Les ’’ anciens ’’, qui ont vécu l’expulsion et survécu aux massacres, sont les témoins, les ’’passeurs ’’de l’histoire des lieux d’origine en Palestine. Les générations qui sont nées depuis 1948 ( depuis 60 ans ) ne peuvent s’adosser à leurs propres souvenirs de leur patrie : ils n’ont pas vu la couleur du ciel en Palestine, n’ont pas senti les parfums de la terre de Palestine, n’ont pas foulé le seuil de la maison familiale, n’ont pas couru dans les champs et les jardins du village ... Lorsque l’on naît dans un camp de réfugiés , la ’’ terre natale ’’, celle qui compte symboliquement, on ne la connaît que par procuration.
Et c’est là une blessure inguérissable infligée aux Palestiniens ( L’article 15 de la Déclaration Universelle des Droits Humains précise pourtant que " - Tout individu a droit à une nationalité .- Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité".). C’est leur nationalité palestinienne que les habitants des camps affirment et défendent , c’est en son nom qu’ils résistent . La reconnaissance du ’’ droit au retour’’ (non négociable ) par Israël et la communauté internationale, c’est une exigence légitime, vitale, pour chacun faisant partie du peuple palestinien.
Lors de notre passage dans différents camps du Liban [1], au delà des particularités de chacun , nous avons retrouvé des situations similaires dont voici quelques traits :
Les ’’ anciens ’’, qui portent la mémoire. Mais aussi la tristesse , voire la désespérance. Leur vie va t-elle s’achever dans le camp ?
Les adultes : quelle place ont ils ? quel travail ? quelles perpectives ? ça veut dire quoi de vivre dans la dépendance de l’ UNWRA ? ( Ce n’est pas l’ UNWRA qui est en cause : elle est là pour pallier les manquements graves de la puissance occupante, et l’immobilisme de la communauté internationale).
Comment assurer son rôle de femme, d’homme, de parent, quand on n’a pas pu faire respecter ses droits de citoyen ?
Comment rendre ’’ viables ’’des lieux de déréliction : les murs qui suintent, les eaux usées qui croupissent, les fils électriques qui pendent dangereusement, les odeurs, la promiscuité, les bruits, les coupures d’eau, les équipements sommaires, le froid, la chaleur ... Et les conditions sanitaires déplorables , la maladie, la difficulté tragique de l’accès au soin , surtout quand il s’agit des enfants ...
Et cependant : l’accueil, la générosité, l’humour, l’inventivité. L’organisation collective pour redonner de la vie , de la dignité. De la mobilisation donc ... Le sens de tout cela est renforcé par la perspective du droit au retour.
Les enfants : comment grandir et se construire harmonieusement dans un tel contexte ! Il y a des efforts énormes dans les écoles, des ONG très diverses présentes, avec des difficultés évidentes de coordination et de liens. Des aides ponctuelles, mais que faire sur le fond ? Des jeux sont fournis, par exemple, mais il n’y a pas de terrain pour jouer ... Il y a la plage au pied de l’école , mais la plage est interdite aux enfants : l’UNWRA n’a pas les fonds suffisants pour canaliser les égouts qui s’y déversent ... incurie scandaleuse de la communauté internationale !
Malgré cela : de l’inventivité , de l’énergie , des initiatives : musique , photos , chorales , voyages.
Dans chaque école : le tableau représentant les villages en Palestine , les clefs symboliques ...
Pour que ces enfants puissent être fiers de leurs parents, de leur lutte, pour qu’ils puissent s’ouvrir au monde, s’inventer un avenir , il y a urgence de reconnaissance du droit au retour . Sans cette reconnaissance –libératrice – c’est une génération d’enfants que l’on asphyxie psychiquement .