À peine le petit groupe de responsables palestiniens tente-t-il de passer la barrière qu’il est violemment pris à partie par des colons. Des soldats israéliens essaient de calmer le jeu. Soudain, une voiture conduite par un colon, klaxon hurlant, vient bousculer le groupe. De rage et de surprise, un soldat frappe violemment le capot. Les colons s’énervent. "Vous êtes là pour protéger qui ? Nous ou ces chiens ?" crie une femme. Scène de la vie ordinaire dans le centre historique d’Hébron.
Même dans une Cisjordanie constellée de colonies où vivent 440 000 Israéliens, Hébron est un endroit à part. Depuis 1980, des juifs vivent retranchés au cœur de la grande ville palestinienne, près du Tombeau des patriarches, vénéré par le judaïsme et l’islam. Ces colons sont mus par un messianisme au nom duquel ils revendiquent "toute la terre d’Israël" de la Méditerranée au Jourdain, sur laquelle les Palestiniens peuvent au mieux être tolérés.
Les colons sont aujourd’hui un millier, dont 200 étudiants d’une école talmudique, protégés en permanence par 700 soldats. Au fil du temps, du harcèlement quotidien, des barrières et autres interdictions au nom de la sécurité, les voisins palestiniens sont peu à peu repoussés, les anciennes rues commerçantes vidées.
La droite la plus radicale
Signe que la droite la plus radicale a le vent en poupe, la petite communauté a désormais la particularité de compter deux députés dans ses rangs sur les 120 de la Knesset. Orit Strock et surtout sa tête d’affiche Itamar Ben-Gvir représentent Hatzionut Hadatit, une formation d’extrême droite sur laquelle le Premier ministre Benjamin Netanyahou s’appuie pour tenter de former une majorité gouvernementale. Leur fanatisme, leur racisme et leur homophobie affichés mettent mal à l’aise, jusque dans le Likoud de Netanyahou. Mais pas à Hébron.
"On n’a pas de problème avec les Arabes", tient à souligner Stéphane Choukroune, "poussé par le vent" jusqu’à Hébron en 1991. Pas plus tard que vendredi, Izz al-Din Nadal Batasha, gamin palestinien de 14 ans, a perdu un œil, touché par une balle perdue en caoutchouc tirée par un soldat… Pourtant, le quinquagénaire vante le calme et la vie communautaire : "Ma bagnole n’est jamais fermée, ce n’est pas à Tel-Aviv qu’on peut vivre comme ça". Rigolard, il explique : "Ma destinée est dans les mains du taulier", en montrant le ciel.
La tension est permanente. L’accès direct au Premier ministre de la droite la plus dure va-t-il l’accroître encore davantage ? Mohammed Mohtaseb, un militant du Fatah, le mouvement nationaliste palestinien, dont le père tient un magasin en face du Tombeau des patriarches, n’est pas plus pessimiste qu’avant. "Le problème, ce n’est pas Ben-Gvir et ses semblables. C’est tout le système d’occupation", dit le garçon de 29 ans.
Dans une rue perpendiculaire, Mohammed observe un groupe d’Israéliens qui apportent des matériaux de construction à l’intérieur d’une maison à l’abandon sous la protection de soldats. La colonie va s’agrandir.