervision monétaire et d’intermédiation financière et restreint encore la marge de manœuvre déjà limitée des responsables palestiniens.
– Compenser la vulnérabilité de l’économie
Selon le rapport, compte tenu des restrictions accrues en matière de mobilité et de l’isolement forcé du territoire sur le plan économique, il serait imprudent de compter sur des changements de comportement du secteur privé pour relancer l’économie. Il faudrait plutôt s’attacher à restaurer la capacité de production du secteur privé et à rétablir et renforcer ses liens avec le monde extérieur, ce qui exigera l’intervention des pouvoirs publics, du temps et l’appui de la communauté internationale. C’est pourquoi, dans le cadre de toute réorganisation des dépenses budgétaires de l’Autorité palestinienne, il importe d’accorder un rôle important au secteur public pour surmonter la crise. D’après le rapport, les mesures de réforme devraient viser à créer les institutions nécessaires pour répondre aux besoins grandissants de la population ; à jeter les bases nécessaires pour garantir la souveraineté de l’économie du futur État palestinien ; et à fournir aux décideurs palestiniens des moyens d’action beaucoup plus importants que ceux prévus par le Protocole de 1994 relatif aux relations économiques entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (Protocole de Paris).
– Mesures prises par la CNUCED
Le secrétariat a pu réaliser d’importants progrès et a continué de développer son mode opérationnel sélectif et flexible afin de faire face aux conditions extrêmement favorables sur le terrain dans les territoires palestiniens occupés. Les activités d’assistance technique de la CNUCED concernant la modernisation et l’automatisation des douanes devraient déboucher prochainement sur le lancement de la phase III de SYDONIA. Ce projet, qui se déroulera sur trois ans, porte sur le déploiement intégral du système douanier informatisé SYDONIA++ qui sera l’élément central des opérations douanières modernisées.
L’administration palestinienne des douanes et du contrôle des frontières a demandé son aide au secrétariat pour trouver de nouveaux itinéraires commerciaux. En juin 2007, une mission d’experts de la CNUCED s’est rendue en Égypte pour conseiller la délégation de l’Autorité palestinienne dans le cadre de pourparlers avec l’Égypte concernant l’utilisation du point de passage de Rafah comme couloir commercial pour les exportations palestiniennes à partir de Gaza. Le Ministère des finances de l’Autorité palestinienne a également demandé à la CNUCED d’appuyer les préparatifs visant à ce que la Palestine obtienne le statut d’observateur auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
En coopération avec le nouveau partenariat stratégique Asie-Afrique, qui témoigne de la volonté des pays asiatiques et africains de soutenir les efforts de développement de la Palestine, le secrétariat a été invité à élaborer des lignes directrices pour faciliter l’évaluation des besoins de renforcement des capacités dans les secteurs palestiniens public et privé. Dans le cadre du suivi de cette activité, le secrétariat envisage de collaborer avec la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO) afin d’élaborer un cadre pour la fourniture d’informations sur les besoins palestiniens en matière de renforcement des capacités dans les domaines des stratégies de développement et des finances publiques, de la facilitation et de la politique commerciale, ainsi que de la promotion de l’investissement et du développement des entreprises.
Des progrès continus ont été réalisés dans le cadre du projet de création du Conseil des chargeurs palestiniens, qui comprend plus de 200 membres originaires de tous les territoires palestiniens occupés. En janvier 2007, le Conseil des chargeurs palestiniens a tenu une conférence technique, qui a réuni 185 chargeurs palestiniens et acteurs des secteurs public et privé, ainsi que des experts nationaux et internationaux, pour débattre au cours d’une journée des problèmes commerciaux complexes de la Palestine. En juin 2007, l’Assemblée constituante du Conseil des chargeurs palestiniens a été convoquée et a élu le premier conseil d’administration du Conseil.
En dépit des appels lancés par le secrétariat aux donateurs, plusieurs projets manquent toujours cruellement de fonds, ce qui risque de compromettre des années d’efforts en matière de renforcement des institutions. La CNUCED a dû suspendre les activités qu’elle avait prévues dans le cadre de son programme d’appui au développement des petites et moyennes entreprises (EMPRETEC Palestine). En outre, le secrétariat ne pourra peut-être pas entreprendre les activités d’appui à l’Agence palestinienne de promotion de l’investissement qu’il avait envisagées sous la forme d’un programme de promotion de l’investissement dans les territoires palestiniens occupés.
Voir le rapport intégral (en anglais) :