Israel - 30-04-2004
Israel s’est engagé dans un débat houleux au sujet du retrait des colonies de Gaza dans le cadre d’un redéploiement unilatéral de ses forces dans les secteurs palestiniens occupés lors de la guerre de 1967.
Ce qui semble être un conflit sérieux est en réalité une crise très disciplinée dans la démarche israélienne. Cela vise apparemment à rechercher les meilleures façons de s’assurer du maintien de la plupart des colonies de Cisjordanie entre les mains d’Israël.
Même l’opposant extrémiste au retrait de Gaza comprend qu’il n’y a aucun futur pour les colonies juives dans la bande de Gaza, mais il voit les colonies de Gaza comme une première ligne stratégique pour défendre les colonies de Cisjordanie.
En conséquence, les opposants transforment le retrait de Gaza en une véritable guerre pour montrer aux gouvernements au pouvoir en Israël et aux Etats-Unis qu’ils devront bien réfléchir avant d’enlever toute colonie en Cisjordanie, précisant ainsi sur le terrain ce que Bush voulait dire par "réalités démographiques".
Cette guerre brûlante aidera également la communauté internationale à comprendre qu’il n’est pas possible qu’un gouvernement israélien entre dans une crise interne aussi intense chaque année.
Ce n’est pas la première fois qu’une crise éclate dans les institutions démocratiques d’un Etat colonial au sujet de sa politique dans les territoires qu’il occupe.
Pendant que la crise continue, les leaders palestiniens et arabes sont dans l’expectative en attendant le résultat. Ce n’est pas étonnant qu’il n’ait pas été possible de réunir un nouveau sommet arabe.
Cette fois, la crise est lancée par la droite afin de protéger les colonies de Cisjordanie, pas celles de la Bande de Gaza.
A mon avis, le plan de Sharon n’est pas en danger, ce sont seulement les dernières minutes du drame dont Sharon sortira vainqueur et la société israélienne pourrait apparaître comme ayant choisi le chemin de la Paix.
En réalité, les Israéliens ont choisi la voie de l’ unité nationale centrée autour de l’annexion des territoires de Cisjordanie, le rejet total du droit au retour des réfugiés palestiniens et le renforcement de l’alliance stratégique avec les Etats-Unis.
Dans le cas de Mordechai Vanunu, celui qui a révélé les "secrets nucléaires", les médias et l’opinion publique en Israël ont dérivé vers la vengeance.
J’ai été très étonné quand le professeur Yishayaho Libovovitsh, qui s’exprime régulièrement et fermement contre l’occupation israélienne des territoires palestiniens, a appelé Vanunu un "rebut de la race humaine."
Quand on a demandé à Libovovitsh de s’expliquer, il a répondu que c’était parce que Vanunu s’était converti au Christianisme, en disant : « Pour un Juif, il vaut mieux être tué que changer de religion. »
Les fondamentalistes islamiques ont les mêmes opinions. Ce fut le cas d’Hamed Ab-Zeid, un universitaire égyptien, qui a été durement attaqué quand les fondamentalistes l’ont accusé d’avoir tourné le dos à l’Islam.
Vanunu n’a pas dit plus au Sunday Times de Londres que ce que Shimon Peres et l’ex-Président Afrime Katsier ont exprimé publiquement à de nombreuses reprises.
Même l’homme de la rue sait qu’Israël possède des armes nucléaires.
Vanunu a été traité comme quelqu’un qui a tourné le dos aux deux religions d’Israel, le Judaisme et le Sionisme militant, qui confèrent la sainteté à l’armée et aux secrets militaires d’Israël, même si ceux-ci sont connus de tous.
Ce qu’a fait Vanunu est en-deça de ce qu’ont fait de nombreux scientifiques et membres de l’armée dans les pays occidentaux lorsqu’ils ont quitté leurs situations et rejoint des mouvements contre les armes nucléaires dans leurs propres pays. Personne ne les a accusés de trahison.
Vanunu n’a pas reçu d’argent en contre-partie de l’information qu’il donnait et n’a pas non plus espionné pour le compte d’un pays étranger, il a simplement lancé une campagne de sensibilisation.
Néanmoins, la campagne de haine contre lui dans les médias fut encore plus dure que les 18 longues années d’emprisonnement.
Peu importe quels étaient ses motifs, il a su se battre pour ses convictions et est sorti de prison l’air encore plus fort.
Même si l’on sait que Vanunu n’a pas embarrassé ou gêné Israël, son establishment sociopolitique ne pouvait que se venger de cette rébellion. Pour Israël, le manque de vengeance menace l’unité de la tribu.
L’embarras est davantage lié à l’unicité d’Israël, pas à celle de Vanunu. Par exemple, en Israël changer de religion est un problème national. En se convertissant au christianisme, Vanunua perdu son identité nationale. Être juif est la marque de nationalité en Israël. Vanunu est devenu un chrétien israélien sans nationalité.
Elhanan Tenenboum est un autre exemple contre lequel la tribu a mobilisé. Je suis sûr qu’il regrette les bonnes journées passées dans les prisons du Hezbollah.
Dès qu’il est rentré dans le pays par le biais de l’échange des prisonniers, les médias se sont dressés contre lui et sa famille ; chaque détail de sa vie a été révélé ; encore une fois, la tribu a montré un front uni, son unité, et s’est vengée de celui qui a brisé les tabous sacrés.
Par ailleurs, Ygial Amir a choqué la nation alors qu’il prenait son pistolet et tuait l’ex Premier Ministre israélien, Itzak Rabin.
Même dans la colère qui a suivi son acte mortel, Amir n’a été jamais traité comme Vanunu ou Tenunbaum. Je pourrais même aller plus loin et dire qu’Amir a tué Rabin au nom de l’unité de la tribu. Aux yeux des Israéliens d’extrème-droite, par son acte Amir a tué celui qui menaçait l’unité de la tribu.
Bien que Rabin n’ait pas rendu la terre de Cisjordanie et de la Bande de Gaza comme Sharon va le faire, il a été tué, de mon point de vue, parce qu’il a commis le péché de ne pas se plier à l’opinion de la majorité juive en Israel ; il dépendait des électeurs arabes, en défiant l’unité et la légitimité de la tribu, car après tout la démocratie d’Israel est tribale.
Pour préserver l’unité de la tribu, Amir devait être sévèrement puni. La gauche israélienne a fait campagne contre Amir, mais elle a appris sa leçon quand Ehud Barak a insisté sur le besoin d’une majorité juive pour que les Travaillistes reviennent au pouvoir.
La nécessité de punir Amir ne l’a pas transformé en traître ou en menace pour l’Etat ; personne ne peut nier qu’Amir jouit d’un vaste soutien dans la droite israélienne.
Amir et Vanunu représentent les frontières entre lesquelles la lutte interne a lieu en Israel. Entre sortir de la tribu et assurer l’identité de la tribu par la force, Amir a gagné et Vanunu a perdu.