Le titre de ce documentaire est déjà intrigant : une terre deux fois promise ! À l’issue des deux épisodes de 52 minutes qu’on ne saurait trop vous conseiller, le sens émerge, terrible, sans peut-être que les auteurs William Karel et Blanche Finger en aient eu tellement conscience : cette promesse, l’une biblique, l’autre de l’ONU, ne s’est en réalité adressée qu’au peuple juif. Ce qui semble assez logique puisque, malgré le slogan sioniste d’« une terre sans peuple pour un peuple sans terre », une population, arabe ou palestinienne peu importe à ce moment-là, existait bel et bien, de même que des communautés juives, largement minoritaires.
« Du début du siècle à la création de l’État d’Israël, tout a été filmé »
En 1917, les Palestiniens représentaient 98 % de la population, rappelle l’historienne palestinienne Amneh Badran. De congrès sionistes, à la fin du XIXe siècle, au démantèlement de l’Empire ottoman et à la colonisation juive de plus en poussée dans cette Palestine placée sous mandat britannique, nous suivons ce qui va s’apparenter à un formidable projet pour les uns, un drame ancré dans les mémoires pour les autres. Avec, entre-temps, la fameuse déclaration Balfour (1917), que l’historien Shlomo Sand définit ainsi dans le film : « C’est la déclaration d’un colonialiste qui offre à quelqu’un d’autre un cadeau qui ne lui appartient pas. »
Et puis, bien sûr, il y a l’extermination des juifs en Europe, qui va accélérer le partage de la Palestine historique, la minorité juive recevant la majorité du pays.
Karel et Finger ont visionné plus de deux cents heures d’archives, celles de l’INA, de Gaumont, des sources britanniques, mais surtout celles de la Fondation Spielberg à Jérusalem. « Du début du siècle à la création de l’État d’Israël, tout a été filmé (…) Pour convaincre les donateurs d’aider ce pays en construction, il fallait raconter au monde entier ce qui s’y accomplissait. Malheureusement, la majorité des archives palestiniennes ont disparu lors de leur transfert à Beyrouth », rapporte William Karel.
Les deux réalisateurs ont fait le choix d’interroger des historiens, israéliens et palestiniens, qui ont grandi au moment de la création d’Israël. On peut regretter qu’aucun acteur politique ne soit questionné, notamment sur le contexte des décisions prises, d’un côté comme de l’autre. Il y a bien Elias Sanbar, ambassadeur de Palestine auprès de l’Unesco, qui regrette la décision de refus de 1947.
La colonisation, clé de voûte de la politique israélienne
Mais on reste confondu devant un Elie Barnavi, ancien ambassadeur israélien, historien, expliquant que la détérioration des relations entre juifs et Arabes dans les années trente est due à « la colonisation juive » parce qu’elle avait « décidé, dès le début, qu’elle n’utiliserait pas la main-d’œuvre locale arabe » !
Le documentaire se termine en 1967, date essentielle pour Israël et les Palestiniens. Guerre des Six-Jours, mais surtout mise en place de la colonisation, clé de voûte de la politique israélienne jusqu’à aujourd’hui. Les témoignages de deux journalistes israéliens, Amira Hass et Gideon Levy, permettent d’entendre comment un véritable lavage de cerveau a eu lieu en 1967, le régime sioniste affirmant – tout en sachant que c’était faux – qu’un nouveau génocide juif allait avoir lieu.
« La guerre a lieu quand la diplomatie échoue », dit Barnavi. Pas certain que les gouvernements israéliens successifs en aient fait leur adage. C’est un peu ce que nous montre ce documentaire humain, où on sent les auteurs contrits de l’état d’Israël aujourd’hui.
Photo : Une image rare d’une famille paysanne à Ramallah. « La majorité des archives palestiniennes ont disparu lors de leur transfert à Beyrouth. » Library of Congress