L’AFPS Alsace a organisé deux conférences avec Stéphanie Latte Abdallah autour de son livre "La toile Carcérale, Une histoire de l’emprisonnement en Israël" à Strasbourg et Mulhouse devant une soixantaine de personnes les 3 et 4 février 2022.
Stéphanie Latte Abdallah
Politiste, historienne, autrice de nombreux ouvrages sur le Moyen - Orient et les sociétés arabes (engagements alternatifs, économie locale en Palestine et au Moyen - Orient, sociétés civiles de Palestine et Jordanie, féminismes islamiques, histoire sociales des réfugiés palestiniens...), elle a livré une analyse impressionnante du vécu palestinien à travers l’horizon carcéral que leur impose la politique israélienne.
Elle a rappelé que 40% des hommes palestiniens sont passés par les prisons israéliennes, que près de 1000 prisonniers politiques palestiniens sont condamnés à des peines de plus 20 ans - dont près de 500 à la perpétuité - que les femmes, les étudiants, les enfants dès l’âge de 12 ans connaissent aussi arrestations et mauvais traitements, conditions de détention déplorables, détentions arbitraires pouvant durer des années.
Mais son apport essentiel n’était pas dans la chronique ordinaire de la répression et de l’incarcération, sujets connus d’une partie de l’assistance, mais bien dans la description d’une société palestinienne chaque jour davantage fracturée par l’effet d’une politique israélienne globale où la plupart des aspects de la vie quotidienne palestinienne sont régis par des ordres militaires et donc sous contrôle de tribunaux militaires.
Elle a expliqué l’organisation dans les lieux de détention des prisonniers et leurs modalités de représentation, qu’ils déterminent eux-mêmes, auprès des autorités carcérales, leur organisation par sensibilités politiques, les modalités d’aides financières à leurs familles ou aux anciens prisonniers, souvent vitales pour les familles - celles qui sont versées par des services relevant de l’Autorité palestinienne étant régulièrement soumises au chantage à la suppression par les gouvernements israéliens.
Elle a donné à voir aussi les conditions d’organisation d’études en prison, les visites familiales et les conditions restrictives, des aspects de la vie intime des prisonniers.
Au delà d’une politique de répression brutale, la vision quasi ethnographique de l’enfermement carcéral de toute une société qui s’organise autour de cette évolutions inspire à Stephanie Latte Abdallah une analyse fondamentale : le système pénal et pénitentiaire imposé par Israël est devenu un moyen majeur de fractionnement et de contrôle fractal de la société palestinienne et des Territoires palestiniens.
Pour le dire selon d’autres mots : une politique d’apartheid !