Le village aura plus de la moitié de ses terres de l’autre côté de la barrière lorsque les travaux seront terminés. Certes, des portes agricoles seront probablement aménagées mais chacun sait, maintenant, en Palestine, que les difficultés sont majeures pour ceux qui veulent accéder aux terrains pris au piège : permis obligatoires et difficiles à obtenir, horaires d’ouverture des portes limités ou tout autre prétexte font que les paysans n’ont que rarement la possibilité de travailler leurs champs qui, à terme, sont perdus pour eux. Quant à la colonie, il y a fort à parier qu’elle va rapidement s’étaler sur ces terres rendues inaccessibles aux propriétaires.
Depuis 2 ans, les habitants de Bi’ilin organisent la résistance. Ils ont engagé une action auprès de la Haute Cour de Justice d’Israël, à Jérusalem. Jusqu’à présent, rien n’a pu être obtenu et une 4ème démarche judiciaire est engagée depuis quelques semaines
- Cisjordanie-Bilin-Mur
En parallèle, des manifestations de protestation ont lieu tous les vendredis. Les villageois, soutenus par des militants israéliens et internationaux, se rendent sur les lieux du chantier pour exprimer pacifiquement leur refus de ces expropriations camouflées. Mais, régulièrement, c’est la violence qui l’emporte, les tirs des soldats répondant aux pierres lancées par les enfants et les adolescents dans une confrontation sans issue.
Début septembre, les évènements se précipitaient avec, un vendredi, instauration du couvre feu dés 5 h du matin, arrestations "préventives" d’Israéliens et d’Internationaux, la journée se poursuivant dans la confusion et la violence de part et d’autre.
C’est pourquoi l’association israélienne Gush Shalom lançait l’idée, quelques jours plus tard, d’un concert de piano, le vendredi suivant, sur la place du village.
Jacob Allegro Wegloop vit aux Pays Bas où il est né en 1943. Ses parents étaient arrêtés peu après sa naissance et ne revinrent pas des camps d’extermination nazis. Il avait pu être confié à temps à la résistance hollandaise et survivait ainsi à l’holocauste. C’est en Israël qu’il étudia le piano mais retournait vers son pays d’origine dans les années 70, désapprouvant la politique qu’il voyait mise en œuvre.
Resté en contact avec les mouvements pacifistes israéliens qui luttent contre l’occupation et la colonisation des terres palestiniennes et sympathisant de Gush Shalom, il acceptait de venir d’Amsterdam jusqu’à Bi’ilin pour offrir sa musique en symbole de paix.
Ce vendredi matin, un piano arrivé dans la nuit, était installé en plein air et le concertiste offrit des œuvres de Chopin et de Schubert aux habitants du village.... Mais, c’est par l’hymne national palestinien que Jacob Allegro voulait finir sa prestation et, ayant des difficultés à comprendre la partition manuscrite qui lui était fournie, ce sont les enfants qui entonnèrent leur chant national et lui permirent ainsi d’arriver jusqu’à la note finale.
Ce fut, ensuite, la prière du vendredi et la marche de protestation s’ébranlait sous le soleil écrasant de ce début d’après-midi. Elle s’interrompait rapidement devant les soldats qui bloquaient l’accès au chantier. Quelques notes de guitare étaient alors lancées par un chanteur américain de musique folk, face au barrage infranchissable de l’Armée...
Puis, la vie reprenait, comme à l’accoutumée, ... les notes s’étaient tues, le rêve était brisé. Mais la volonté de résister n’en était que plus intense, nourrie de ces quelques instants de solidarité et, peut-être, de bonheur.